Le Grand Voyage : nouvelle

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Un récit initiatique sous forme d'une nouvelle pour guider vers l'ouverture du mental à la conscience.
(cette nouvelle est également intégrée au "Livre du changement")
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22 mars 2015

Nombre de lectures

25

Langue

Français

Le Grand Voyage
 Le moment était venu. Le jour du grand départ s'annonçait radieux. Elle se sentait légère en se rendant d'un pas alerte et serein au lieu de rassemblement. Il s'y trouvait déjà une foule considérable : « innombrable ... » se dit-elle. D'autres arrivaient encore. De cette foule immense émanait un calme surprenant d'où s'élevait, semblable à un murmure sourd et tranquille, le bruissement de l'attente collective.  Elle avança en direction du promontoire de la petite colline en se frayant sans peine un passage dans les flots de la masse en partance avec la sensation de nager comme au milieu d'un banc de poissons. Du sommet de la pente herbeuse, le regard embrassait une grande partie de la scène où s'étendait la multitude. Un peu partout, des groupes s'étaient formés où l'on devinait se construire des affinités au détour des échanges. Beaucoup s'étaient assis ou allongés dans l'herbe encore fraîche du jour naissant. Par endroits, des grappes d'enfants dévalaient en courant ce labyrinthe imprévu et la touche cristalline de leurs rires survolait par instant la rumeur assourdie de l'assemblée.  Dans les lointains, la lumière croissante dissipait peu à peu les reflets bleutés de brumes légères, teintant de rose bientôt orangé les contours magnifiques du paysage des monts étagés en cascades. Comme la plupart, elle savourait silencieusement ces instants précieux rendus intenses par l'attente, l'importance de l'événement et son imminence. Elle se savait prête. Tous ici l'étaient et comme elle, avaient répondu à l'appel intérieur. Elle ressentit un immense élan de partage semblable à une vague dont la calme puissance, dans sa simplicité originelle, emportait toutes ces vies vers les rives de leur accomplissement. C'était pour elle une sensation délicieuse de se trouver ainsi soulevée par l'aile d'un destin confiant.  Depuis un certain temps déjà, elle éprouvait, tenace, le désir de voir évoluer les choses, de transformer les enchaînements inéluctables du quotidien, de donner un sens différent aux réalités du monde. Elle savait que cette envie de renouvellement naissait d'un sentiment d'inconfort qu'il était d'ailleurs naturel et inévitable de voir apparaître, car rien ne dure, rien ne reste définitif, même les bases qui semblent établies. Tous savaient cela. Ainsi, une fois reconnue l'apparition de ce besoin décisif de changement, chacun comprenait qu'était venu pour lui le moment de rejoindre le grand rassemblement.  Un souffle frais balaya la colline et de l'horizon, par-dessus les monts, jaillit la pleine clarté du soleil. Elle goûta en cette lumière sublime la promesse du renouveau ...  Et ce fut le départ.
 « Enfin, pensa-t-il, nous voici sur le Chemin ... ». Comme prévu, le Grand Voyage les conduisait vers les trois soleils, destinations lointaines aux confins des univers. Ce périple essentiel représentait pour tous l'incontournable rendez-vous d'une vie. Tous passaient d'inlassables moments à contempler l'extraordinaire splendeur de l'infini. Les galaxies somptueuses défilaient, séparées par des abîmes insondables de pures ténèbres où s'abolissaient l'espace et le temps. « Tout fuit,  Tout passe,  L'espace efface le temps ... », songea -t-il au fil de sa méditation contemplative.  Ainsi l'univers révèle sans fin sa variété de surprenants prodiges dont le spectacle saisissant renverse tous les repères habituels du mental. Les mots pour les définir perdent très vite tout sens et laissent place à un silence intérieur profond où, dans le vécu sensible de la découverte, s'opère par le dépassement du perçu, l'expérience de la fusion avec ce qui en émane. L'impression ressentie reste celle d'une stupéfiante beauté. Sans s'en rendre compte, il murmura : « Des mondes sans cesse se créent dont nous ne savons rien hormis cette intensité créatrice phénoménale qui les anime. »  Pour tous, cet impressionnant foisonnement de manifestations inimaginables, perceptibles par la seule vision, finissait cependant par générer une réelle et inexplicable familiarité, comme si chacun parvenait à se ressentir intimement relié à cet inconnu immense dépassant pourtant toute raison. Progressivement, ils se rendaient compte que leur vécu du voyage défiait l'approche et la compréhension ordinaires qu'ils avaient des réalités. Il pensa : « Et qu'en serait-il si nous pouvions appréhender cela sans limites sensorielles ou plus subtilement encore, par une connaissance directe ? »  Devant eux se poursuivait la succession des constellations, surgissaient des myriades vaporeuses de volutes d'étoiles où s'enchevêtraient d'innombrables mondes. Parfois, la lumière qui enrobait ces éons de temps parcourus rendait visibles d'étranges formations telles de gigantesques draperies aux somptueuses nuances de couleurs mouvantes. Souvent, de l'océan d'obscurité absolue où il leur semblait en toute fin devoir se noyer, rayonnait une incompréhensible présence plus tangible encore que les multiples visions rencontrées et que seule l'absence de lumière, en ces instants magiques et troublants, leur masquait. Leur être alors se trouvait touché par une paix profonde d'où chacun ressortait étonnamment ressourcé.  Il arriva qu'à la bordure du bras d'une galaxie spiralaire vers laquelle ils semblaient se diriger depuis peu, apparut de plus en plus précise, une étoile naine blanche particulière, soleil d'un système de planètes assez simple où le regard se trouvait malgré tout irrésistiblement attiré par l'une d'elle singulièrement baignée d'un bleu lumineux et accueillant ...
 La première étape du Voyage était atteinte. « Fascinante beauté ..., beauté fascinante ... », se répétait-elle, tandis que s'approchait et grandissait la surprenante planète bleue. Celle-ci s'avérait dotée d'une atmosphère stable et de vastes océans d'où émergeaient les reliefs de plusieurs étendues solides parcourues de cours d'eau. Cet ensemble harmonieux se trouvait particulièrement favorable au développement de la vie qui se manifestait, dans tous ces milieux, avec une incroyable diversité.  Les voyageurs, passionnés, ne cessaient de s'émerveiller de cette profusion. Ils y découvraient l'impensable variété des cellules élémentaires microscopiques, si promptes à se reproduire, qui habitaient cette planète, où la vie aquatique à elle seule composait un univers d'exubérance magnifique. Dans les airs, le vol des oiseaux offrait un spectacle délicieux qu'accompagnaient parfois des chants dont la mélodie emplissait l'azur. Sur les zones émergées, de somptueux déserts de sable ou de glace selon les latitudes et le relief laissaient la place à une végétation incroyablement variée et inventive dans son développement, où la beauté parfois saisissante des fleurs les subjuguait. Les sols dans leurs profondeurs et en surface hébergeaient, outre les colonies microscopiques omniprésentes, une multitude d'espèces de champignons et d'insectes aux capacités adaptatives surprenantes. Des animaux de toutes tailles, reptiles, mollusques, batraciens, mammifères ..., trouvaient sur ces étendues les conditions favorables à leur existence. Cette magnifique prolifération du vivant touchait particulièrement les voyageurs par l'énergie et l'ingéniosité que toutes ses formes consacraient à leur survie. « Quelle fabuleuse planète ! », se dit-elle en contemplant le miroitement des gouttes d'eau précipitées par la chute d'une cascade dont les pulvérisations, diffractant la lumière du soleil, composaient un délicat arc-en-ciel.  Cependant, si cette planète étonnante rayonnait d'une beauté dont on ne pouvait se détacher, elle révélait néanmoins d'insondables sources d'horreur. Outre le fait compréhensible que, pour assurer l'équilibre de la vie par l'engrenage de chaînes alimentaires complexes, toutes ces espèces se dévoraient entre elles, tour à tour prédatrices ou proies, l'une d'elle, particulièrement habile, dotée d'importantes capacités mentales était parvenue, dans son élan dominateur, à modifier considérablement son environnement. Elle exerçait une pression apparemment sans limite sur les autres espèces, provoquant l'extinction de certaines et l'asservissement d'autres. Pour satisfaire ses besoins immenses, elle parvenait à prélever sans mesure dans les ressources naturelles parfois jusqu'à leur épuisement, les matières premières nécessaires à la production d'objets artificiels de toutes sortes, au moyen de procédés de fabrication polluant l'air, l'eau et les sols, au point d'y rendre par endroits toute vie impossible. Inégalement répartie à la surface de la planète, elle pouvait cependant y exercer son influence en tous points.  Un étrange paradoxe caractérisait cette espèce. Ses individus étaient tous assoiffés d'amour, se montrant capable de la plus grande tendresse, de bienveillance, de gratitude, de compassion mais également des plus
extrêmes violences et cruautés. Ils maintenaient entre eux des inégalités criantes plongeant les deux tiers de la population de la planète dans le dénuement. Leur créativité leur permettait de composer des oeuvres d'art splendides, d'une sensibilité inouïe, mais également de concevoir des armes de destruction massive terrifiantes.  Seule une minuscule peuplade se distinguait par un équilibre de vie particulièrement remarquable. Ce groupe humain isolé vivait nu, dans une jungle lointaine à l'écart des civilisations dominatrices. Ses membres ne connaissaient pas la notion de propriété ni de hiérarchie. Ils harmonisaient leur vie avec leur environnement, y prélevant le nécessaire à leur subsistance sans jamais mettre en péril la ressource, bien au contraire. Coopérant les uns avec les autres, ils profitaient visiblement de l'existence : petit peuple souriant, amical et joueur, inventif et paisible, qui élevait ses enfants en commun et avaient l'habitude de régler les conflits, peu nombreux, par des séances ... de chatouilles !  Partout ailleurs, les populations étaient habituées à affirmer en permanence leur identité et leur quête de pouvoir de multiples façons, ce qui occasionnait fréquemment des affrontements sanglants, des haines destructrices, jusqu'au génocide. Les sociétés pyramidales s'organisaient sous l'autorité de gouvernements qui commandaient des armées dont certaines possédaient la capacité de détruire plusieurs centaines de fois la planète entière. Une multitude de lois et de règlements complexes servaient à organiser et construire les réalités d'existence imposées aux peuples autour de la notion de travail pour produire. La soumission des individus aux multiples obligations et contraintes était garantie par un cortège de sanctions, punitions ou sévices, certains pouvant entraîner la mort, qui régissaient leurs comportements. La plupart parvenaient néanmoins dans ces cadres, à se ménager des espaces de liberté et de joie ... et à s'aimer.  Sur toute la planète, un culte semblait rendu à un dieu nommé argent. Acquérir de l'argent était imposé à tous comme une nécessité pour vivre selon les règles édictées, et la richesse accumulée servait à déterminer le rang social et le pouvoir. Sensé servir de régulateur dans les échanges, l'argent devenait un outil de discrimination et était à l'origine d'un nombre incalculable de déviances.  Ce qui impressionnait le plus les voyageurs était que cette espèce douée d'intelligence et de compétences remarquables, dont le bonheur était assuré par une planète généreuse, adoptait des comportement destructeurs pouvant mettre en péril les autres espèces et son existence même ; elle semblait posséder toutes les perversités qu'elle exerçait sans vergogne. La somme d'injustices, d'exclusions et de souffrance qui résultait de tout cela était incommensurable.  « Pauvre planète ... », finit-elle par se dire sidérée et transie, et soudain saisie d'effroi, elle chercha comme pour y prendre appui la main la plus proche. Il serra doucement cette main dans la sienne et tourna son visage vers elle. Ils échangèrent un long regard, profond et empli de tristesse.  Le départ fut rapide.
 La route se poursuivait. La plupart des voyageurs avait quitté sans regret l'étrange planète bleue pourtant si attractive à priori. Beaucoup restaient perplexes. Tous mettaient à profit la traversée des sombres étendues de l'univers retrouvées et désormais familières, pour réfléchir et méditer sur l'enseignement de leur bouleversante exploration de ce monde encore si proche dans leur esprit. Des groupes se formaient sans cesse et les échanges faisaient apparaître la complexité des émotions contradictoires qu'avait suscité la confrontation avec le flot d'informations paradoxales dont le souvenir remontait.  Les plus jeunes conservaient la vision la plus positive d'un monde enchanteur, et avaient plaisir à mettre en scène dans leurs jeux, les forêts verdoyantes, les montagnes vertigineuses, les lacs mystérieux, les déserts surchauffés, les villes grouillantes qu'ils traversaient au fil des aventures extraordinaires des héros intrépides rencontrés par milliers lors de leur escale et qu'ils choisissaient d'incarner : animaux aux prouesses fabuleuses qu'ils mimaient en imitant leurs cris, populations au travail, en fête, ou même en guerre ... Leur aptitude à retraduire leur vécu en le symbolisant dans l'expression ludique leur permettait d'intégrer l'expérience.  Tous les autres, plus âgés, cherchaient plutôt à analyser pour les comprendre leurs observations et leurs impressions. Certains émettaient des appréciations, des jugements et même des solutions pour résoudre les problèmes de cette planète égarée, tout en reconnaissant ne pas comprendre pourquoi une espèce aussi évoluée et intelligente n'avait pas déjà pensé et mis en oeuvre ce type de remèdes. Beaucoup exprimaient un ressenti d'où ressortait que tous ces phénomènes étranges, complexes ou déconcertants s'avéraient inhérents au vivant. « De l'effet miroir projeté sur nos propres existences, nos vécus individuels subjectifs, résulte le malaise commun qui nous touche tous », avait-il conclu lors d'une rencontre animée.  Elle avait plaisir à le retrouver. Ils se rejoignaient souvent et ainsi, de rencontre en rencontre, finissaient par dégager un sens à l'expérience. « Les émotions, même positives, sont source de confusion et de souffrance, dit-elle un jour, car elles ne proviennent que de sensibilités mentales relatives à chacun ». « Oui, ajouta-t-il, toutes les espèces vivantes semblent prisonnières de la forme et l'interprétation des réalités perçues, limitée par leurs sens, les conduit à des actes souvent automatiques parfois problématiques ou même destructeurs parce que réactionnels ». « En fait toute réalité n'existe qu'à travers l'idée qu'on s'en fait». « En bâtissant des certitudes sur des images, et en s'y s'accrochant sans cesse jusqu'à la mort, il paraît bien difficile pour les individus et les groupes d'échapper aux illusions, aux erreurs et donc à la souffrance. », puis elle souligna, pensive : « il faudrait pouvoir accéder à des dimensions plus réelles pour échapper à l'illusion des réalités relatives ».  La pratique de la méditation prit une place de plus en plus grande parmi les voyageurs qui approchaient maintenant du secteur du deuxième soleil dont ils commencèrent à ressentir les effets bien avant de parvenir à l'apercevoir. Cette nouvelle étape du chemin s'annonçait surprenante et intense ...
 Graduellement, une paix tranquille, sereine, éclairante, s'installait chez tous les voyageurs de plus en plus calmes et confiants. Cet état intérieur très agréable, apparu de lui-même semblait-il et collectivement ressenti, les ravissait même s'ils n'en comprenaient pas la cause. Tout se passait comme si un lâcher-prise mental s'opérait pour tous. Personne n'avait encore éprouvé un tel détachement des soucis du quotidien ni une telle quiétude, comme si plus aucune question ne se posait, si tant est qu'une seule se soit jamais posée, comme si aucun sujet de réflexion ne parvenait à occuper et accaparer l'activité cérébrale.  Dans ce magnifique bien-être, ils ne tardèrent pas à ressentir les puissantes vagues d'une onde d'amour continuelle. L'amour les inondait, les submergeait et ils sentaient leur être, du plus profond d'eux-mêmes, y répondre sans limite dans une osmose spontanée. C'était pour tous une merveilleuse expérience, si naturelle, évidente, primordiale, originelle ... « Nous sommes chez-nous », finit par dire quelqu'un après de très longs instants où tous s'étaient trouvés projetés hors du temps, dans ce partage extatique qui alors les habitait, leur révélant leur véritable nature.  Le second soleil, immense, semblait occuper tout l'espace. Sa lumière extraordinaire, sans aveugler ni éblouir, rayonnait néanmoins d'une formidable puissance. Des formes incertaines, innombrables, dont on ne pouvait que ressentir l'incessant et fulgurant passage, évoluaient dans toutes les directions avec une célérité infinie, décomposant parfois dans leur sillage impalpable, la lumière en une poussière d'éclats multicolores miroitant un instant avant de s'évanouir. « Des êtres de pure conscience ! », comprirent-ils intuitivement au même instant.  Dès lors, l'enseignement leur parvint en un flot ininterrompu de connaissances universelles sur le réel. La paix profonde qui les avait touchés bien avant leur arrivée émanait de l'approche de ces êtres fabuleux qui communiquaient directement avec leur coeur sur les phases de la vibration de la conscience, qui est ressentie dans sa modulation sous forme d'amour et lui donne sens. La conscience, état inaltérable intemporel et fondateur relie tout à tout et génère ce qui est : le réel, constitué de la totalité de ses manifestations sous toutes les formes matérielles ou immatérielles bien au-delà de celles perceptibles par les sens ; les propriétés subtiles du lien conscience-matière engendrant le réel manifesté. Ainsi s'expliquaient les principes fondamentaux qui unissent toutes les composantes des univers, ayant pour conséquence que tout élément le plus infime soit-il, matériel ou non, se trouve relié à l'ensemble ou à n'importe laquelle de ses parties par la conscience qui l'habite.  Les êtres immatériels par lesquels ils accédaient à cette connaissance du réel les enrobaient de cette vibration d'amour qui exaltait en écho leur propre être intérieur : « L'univers est en nous, nous sommes l'univers » ressentaient-ils. Ainsi ils percevait que c'est par l'être que l'on peut accéder à la conscience de ce qui est et cette révélation illuminait leur coeur ...
 Comme ils s'éloignaient maintenant du second soleil et de sa plénitude, ils se rendaient compte que s'était opérée en eux une transformation profonde et décisive. N'étant plus portés par les merveilleuses entités qui les avaient guidés dans l'approche du réel, ils retrouvaient un usage de leurs facultés mentales plus habituel mais cependant bien différent et nouveau, en harmonie avec le rayonnement de leur propre être intérieur incarné. Ainsi, l'expérience vécue leur avait permis d'orienter leur fonctionnement mental, en le plaçant en phase avec la vibration de leur être, porte ouverte sur la conscience à laquelle ils avaient désormais tous accès par eux-mêmes.  « Je n'avais jamais encore éprouvé avec une telle netteté cette possibilité de penser et d'agir dans la lumière de mon être ! ... », exprima-t-elle, radieuse, « Je n'imaginais même pas que cela soit possible ». « Oui », ajouta-t-il, « c'est comme si notre mental s'ouvrant au ressenti provenant de la vibration de l'être intérieur pouvait maintenant prendre en compte tout ce qui lui est accessible du réel ». Elle poursuivit : « c'est tellement fort et pourtant si simple ..., comme si un voile opaque était tombé laissant enfin s'épanouir la lumière ». Il répondit : « en fait nous avions tellement l'habitude de nous fier exclusivement à notre mental et de n'utiliser que ses seules capacités pour appréhender le monde et y construire les réalités de nos vies, que la relation avec notre être intérieur s'était presque éteinte, ou réfugiée dans des formes ritualisées très sclérosées », puis il conclut : « cela doit faire bien longtemps qu'il en est ainsi pour tous, au fil d'innombrables générations éduquées dans le seul chemin du développement mental coupé de l'être ». « Oh oui !», soupira-t-elle, « mais maintenant nous sommes des milliers partageant la possibilité de se relier à ce qui est, pour penser et agir autrement, et cela peut engendrer un grand changement ...».  Tous parvenaient sans difficulté, par leur être, à maintenir ce ressenti d'amour qui émanait de toute chose et les reliait à tout. Pour tous c'était une ère nouvelle qui s'ouvrait, aux possibilités infinies. Les plus jeunes avaient reçu avec intensité mais aussi avec une grande simplicité, comme une évidence, le message d'ouverture à la conscience. Ils montraient depuis une étonnante aisance à entrer en relation, communiquer avec sensibilité dans l'écoute de l'autre et à pouvoir envisager ensemble leurs actions, se complétant avec harmonie et intelligence dans leurs projets. L'empathie s'était spontanément installée entre tous les voyageurs, comme une tonalité relationnelle de base, en phase avec la vibration des êtres.  « Nous ne sommes plus soumis aux pièges des réalités construites par le mental », s'empressa-t-il de confirmer lorsqu'ils se retrouvèrent. Elle lui souriait : « oui, nos pensées sont éclairées par la lumière de notre être intérieur qui nous offre la perception réelle des choses. Nos paroles, nos prises de décisions, nos actes peuvent maintenant construire des réalités cohérentes, en phase avec le réel ». « Ce qui change tout ! », s'exclama-t-il en riant.  Un phénomène important s'était produit en chacun, qui aboutissait à une dissolution de l'égo. Non pas que l'égo ait disparu dans une sorte
d'uniformité impersonnelle du groupe, mais parce qu'il avait changé d'état. Dans ce processus subtil disparaissait la peur, cette maîtresse tyrannique cause de tant de maux, et en cela chacun éprouvait un indicible soulagement : une libération. Chacun présentait toujours ses particularités individuelles personnelles, avec son caractère, ses goûts, ses compétences, ses limites ; mais se sentant uni à tout par la conscience, personne ne s'identifiait plus à un moi séparé, unique, à protéger et à affirmer en toute circonstance, capable de dicter sa conception du monde et à la défendre face aux autres. Tous avaient dépassé ce stade d'évolution personnelle, et l'expression « moi je ... », jadis si commune, avait bel et bien disparu des conversations. Par contre, chacun s'exprimait librement sur la base de son ressenti, non plus en fonction des émotions qui auparavant envahissaient son mental, mais dans la transparence de ce qu'il recevait du réel d'une situation. C'était un enrichissement pour tous.  « Nous accédons à une pensée non-duelle », exprima-t-elle », « nous ne nous percevons plus dissociés du reste ; la barrière de l'autre s'est abolie sans que nos particularités en soient affectées, et par notre être nous pouvons toujours ressentir ce qui nous relie, par delà les formes et l'espace, à chacun et à l'univers entier ». Après un silence où il l'avait écoutée avec toute son attention et sa sensibilité, il ajouta : «... et ainsi, il est devenu possible de s'exprimer sans les crispations habituelles sur un point de vue égotique, sans jugement ou discrimination. C'est l'égo qui crée l'autre, la dualité se nourrit de l'éducation pour construire une structure identitaire solide, affirmée et séparée, même de l'être, par le mental. Notre véritable identité provient en fait de notre être intérieur qui nous l'offre tout en nous reliant à la non-dualité ».  La pratique de la contemplation prit alors d'elle-même une place de plus en plus importante pour l'ensemble des voyageur qui y trouvaient la possibilité d'éprouver, maintenir et renforcer ce lien de conscience merveilleux où se nourrissait leur expérience du réel. Cheminant ainsi, la transition vers la troisième étape du voyage et son soleil naturellement s'acheva .
Ils reconnurent ce soleil familier qui pointait à l'horizon à leur arrivée. Ce qui aurait pu surprendre, mais pouvait-il encore exister des surprises après un tel voyage, c'est qu'ils se trouvaient sur leur propre planète au lieu même du rassemblement du départ, répartis autour de cette petite colline à la pente herbeuse érigée en promontoire, duquel le regard pouvait embrasser dans les lointains le paysage des monts étalés en cascades, où le soleil levant avait fini de dissiper les brumes d'un petit matin frais. Par un curieux phénomène dont le temps détient le secret, le retour correspondait précisément à l'instant du départ. Tout semblait indiquer que nul n'avait bougé et que le gigantesque voyage, tout intérieur, s'était déroulé ici.  Cependant, si tout était semblable, rien n'était plus pareil à leurs yeux éclairés par la conscience.  Ils comprirent alors.  Sur ses lèvres s'inscrivit un léger et doux sourire. Elle se retourna et vit sur le visage de ses compagnons se dessiner ce même sourire paisible : ensemble, ils connaissaient l'éveil.  Ils se levèrent sereins et partirent en tous lieux transmettre par leurs paroles et leurs actes, les clefs d'une transformation qui lèverait la vague du changement sur toutes les rives de cette planète ; cette planète qu'ils n'avaient pu reconnaître, plongés au plus profond d'eux-mêmes dans ce stupéfiant voyage qui les conduisait à la rencontre lumineuse de leur être intérieur ; cette planète qui était leur origine et qu'ils aimaient, dont désormais ils pouvaient ressentir tout l'amour maternel rayonnant pour eux, humains sur la terre, la planète bleue.  Elle se dirigeait vers lui, si belle. Il la regardait avancer, vive et légère, et entendait battre son propre coeur. Ils éprouvaient un vif désir l'un pour l'autre. S'asseyant dans l'herbe douce près d'un arbre amical pour prolonger ces instants incomparables qui leur étaient donnés de vivre, longuement ils se parlèrent et prirent simplement la décision de mêler leur destin qu'ils savaient désormais guidés par l'inspiration vibrante de leur être les unissant au chant de l'univers.
 Epilogue en clin d'oeil
 Elle insistait, depuis longtemps déjà, pour qu'il écrivît un récit sur cette magnifique aventure porteuse d'un précieux enseignement si essentiel. Il objectait qu'aucun livre ne conduisait à l'éveil, que l'humanité bénéficiait de milliers d'enseignements semblables, de livres à foison, où étaient données à tous les paroles d'innombrables sages qui s'étaient relayés, depuis l'aube de l'humanité pour lui offrir les clefs de la sagesse, sans que cela lui épargne le moindre égarement. Loin de prétendre comme beaucoup que le détachement restait le moyen le plus sûr pour accéder à la vérité, il affirmait tranquillement : « seule l'expérience de l'ouverture du mental à la conscience conduit à l'éveil », et il ajoutait : « ressentir grâce à son être l'amour qui émane d'une fleur, d'un brin d'herbe guidera plus sûrement vers cet état qu'un livre, fût-il celui d'un éveillé ». « La pratique, la pratique ... », concluait-il invariablement, dans un sourire plein de tendresse. En effet, il ne s'agissait pas d'apprendre à dresser le mental à produire de l'amour, ce qui sera toujours désastreux, mais de l'aider à ressentir la vibration de la conscience pour s'y éclairer. Elle, toujours aimante, si attentive et intuitive, persistait néanmoins dans sa demande : « cela peut aider tous ceux qui ne peuvent se rendre à un rassemblement et souffrent. Il est important d'aider ».  C'est ainsi, que par une plaisante fin d'après-midi printanière, il s'assit à la petite table disposée sur la terrasse de leur demeure face au ciel traversé par moments du vol flûté de passereaux joueurs. L'instant était paisible et la douceur de l'air caressait agréablement la peau. Il ressentait intensément les nuances vibratoires qui composaient cet environnement sans chercher à les identifier et dans lesquelles il se fondait ... tout en s'y retrouvant.  Sur la feuille immaculée posée devant lui, il traça alors en lettres simples le titre du chapitre essentiel d'un livre qui pourrait aider à l'ouverture du mental à la conscience : « énoncés du changement ».
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