Sancho Pança gouverneur : de Cervantès à Guérin de Bouscal et à Dancourt - article ; n°1 ; vol.48, pg 185-203
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1996 - Volume 48 - Numéro 1 - Pages 185-203
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1996
Nombre de lectures 45
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Daniela Dalla Valle
Sancho Pança gouverneur : de Cervantès à Guérin de Bouscal
et à Dancourt
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1996, N°48. pp. 185-203.
Citer ce document / Cite this document :
Dalla Valle Daniela. Sancho Pança gouverneur : de Cervantès à Guérin de Bouscal et à Dancourt. In: Cahiers de l'Association
internationale des études francaises, 1996, N°48. pp. 185-203.
doi : 10.3406/caief.1996.1246
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1996_num_48_1_1246SANCHO PANÇA GOUVERNEUR :
DE CERVANTES À GUÉRIN DE
BOUSCAL ET À DANCOURT
Communication de Mme Daniela DALLA VALLE
(Université de Turin)
au XLVIIe Congrès de l'Association, le 18 juillet 1995
Consacrer aujourd'hui une journée à l'étude de la
réception de Cervantes en France, malgré l'existence de
nombreuses études sur l'analyse de ce phénomène (1),
me semble être une initiative hautement appréciable. Je
crois qu'il est nécessaire de réviser tout ce qui a déjà été
dit à ce propos, en faisant référence à l'attitude diffé
rente suggérée par les études plus récentes sur le XVIIe
siècle et notamment par l'emploi de la notion de
baroque, très souvent critiquée, mais utile pour avoir
suggéré une nouvelle approche de la littérature de ce
siècle.
S'il est vrai que certains événements acquièrent de
l'importance dans l'histoire littéraire d'un pays selon la
fonction de rupture qu'ils exercent dans les habitudes
littéraires, un des événements les plus fondamentaux
(1) M. Bardon, « Don Quichotte » en France au xvW et au xvuF siècle, 1605-
1715, Paris, Champion, 1931 ; E.J. Crooks, The Influence of Cervantes in France
in the Seventeenth Century, Baltimore, John Hopkins Press - London, H. Mil-
ford - Oxford University Press - Paris, Les Belles Lettres, 1931 ; etc. 186 DANIELA DALLA VALLE
dans la littérature française du xvne siècle est justement
le contact avec la production de Cervantes. Le Quijote
et les Novelas ejemplares arrivent en France très tôt, on
les traduit très peu d'années après leur publication
espagnole, dans un moment où l'hispanisme français
était encore très limité et les gens de lettres capables de
lire l'original très peu nombreux. Les textes de Cervant
es furent donc lus, d'abord, dans leur habillement
français, mais leur succès fut extraordinaire. Je dirais
qu'une grande partie de la littérature narrative françai
se dérive de Cervantes : d'une part, la renaissance de la
nouvelle (je pense à Sorel, à Segrais) ; de l'autre, un cer
tain type de roman, où l'intrigue est entièrement cou
verte par un rayon d'interventions extradiégétiques (je
pense au Roman comique de Scarron, à Jacques le Fataliste
de Diderot, jusqu'à Gide).
J'ai voulu rappeler quelle est, à mon avis, l'importan
ce essentielle de l'influence de Cervantes en France,
pour justifier la dimension excentrique de ma commun
ication d'aujourd'hui : je ne vais pas m'occuper du
roman, ni de la nouvelle en France, mais de la récep
tion de Cervantes dans le théâtre français, et notam
ment de la reprise théâtrale de sa production narrative ;
mais je souhaite montrer comment certains aspects
caractéristiques de cette production continuent à exer
cer sur la scène leur fonction de modèle, ou de suggest
ion.
Mon intérêt pour la réception de Cervantes en France
remonte à il y a à peu près quinze ans, quand j'ai com
mencé à m'intéresser à la trilogie comique de Bouscal
inspirée du Quijote ; j'ai publié alors un article de syn
thèse dans la Revue de Littérature comparée (2), et ai éla-
(2) « Don Quichotte et Sancho dans la France de Louis XIII. La trilogie
comique de Guérin de Bouscal », Revue de Littérature Comparée, 1979, pp. 432-
461. PANÇA GOUVERNEUR 187 SANCHO
boré l'édition critique de la première pièce de Bouscal,
Don Quixote de la Manche, de 1639, avec la collaboration
d'Amédée Carriat (3). En même temps, Edric Caldicott
a fait des recherches sur Bouscal et a publié la troisième
pièce de la trilogie, Le Gouvernement de Sanche Pansa, de
1642 (4) ; un peu plus tard Marie-Line Akhamlich a fait
une thèse sur Bouscal et a publié la deuxième comédie :
Don Quichot de la Manche. Seconde Partie (5). Aujour
d'hui je veux revenir sur la troisème pièce de Bouscal,
consacrée à Sanche, pour essayer de préciser mon ana
lyse et pour la prolonger jusqu'au début du xviiie siècle,
en comparant la pièce de Bouscal avec une deuxième
élaboration comique, qui lui est très liée : Sancho Ponça
Gouverneur de Florent Carton Dancourt, publiée en
1713.
*
*
D'abord il faudra que je reprenne, brièvement, l'i
nterprétation que j'avais proposée de la comédie de
Bouscal et de la trilogie en général. Bouscal reprend
dans ses trois pièces quelques épisodes du roman ; la première il y en a deux, dans la deuxième il y
en a trois, et dans la troisième, qui nous intérese aujour
d'hui, il s'agit d'un seul épisode — Sanche nommé
gouverneur de l'Ile de Barataria — , avec quelques cou
pures mais sans aucun mélange : du livre II, les chap.
42-45, 47, 49, 51 et 53.
(3) G. Guerin de Bouscal, Don Quixote de la Manche, éd. D.Dalla Valle et A.
Carriat, Genève, Slatkine - Paris, Champion, 1979.
(4) D. Guerin de Le Gouvernement de Sanche Pansa, éd. C.E.J. Caldic
ott, Genève, Droz, 1981.
(5) Guerin de Bouscal, Don Quichot de la Manche, Comédie. Seconde Partie,
intr. et notes par ML. Akhamlich, Toulouse, Centre XVIIe siècle, 1986. 188 DANIELA DALLA VALLE
La reprise du roman par Bouscal suggère une modifi
cation évidente de la source au niveau des contenus, de
la conception des personnages et du sens de leur mes
sage. Le roman de Cervantes appartient encore à la
dimension que Bakhtine a analysée à propos de Rabel
ais (6) ; il a été conçu dans le moment où « le rire est
une des formes capitales par lesquelles s'exprime la
vérité sur le monde dans son ensemble, sur l'histoire,
sur l'homme ; c'est un point de vue particulier et uni
versel sur le monde, qui perçoit ce dernier différem
ment, mais de manière non moins importante (sinon
plus) que le sérieux » (7). Mais tout de suite après, déjà
au xviie siècle, a lieu une transformation radicale : le
rire perd son universalité, il « ne peut que concerner
certains phénomènes partiels et partiellement typiques de
la vie sociale, des phénomènes d'ordre négatif ; ce qui
est essentiel et important ne peut être comique ; [...] le
domaine du comique est restreint et spécifique (vices
des individus et de la société) ; on ne peut exprimer
dans la langue du rire la vérité primordiale sur le
monde et l'homme, seul le ton sérieux est de rigueur »
(8). Pour le cas du Quijote et de sa réception, ce point de
vue me semble confirmé : si le roman de Cervantes
était, lui, un texte unitaire, comique et en même temps
universel, dont les contemporains pouvaient apprécier
« l'unité de style et la consonance de tous ses éléments
pénétrés d'un point de vue unique sur le monde » (9),
en quelques années cette synthèse ne fut plus perçue et
une lecture scindant les deux aspects s'imposa : d'un
côté le comique, de l'autre le message important, uni-
(6) M. Bakhtine, L'œuvre de F. Rabelais et la culture populaire au Moyen Age et
sous la Renaissance, Paris, Gallimard, 1970.
(7) Op. cit., pp. 75-76.
(8) Op. cit., p. 76.
(9) Op. cit., p. 71. PANÇA GOUVERNEUR 1 89 SANCHO
versel et par là « sérieux », l'un incompatible avec
l'autre ; d'où la nécessité de privilégier un aspect au
détriment de l'autre, et de proposer tour à tour un livre
comique dépourvu de toute signification profonde, ou
bien un livre sérieux, symbolique, incapable toutefois,
ou plutôt peu soucieux de faire rire.
C'est d'abord la première version qui s'impose : en
France, au xvne siècle, le roman de Cervantes devient
surtout un « roman comique », et c'

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