LA MORT A UN AIR BIZZARE
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Description

-Bonjour Monsieur, bonjour Madame, bonjour cher enfant :
Vous venez me voir ?
C’est un peu tard, ne trouvez vous pas ?
Je n’attends plus personne à présent.
Comment : vous êtes venus me rendre hommage ? Mais pour quoi faire ?
Vous verrez, vous m’oublierez, vous m’oublierez jusqu’au son de ma voix.

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Publié le 28 février 2013
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Langue Français

Extrait

LA MORT A UN AIR BIZZARE. Comme un soldat l’arme au pied, il marche hagard sur le champ des morts. Cette gueule à songe de fusillé lui donne un air bizarre. Après la vie, les corps roidess’en vont. Il les voit tous, il marche vers eux. Il sait où il va dans ce champ d’oripeaux.Le cœur éteint dans la poitrine, ils ont déposé leur vie aux pieds de la Reine sombre, cette reine charnelle, celle qui remporte toutes les guerres pour l’amour de son roi.Les ruines des festins de la vie jetées à la vermine, ils croupissent sous de lourdes pierres tombales. Les orbites sans regard et la cage où rien ne bat sont remplis d’argileset de pierres. Des prairies fumantes préservent ces temples loin des trépidations du monde, là où l’oublia édifié ses frontières, au pied des noirs cyprès. *
Une chambre entrouverte, sombre, dans une lumière rouge moirée. Il est là à présent, posé soigneusement sur de solides tréteaux, l’ascensionnelle échelleest dressée au pied de son lit. Le mort, beau masque apaisé a ses doubles tristes : La mort, elle, sourit Voyez comme elle lui donne un air bizarre, la mort. Peut-on croire à la parole de ce créateur dont on nous a parlé, et à la viequ’il a prétendue éternelle ? De quelle éternité parle-t-il ? Les trompettes ne sont pas fondues dans l’or.béatitudes Les sont enfermées dans les arcanes des livres sacrés. Les chevaliers du dernier jour sont encore occupés à leurs agapes. * -Bonjour Monsieur, bonjour Madame, bonjour cher enfant : Vous venez me voir ?
C’est un peu tard, ne trouvez vous pas ? Je n’attends plus personneà présent. Comment : vous êtes venus me rendre hommage ? Mais pour quoi faire ? Vous verrez, vous m’oublierez, vous m’oublierez jusqu’au son de ma voix.Des regards s’avancent vers la barque fragile del’êtreen partance.Qu’il est beau sans sa cuirasse. Il attend de tous un dernier baiser offert. De tous, il était un être cher. Qui oserait rire de cette inique farce ? Des silhouettes grises vont et viennent et brisent le miroir dans la silencieuse onde noire. Les yeux de la mort sont fermés, et sur l’éternitéméditent. Regardez-le. Regardez-le sans défiance et sans peur. Contemplez-le. Regardez bien son masque impavide, sa captivante beauté. Des ombres immenses se courbent pour apercevoir encore le visage crayeux, qui se
perd dans le halo blancd’une lueur tremblante. Mains pâles croisées sur la poitrine, il dort en paix mes amis, soyez en assurés. Il dort avec une attention méticuleuse. Il dort avec application. Un cercle gris couronne son crâne osseux. Tel un gisant, il vous regarde avec les yeux fermés du sommeil du juste. Voyez, voyez comme elle lui donne un air bizarre : la mort. Il n’a plus rien à dire, rien à entendre.Alors vous pleurez, étouffés de regrets. De sanglots longs en silences, vous vous souvenez.C’est l’instant des éthopées à voix basse.Une peur vous étreint. Elle n’est pas raisonnable. Vos mains cherchent des appuis. Une rose rouge tombe par apesanteur sur le buste bien habillé du rêveur endormi. Silencieuse, elle glisse dans cette couche où trône auprès de lui, la reinede l’humanité.
Ici, des cœursrassemblés encerclent le trépas. Une farandole invisible remonte parmi les souvenirs de sa vie: de cris d’enfants, des cris stridents.Des portes s’ouvrent et se ferment.Des balançoires, des jeux innocents et des guerres furtives. Des alliances, des trahisons, tandis que lecorps vide s’en va, et lui donne cet air bizarre dans cet étonnant cercueil de bois cuivré.C’est magnifiquement poignant.* -Otez-vous de ma route vous dis-je ! Je ne vois plus sur moi vos têtes courbées. Que s’émeuvent les cœurs transisailleurs que devant ma dernière chapelle. Je veuxêtre seul et savourer l’instantoù je dors encore dans une chambre bâtiede mains d’hommes. Enveloppé dans un drapé de satin blanc, c’est la fin du naufrage. Il a combattu la peste et le choléra. Il a subi la tentation du diable. Il a vu
l’anachorète et s’est fondu dans la matièreet son extraordinaire foisonnement. Les armes déposées, il a le mérite de ses mille victoires. Il connait àprésent le sens de l’alliance.Quelle force il lui a fallu pour en arriver là. -Vous attendez maintenant que vos émotionss’expriment: Séchez vos pleurs dans les souvenirs. Cultivez ma mémoire et continuez de bâtir. Mais il est déjà trop tard. Rien ne résistera au temps. Les bombardiers du vent m’emportent au loin. Je tournoie dans un ciel mystérieux.J’ai bien fermé ma maison, ma clé est posée sous la porte. -Fuyez, fuyez tous, on n’est pas à la foire, que diable ! Fuyez la mort qui vous aime ! Elle est une femme savante qui vous parle : elle vous chuchote au creux de l’oreille le mot fatal.Elle vous aspire : pauvres fous ! Vous la croyez conseillère.
Vous croyez égoïstement en son amour, mais son amour est universel. Le silence en chausson défile autour de cette boite vernie magnifique, et qui réserve à l’impavide un lit de satin blanc sous une lumière rouge moirée. Le silence enfin révélé, cet hôte parfait connait à présent son inique effondrement au fond de son lit étroit.On l’a habillé de ses plus beaux apprêts, car il part en croisière. -J’ai conservé dans mon dernier souffle le souvenir de quelques verts pâturages où gambadaient des chevaux alezans fougueux. Ils couraient sous un clair de lune argenté. Je les ai tous vu au loin dans la clairière, ils comptaient les moutons blancs.* Dehors, une longue limousine noire attend : un ange célesteà l’avantpaisiblement. Son dort sourire a la tendresse d’une mère.
Demain le soleil se lèvera, puis il se couchera. Sur le grand fleuve qui traverse le monde, le bruit des rameurs a repris avec un rythme lancinant.Depuis toujours, j’entends ce bruit, toujours le même.C’est la frappe souple des rameurs sur l’onde noire. De l’autre coté du fleuve se trouve un autre rivage.
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