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Description

Chris venait fréquemment à l'atelier de Mat depuis que l'un et l'autre se retrouvaient célibataires. Ils oubliaient un moment la pesanteur des soirées qui s'étirent comme des rêves éteints. Tous deux avaient des souvenirs partagés et pas un kopek . Artisans doués, libres et galériens sociaux. Les visites des huissiers, la pression de l'Urssaf...et puis tout le reste à sauver, si possible sans jamais en parler. L'herbe qui sent bon et le contenu du cubi participaient à les rendre à nouveau légers, téméraires, imaginatifs, plus que ça, évidemment, heureux et délirants hors du temps habituel ! Devant le ènième café, vers midi, Chris reparla de son projet : - Tu te souviens de c'que j't'ai proposé cette nuit, après qu'ils soient partis ? - Ben oui, c'est d'la connerie, trop risqué... - Ohoooh ? C'est une opportunité, just'une fois, un dépannage en quelque sorte ! Dans deux mois, on a du fric ! T'entends ! On s'achète un vieil immeuble, on l'retape, on l'loue et ça rentre encore, les p'tits biftons se multiplient et... - et...si ça échoue ? ils te piquent ton bateau, nous on va en tôle...à la sortie, moi, m'restera mon atelier, l'est pas à mon nom, et toi ? ren de ren ! J'te ferai une place ici, t'en voudras p'têt' pas. C'est aussi ça ton super plan marseillais... - Ça fait dix ans que j'bourlingue, y'aura pas d'lézard, que toi et moi à bord de Swan. - Et Pif, hein ? Tu crois pas que j'vais l'laisser...et puis, j'y connais rien à la navigation, t'y penses ?

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Publié le 09 janvier 2014
Nombre de lectures 80
Licence : En savoir +
Paternité, partage des conditions initiales à l'identique
Langue Français

Extrait

Chris venait fréquemment à l'atelier de Mat depuis que l'un et l'autre se retrouvaient
célibataires. Ils oubliaient un moment la pesanteur des soirées qui s'étirent comme des rêves
éteints. Tous deux avaient des souvenirs partagés et pas un kopek . Artisans doués, libres et
galériens sociaux. Les visites des huissiers, la pression de l'Urssaf...et puis tout le reste à
sauver, si possible sans jamais en parler. L'herbe qui sent bon et le contenu du cubi
participaient à les rendre à nouveau légers, téméraires, imaginatifs, plus que ça,
évidemment, heureux et délirants hors du temps habituel !
Devant le ènième café, vers midi, Chris reparla de son projet :
- Tu te souviens de c'que j't'ai proposé cette nuit, après qu'ils soient partis ?
- Ben oui, c'est d'la connerie, trop risqué...
- Ohoooh ? C'est une opportunité, just'une fois, un dépannage en quelque sorte ! Dans deux
mois, on a du fric ! T'entends ! On s'achète un vieil immeuble, on l'retape, on l'loue et ça
rentre encore, les p'tits biftons se multiplient et...
- et...si ça échoue ? ils te piquent ton bateau, nous on va en tôle...à la sortie, moi, m'restera
mon atelier, l'est pas à mon nom, et toi ? ren de ren ! J'te ferai une place ici, t'en voudras
p'têt' pas. C'est aussi ça ton super plan marseillais...
- Ça fait dix ans que j'bourlingue, y'aura pas d'lézard, que toi et moi à bord de Swan.
- Et Pif, hein ? Tu crois pas que j'vais l'laisser...et puis, j'y connais rien à la navigation, t'y
penses ?
- Et alors, j'me débrouille en solo...
- ...tu t'masturbes, t'es ... Kim ? Tu la r'gardais d'près hier, t'as pas touché...son corps de
déesse ?...- ...justement ! Eh...puis merd...the end ! On reprend...ah, où ! J'en étais où ? J'perds le fil avec
tes jeux d'mots à la con...en solo, oui, j'le mène en solo Swan...j'suis sûr que tu vas aimer
apprendre... trois semaines de tourisme jusqu'à Tanger, d'ici fin septembre...au
retour...faudra jouer fin, avoir du flair, un peu d'bol aussi.
- Alors on emmène Pif ???..., ça f'ra un flair de plus...deux mois, tu dis ?
- Mais oui, Pif, on l'embarque...deux mois, ouais...deux mille milles environ, avec des étapes,
des mouillages et quelques ports.
- Top là ! Pif-le mousse, t'entends ça ? A nous l'aventure, les frissons et l'pognon ! Société de
merde ! J'crois bien que j'suis né cinq siècles en r'tard ?
- ??? T'es ok, alors ? Put'in que j'suis content. Jeudi ? Ouais, jeudi, ce serait bien pour
appareiller.
- On s'ra là dimanche, ma caisse à outils, deux jeans, ma brosse à dents, ...ça va ?
- Nickel ! Ta caisse, bonne idée ! si t'as envie tu pourras encore améliorer les aménagem...
- ...les aménagements, j'ai déjà des croquis, tu vas voir.
Il cherche, sans se lever de d'vant la table, sur l'étagère derrière, des feuilles attachées par un
trombonne. Elles sont ailleurs. Au pied du lit ? Il se lève.
- Cherche pas, emporte-les. Tu sais qu't'as travaillé comme un pro sur la descente, et...
Il revient bredouille. Il cherchera après.
- ...t'en doutais mon salaud ! ! ! Tu t's'rai rompu l'cou dans la descente, avec ton échelle
bancale...y'a moyen de...
- ...moyen d'quoi, hein ?
- T'occupes...rien d'précis...
- Mat, tu m'caches qu'qu' chose...t'es ok, sûr ?
- Sûr. C'est pas la première fois qu'on joue tous les deux ! Que j'joue gros sur un truc moche,
là, c'est la première fois. C'est aussi la dernière ! T'entends ?
- Tous les deux, on joue gros !...moi aussi, je joue gros ! que c'coup-là, juré ! Les transactions,
c'est moi qui m'en occupe. Toi, tu sais rien, tu verras personne...tu sauras rien de la planque à
bord. J'te débarquerai avant le rendez-vous de livraison... c'est mieux.
- Tu l'crois Pif ? deux mille milles de croisière ? « Mat le marin », des aquarelles, la pêche à la
traîne, le dîner au bout, sinon encore les pâtes un tiers d'eau d'mer - ah ! l'harmonica d'Jojo,
faut pas qu'j'l'oublie - mes meilleurs potes à portée de voix, et un trésor au retour.
Chris jetait son blouson par dessus son épaule, les clés dans l'autre main, il était
déjà...parti.

Les quatre jours précédant leur départ, Mat bricola sans relâche dans le ventre de Swan, Chris
peaufinait d'autres préparatifs en n'apparaissant que le soir, avec de l'avitaillement, comme
s'il rentrait du boulot. Le jeudi, comme annoncé, Swan quitta son port d'attache, Santa Lucia.
L'espace de la place vide, sans se regarder l'un-l'autre, mais en pensant à la même chose, leur
remuait les tripes avant même la traversée. Pif était blotti dans le carré dont il s'était
approprié un tiers de la couchette, côté cambuse. L'ovni traçait la route, à sept noeuds, vent de travers, il croiserait demain les îles d'Hyères. La
nuit était sans lune. Chris veillait mollement dans le cockpit. Un micro sommeil lui faisait
plonger le menton sur le sternum, la main pourtant sur la barre. C'est alors que le bateau se
coucha à quarante degrés.
La gîte s'éternisait accompagnée d'un hurlement de Chris. Le vent restait stable, l'état de la
mer aussi. Mat, assuré d'une main, fut dehors en dix secondes.
- Chris ! Déconne pas...j'fais quoi ? S'passe quoi ? perdu la quille ?
- 'ttache-toi, moi aussi, ' l'a faim...
- ??? la fin ? Ç' va pas ! Quelle fin ? Put'in d' mousqueton...click pour toi, click pour moi
aussi...c'est ok...
La gîte de l'ovni était plus faible, cependant constante et inconfortable. L'étrave enfournait
par moment. Chris se redressa, sans bonnet, sans frontale, une main crispée sur l'oreille
droite.
- ...faut ralentir, il croit qu'on fuit...la cape...on a d'l'eau d'vant
- ...j'fais quoi ? Qui ça « ils »...quelle cape ?...ben, oui, on a d'l'eau...j'ai fait l'plein !
- ...Je tiens la barre, toi, tu bouges p'us, 'ttends un peu...merd...j'ai paumé mes lunettes
aussi...
Il lâcha dix secondes son oreille douloureuse pour tâter le médaillon en jade qu'il portait
autour du cou. Mat emmagasinait les paroles et les sensations sans comprendre ce qui
arrivait, calé à babord du cockpit. Pif sortit le museau dans l'air frais et se retrouva illico avec
la première laisse de sa vie : elle reliait son collier en cuir havane au mât qui traversait le
carré ; sans l'immobiliser, le bout l'empêchait de sortir. Mat avait pris l'initiative de cette
action. Il voulait examiner de près la tête de Chris...et comprendre...La barre était
maintenant fixée par deux tendeurs, des fois qu'y en ait un qui pète...Swan dodelinait en
dérivant gîte sur babord.
- laisse-moi voir, enlève ta main, s'te plaît...
- ...in-croi-iable ! In-croi-iable ! Waoooh, ça brûle !
- ...tu saignes en plus ! La joue, l'oreille, faut nettoyer tout ça ! Ferme les yeux ou r'garde
ailleurs, j'enlève le cache rouge de la frontale...Ben...ça alors ! J'vais t'soigner...c'est
moche...déchiré profond, si tu vois c'que veux dire..tu vas m'dire c'qui cartonne comme ça sur
ton super vaisseau ? Put'in, parle !...t'es griffé profond...t'as aussi un hématome, une espèce
de suçon...large comme une assiette à gâteau ! ...c'est l'pavillon qui pisse le sang...non, le
lobe...? t'avais un anneau là, dis ? Ohoh...
- ...une sirène goulue...- ...hein ? et moi, j'suis Sinbad ...? eh ? Chris, parle !...j'comprends rien...parle.
rien...parle...eh, oohhoooo ! Ça s'coue bizarr' , tu sens... ? vers l'avant, vers l'arrière...c'est
quoi...c'bordel... ? Manquerait plus qu'je dégueule !
- ...pas cool...imprévue cet' visite, faut prend' des photos...
- ...j' reviens...- il décliqua sa longe - faut...désinfecter cet' blessure merdique...après, les
photos ! T'as vraiment pris un coup sur la tronche !
- Maaaaaat...theutis...photographie ! lâche-nous...r'tourn' dans les fonds...
Aussi vite qu'il le put, Mat se saisit de la trousse à bobos et de l'appareil photo numérique. Il
ne voyait aucune urgence à l'utiliser, mais si Chris allait mieux avec ça sous la main, pourquoi
lui refuser...
Re-click, Swan penchait toujours...la nuit était toujours aussi noire...pourtant, le pont et les
passe-avants diffusaient une lumière douce et dorée.
En premier, des compresses de gaze, comprimer le lobe de l'oreille, nettoyer au mieux tous
les dégâts visibles, les stripps ? Oupps...quand il fera jour, au calme.
- si j'te fais mal, tu l'dis...j'te'nettoie, j'mets des pansements, quand y fera jour, j'mettrai trois
stripps, ehoh ?...
- étei

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