La robe de Proust : une construction dans la trame des correspondances entre les arts I.
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La robe de Proust : une construction dans la trame des correspondances entre les arts I.

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Résumé de thèse

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Publié le 29 juin 2012
Nombre de lectures 852
Langue Français

Extrait

OLIVEIRA MARANTES, Bernardete
Université de São Paulo – Faculté de Philosophie, Lettres et Sciences Humaines (São Paulo/
Brésil)
e-mail :
bernardete.marantes@usp.br
Thèse soutenue en octobre 2011
:
La robe de Proust : une construction dans la trame des correspondances entre les arts
(
O vestido
de Proust : uma construção na tramas das correspondências)
Résumé de Thèse:
I. Sur l’œuvre et la robe
La construction proustienne
À la recherche du temps perdu
se prétend à la fois monumentale
et universelle, quasi-habituelle – comme une cathédrale et comme une robe, respectivement. Cette
construction se base sur des convergences, sur des dialogues parmi le bric-à-brac de fin de siècle,
comme l’affirme Antoine Compagnon. En effet, selon Georges Poulet, Proust a inventé « une
méthode qui n’avait d’autre fin que d’établir partout des rapprochements »
1
. D’autre part, Jean-
François Chevrier conclut sur Proust : « Il fait de l’insignifiant le réservoir inépuisable et le socle de
toute signification, il fait communiquer l’infiniment grand et l’infiniment petit »
2
.
Parmi les divers niveaux de signification, l’analogie de la robe et de la cathédrale surgit
effectivement à la fin du
Temps retrouvé
, dernier volume du grand roman proustien (l’affinité entre
le livre et la cathédrale avait déjà été annoncée par John Ruskin dans
La Bible d’Amiens
). « Je
bâtirais mon livre, je n’ose pas dire ambitieusement comme une cathédrale, mais tout simplement
comme une robe »
3
. Cette célèbre métaphore proustienne de la robe justifierait une étude sur la robe
dans la
Recherche
. En ce sens, Jean-François Chevrier rappelle :
Le modèle de la robe est explicitement anti-monumental. L’idée du projet (ou système)
constructif admet déjà la possibilité d’un inachèvement. Mais le modèle de la robe permet
d’introduire l’idée de pièce ou de morceau, en associant les « paperoles » à la parure du corps
féminin [...] On a souvent interprété les deux modèles du roman, cathédrale et robe, comme
deux régimes de lecture possibles de la
Recherche
: lecture suivie, attentive à une structure
que Proust a qualifiée de « dogmatique
», et lecture fragmentaire. Mais le fragment, si on le
rapporte au travail d’écriture, est lui-même une micro unité, serré dans la trame narrative.
4
1
POULET, Georges,
L’espace proustien
, Paris, Gallimard, 1982, p. 109.
2
CHEVRIER, Jean-François,
Proust et la photographie. La Résurrection de Venise
. Paris, L’Arachnéen, 2009, p. 28.
3
PROUST, Marcel,
À la recherche du temps perdu
, IV, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1989, p. 610.
4
CHEVRIER, 2009, p. 90.
C’est précisément sur la robe que porte la thèse de doctorat
La robe de Proust : une
construction dans la trame des correspondances entre les arts
. La mode se présente dans la
Recherche
par le biais d’une construction esthétique autonome au sein de l’univers proustien, et
l’une des motivations de cette thèse réside dans la quasi-absence d’analyses liées à ce sujet, surtout
au Brésil.
Il faut cependant limiter la portée de cette étude, car il y a plusieurs façons d’examiner la
mode vestimentaire dans la
Recherche
, étant donné que la mode est une partie active, mais pas
manifeste, de la composition du roman.
La mode vestimentaire dans l’œuvre de Proust suit les critères soignés et stricts de l’auteur.
Conformément à ces critères, le nom du célèbre Charles Worth, par exemple, n’apparaît pas du tout
au long de la narration, sauf quelques occasions dans lesquelles l’initiale W est utilisée et l’on peut
déduire que Proust fait référence à Worth. Et c’est ainsi parce que, même si le roman de Proust est
aussi la chronique d’une époque, avec, en outre, quelques passages teints d’un ton historique, il
s’agit fondamentalement de l’invention fictive d’un visionnaire, invention soumise, tout d’abord, au
choix esthétique de l’inventeur. Par conséquent, les vêtements de mode font partie de l’œuvre de
Proust d’une manière oblique, car les descriptions de costumes sont, pour la plupart, des
commentaires qui conduisent à des réflexions sur le beau et surtout sur la peinture. L’art pictural de
la Renaissance et l’Impressionnisme se révèlent comme des préférences dans la connexion entre la
mode vestimentaire et les arts chez Proust. Les descriptions de vêtements ou accessoires ne sont pas
isolées de l’ensemble du récit, étant cependant autonomes comme des réflexions esthétiques.
Par ce biais éminemment esthétique, on ne prend pas comme objet d’étude, par exemple, les
vêtements ou la représentation vestimentaire de tous les personnages, mais seulement de ceux qui
sont considérés comme importants pour examiner cette esthétique. Par conséquent, plusieurs
personnages, comme Françoise, la mère et grand-mère du narrateur, même si susceptibles d’analyse
dans leurs représentations vestimentaires, n’ont pas été activement étudiés en raison de l’approche
adoptée ici. On a donc établi des différents plans thématiques d’analyse représentant des
conceptions diverses de la robe proustienne : il y a d’abord la robe en général participant à la mode
et à la représentation sociale ; vient ensuite la robe comme la représentation féminine du beau ;
troisièmement, il y a la mode dans le cadre d’un fond esthétique inséré dans la grande esthétique
proustienne ; et il y a enfin la robe en tant qu’image-référence de la propre construction littéraire (la
Robe). Comme s’est avéré indispensable, l’étude s’est étendue vers les espaces dans lesquels la robe
ou la mode se manifestent comme un élément d’exhibition social.
D’autre part, contrairement à la constante évolution inhérente à la mode, le grand œuvre de
Marcel Proust a la prétention à la permanence, à l’intemporel, et ce sera par les éphémères
manifestations du
modus
de la société que cette prétention sera partiellement accomplie. D’où le
choix du mot
correspondances
dans le titre
La robe de Proust : une construction dans la trame des
correspondances
entre les arts
. La référence à Charles Baudelaire permet d’établir des relations
entre les événements de « forêts de symboles », aussi bien dans les différents registres sensoriels
que dans l’émergence de leurs significations. En outre, pour citer Jean-François Chevrier et Brigitte
Legars :
Non seulement l’écriture réalise des échanges entre les arts (peinture, musique, poésie) et des
correspondances entre les sens (le son, « délicieux », se goûte), mais la circulation des sens
par les correspondances des arts : figurations des impressions sensorielles, les arts sont la
médiation nécessaire pour une synesthésie dont le lieu est la phrase, écrite.
5
II. À propos du mode d’exposition (ou de composition) de la thèse
Le mode d’exposition de la thèse obéit à un plan conçu selon la confection d’une robe : les
domaines thématiques, ou les quatre parties distinctes reliées à l’intérieur et à l’extérieur du travail,
suivent l’ordre dont une robe est confectionnée.
Ainsi, la première partie,
Prendre les mesures
, s’interroge sur la tradition critique littéraire
française au sujet de la mode vestimentaire et ses similaires. Cette entrée en matière est nécessaire
pour mener une investigation sur le poids de l’héritage critique littéraire d’Honoré de Balzac, de
Charles Baudelaire et de Stéphane Mallarmé dans les écrits de Proust. Dans cette section, les
articles critiques littéraires ou encore les articles « techniques » des écrivains mentionnés sur la
mode vestimentaire, le style, les meubles, etc., sont exploités avant d’arriver aux textes sur la mode
et les accessoires que le jeune Marcel Proust a écrit pour la revue
Le Mensuel
, l’une de ses
premières incursions dans l’art littéraire.
Le Mensuel
est apparu en 1890 et a eu peu d’éditions, dans
lesquelles les premiers textes de l’écrivain ont été signés sous différents pseudonymes. Dans cette
perspective, l’intention est d’examiner ces premiers textes proustiens pour essayer d’identifier s’il y
a des traces de cette tradition critique littéraire, tout en observant certains éléments esthétiques qui
émergent dans
Les Plaisirs et les jours
et qui ont persisté dans la
Recherche
.
Dans la deuxième partie,
Le choix du modèle
, on étudie les modèles suivis par Proust dans
son parcours intellectuel, mais surtout dans son parcours esthétique. Le regard se tourne vers John
Ruskin, le grand critique anglais qui a enchanté le XIX
e
siècle avec ses conceptions sur l’art et
5
CHEVRIER, Jean-François; LEGARS, Brigitte, « Pour un ensemble partiques artistiques dans la
Recherche
» (p. 21-
43), in:
Cahiers critiques de la litterature
, Paris, Éditions Contraste, Nº 3/ 4, Eté, 1977, p. 43.
l’architecture. Ruskin, comme nous le savons, c’est l’un des « phares » de Proust dans la fondation
de sa propre esthétique. De Ruskin dérivent Carpaccio, Giotto, Turner, Venise, les églises et
d’autres références. En outre, une mode prosaïque dans la
Recherche
est insoutenable, et ainsi les
observations coordonnées du narrateur-héros et du peintre Elstir projettent la mode de l’époque – de
Fortuny ou de Redfern – au-delà de la temporalité. La Venise des doges rencontre la peinture
impressionniste, les robes de chambre et les peignoirs de Fortuny dialoguent avec la peinture de
Carpaccio : tout est lié et s’adapte dans le jeu esthétique de la mode vestimentaire imaginée par
Proust ; c’est le rêve romantique symboliste de l’art total qui se présente et c’est sur cette trame de
correspondances que Proust a fondé son esthétique.
La troisième partie,
Couper, surfiler et coudre
, rassemble un peu d’histoire de la mode et des
conventions sociales pour tenter d’éclairer le monde proustien encore bourré de l’étiquette et des
salons. Cette troisième partie est alors consacrée aux vêtements de mode sous un point de vue
socioculturel. Ne voulant pas écrire un chapitre encyclopédique, on survole laconiquement l’histoire
des vêtements et la façon dont ils ont été utilisés comme un code identitaire pour entrer ainsi avec
plus de cohérence dans la
Recherche
. La mode comme représentation et comme une simple
apparence frivole est décrite dans cette partie, tout comme quelques ostensibles règles d’étiquette
qui résistaient obstinément au XIX
e
siècle. Les salons proustiens sont représentés ici et sa bien
habillée Oriane de Guermantes est captive dans cette section qu’on pourrait également considérer
comme le théâtre proustien.
La quatrième et dernière partie est le résultat de la fabrication du vêtement féminin,
La robe
.
Dans cette partie, on discute le beau dans la mode vestimentaire et la mode des belles femmes selon
le héros de la
Recherche
. On examine ici la représentation de l’habillement, celui des femmes en
particulier, dans des sections sur le beau dans la mode, sur la mode et la Première Guerre, et,
évidemment, sur les deux femmes les plus représentatives de l’œuvre : Odette et Albertine, qui
figurent dans les sections-clés ; « Le Bal des têtes » complète la robe. La mode vestimentaire dans
la
Recherche
suit la quête du narrateur, sans que son essence soit déclenchée. C’est-à-dire, la mode
en tant qu’expression essentiellement éphémère cède la place, fondamentalement, au beau et la
représentation du beau est (à l’exception des œuvres d’art qui nourrissent la
Recherche
)
l’énigmatique Odette : la « Miss Sacripant » et la « Dame en rose » se fondent dans la figure
d’Odette de Crécy qui deviendra après (Odette) Swann et ensuite (Odette) de Forcheville. Odette est
la choisie de Proust pour représenter la beauté de la femme éternelle et sa fraîcheur résiste jusqu’à
la dernière page du roman. En opposition à la beauté naturelle d’Odette, il y a la dissimulation,
l’exotisme, le travestissement : de Balbec émerge Albertine, la bien-aimée du narrateur. Et avec
Albertine il ne viendra pas seulement l’amour, mais l’ambiguïté, la jalousie, la douleur et aussi les
manteaux de Fortuny, Mme de Cadignan de Balzac, Venise et les dialogues du narrateur, Elstir et
Albertine sur la peinture et les vêtements de mode. L’esthétique du vêtement de Proust s’appuie sur
cette trame ourdie entre le narrateur et Albertine. Pour conclure, « Le Bal des têtes » exhibe un
aspect de la mode totalement opposé à celui qui a été suggéré jusqu’ici. À cause des changements
survenus après la Seconde Guerre mondiale, les rôles se sont inversés, les aristocrates et les
bourgeois se confondent dans une société qui sera désormais régie par le pouvoir de l’argent.
Quelque chose se perd définitivement et la
Belle Époque
ne sera qu’un souvenir. Dans cette matinée
finale, la mode est l’informatrice cruelle du temps écoulé. La robe en tant que représentation
féminine du beau disparaît ; à sa place, on aperçoit
La Robe
, ou plutôt sa création, après la rencontre
du narrateur avec sa vocation et surtout avec de Livre.
III. Le plan de la thèse
TABLE DES MATIÈRES
INTRODUCTION .......................................................................................................................... 12
I. PREMIÈRE PARTIE – PRENDRE LES MESURES
I. 1. Les premiers écrits concernant la mode : les genres et les écrivains .................................. 21
I. 1. 1. Balzac .................................................................................................................................... 27
I. 1. 2. Baudelaire ............................................................................................................................. 36
I. 1. 3. Mallarmé ............................................................................................................................... 48
I. 2. « Étoile Filante » et les premiers écrits de Proust ................................................................ 60
I. 2. 1. Le genre littéraire et les éléments de la mode qui ont persisté dans la
Recherche
................ 63
I. 3. La tradition critique littéraire et la
Recherche
..................................................................... 75
III. DEUXIÈME PARTIE – LE CHOIX DU MODÈLE
II. 1. John Ruskin ........................................................................................................................... 81
II. 1. 1. Affinités et rapprochements ................................................................................................. 96
II. 2.
Les doctrines d’une structuration esthétique ................................................................... 113
II. 2. 1. La précieuse
La Serenissima
.............................................................................................. 113
II. 2. 2. Fortuny ............................................................................................................................... 132
II. 2. 3. Carpaccio ........................................................................................................................... 149
II. 3. Les éléments esthétiques appliqués au profit de la fondation esthétique de la robe ..... 152
IV. TROISIÈME PARTIE – COUPER, SURFILER ET COUDRE
III. 1. Paris, capitale de la mode : les vêtements et l’étiquette .................................................. 178
III. 1. 2. Paris au XIX
e
siècle : le vêtement comme une représentation identitaire ............... 190
III. 1. 3. Second Empire (1852-1870) : le mythe Paris ............................................................... 208
III. 1. 3. 1. L’apparition de la haute couture ................................................................................... 214
III. 2. L’aristocratie et la bourgeoisie de Proust ........................................................................ 224
III. 2. 1. Entrant dans la
Recherche
................................................................................................ 227
III. 2. 2. Les Verdurin et les Guermantes ....................................................................................... 236
III. 2. 3. Dans le théâtre de la mode ................................................................................................ 257
IV. QUATRIÈME PARTIE – LA ROBE
IV. 1. Le beau et les valeurs de la mode ...................................................................................... 272
IV. 2. La mode en temps de guerre : la représentation au combat .......................................... 288
IV. 3. Représentation vestimentaire et le féminin de la
Recherche
.......................................... 299
IV. 3. 1. Le tragique baron de Charlus ........................................................................................... 301
IV. 3. 2. Odette : image et temps .................................................................................................... 308
IV. 3. 3. Albertine : la mode et la dissimulation ............................................................................. 351
IV. 4. Le Bal des têtes ................................................................................................................... 388
CONCLUSION ............................................................................................................................. 408
BIBLIOGRAPHIE ....................................................................................................................... 414
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