Exodus IV et V le Mage Belor

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Au sein du royaume de Perdal, le jeune Belor oeuvre avec son père dans la paix et la tristesse, jusqu'au jour, où il découvre les propriétés extraordinaires de ses onguents... Jour fatidique... Prenez garde aux lois divines.
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12 août 2012

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Langue

Français

 
Exodus IV & V
 
Belor
 
Récit Fantasy
Fragments de romans se déroulant sur le
 
Continent Monde Exodus
Andalénia
 
G.N.Paradis
 
 
« Vous échapperez à la mort pour mieux comparaître devant elle ; nul ne brisera sa loi. » Extrait du Tome des Déesses de la Destinée
  Un jeune homme vivant dans l’Est, avançait en donnant des coups de faux avec force et précision. Ses bottes de cuirs tachés de boue et son pantalon crasseux menaçaient de se rompre au moindre geste brusque. Et ce n’était que le matin, voire l’aube plus précisément. La moisson n’attendait pas les âmes vaillantes et affamées.      Le champ, à fleur de colline, était immense, de quoi donner des courbatures à un guerrier géant de la fédération Roc. Le jeune homme parvenait tout juste à la moitié du terrain, dégo ulinant de sueur et déjà plus raide qu‘un vieil homme appuyé sur sa canne. Ses yeux bleus n’en paraissaient que plus lumineux. Sa tignasse brune parsemée de mèches blondes s’ébouriffait sous le vent du sud.       Mais son avancée n’en était pas plus rapide p our autant. Derrière lui, des champs couraient jusqu’à la forêt Delor, une masse d’érables et de chênes ancestraux qui plongeaient eux mêmes jusqu’à la mer, à des dizaines de bornes de là. Une rivière serpentait sur ses abords puis s’engageait en direction  du fleuve Sil. La ferme du jeune homme maugréant, une vieille masure disgracieuse, prenait son essor sur ses berges. Le nom de ce garçon charpenté ressemblait à celui de la Forêt puisqu’il était Belor.       N’en pouvant plus, Silarôn planta sa faux dans le sol et se laissa choir sur un tapis de grains. La température frôlait des sommets. Les bras et les jambes en feu, Silarôn chassa les crampes logées dans les replis de ses muscles, en les étirant. Le jeune homme était plutôt élancé et maigre, mais tout en muscle. Bien sûr, comparés à ceux des autres paysans qui logeaient aux alentours, ses biceps étaient de pâles imitations et sujets aux railleries. On le surnommait l’Érudit parce qu’il passait toute l’année à lire les rares livres qu’il possédait et à prendre des notes sur telles ou telles plantes. L’idée lui était venue naturellement quelque temps après la mort de sa mère.     Son père l’avait regardé avec étonnement quand il lui avait demandé un carnet et un crayon. Les paysans n’avaient pas besoin d’un grand niveau d’études pour travailler dans les champs ! Sa mère ayant succombé quelque temps auparavant, son père n’avait pas eu le cœur de refuser. Silarôn s’était dit que s’il avait été plus herboriste, il aurait peut être pu sauver sa mère. Le jeune homme s’était refermé sur lui– même au fil des
saisons, travaillant sans relâche physiquement ou psychiquement. Ce fut seulement ainsi qu’il put faire son deuil. Son père avait sombré un temps dans la boisson… Silarôn avait eu du mal à le faire redevenir lui même.     Un jour, son père s’était brisé une jambe en tombant de cheval, après l’une de ses soirées beuveries. Un guérisseur était venu le lendemain et avait précisé qu’il serait paralysé au moins deux mois. Silarôn était aussitôt parti chercher une plante q ue l’on nommait communément fleur de Lys’ori. Son pollen avait la particularité d’aider à ressouder des choses entre elle et l’avait bien aidé pour réduire le temps de convalescence de son père. Ce dernier avait arrêté de boire suite à cette mésaventure.     Silarôn étudia l’horizon, s’apercevant en souriant que le Soleil inondait la forêt et la rivière d’éclats chatoyants. Tournant de nouveau la tête, le jeune homme posa ses yeux sur la ferme. Un bâtiment carré et austère servait de grenier à quelques distances d’une seconde partie plus petite et rectangulaire. Deux fenêtres sans verre apparaissaient au second étage. Malgré les volets, il faisait froid l’hiver, mais la cheminée tournait alors à plein régime. Silarôn et son père ramassaient du bois mort tout au long des saisons, pour éviter d’avoir à couper les arbres ancestraux de cette forêt bien plus vieille que le royaume de Perdal.      Son père surgit soudain d’une vieille porte bancale et se dirigea vers son fils, les manches de sa chemise aux coudes, une faucille à chaque main. Il souriait tant et si bien que ses rides s’accentuaient dangereusement. Les cheveux blancs et les yeux pâles, Marc avait encore une carrure impressionnante malgré son âge : pas loin de la cinquantaine. Les années lui avaient do nné de l’embonpoint, courbé le dos et laissé pousser la barbe.     Son fils lui lança un regard réprobateur alors qu’il le rejoignait.       Papa, tu sais que le guérisseur a dit de ne pas faire trop d’effort physique à cause de ton problème de dos, observa t il en le dévisageant longuement.      Je ne suis pas encore sénile, fiston, rétorqua sombrement Marc. Tes pommades m’ont fait du bien… Je ne sens presque plus la douleur.         Oui, mais ne force pas trop quand même, je n’ai pas envie de te traîner jusqu’à la maison si jamais tu te coince, le prévint Silarôn en récupérant sa faux.    Deux heures et demie plus tard, ils avaient coupés toutes les tiges de blés et rassemblé les grains dans de grands sacs blancs qu’ils avaient ensuite rangé au grenier.
Quelques poules se dispersèrent sur leur passage. Dans un coin, un vieil âne hennit, en baissant les oreilles d’un air déçu quand Silarôn passa sans lui offrir de carotte. Non loin de là, un cheval renâclait en secouant sa crinière blanchissante. Même le coq commençait à se faire vieux et marchait de travers tel un ivrogne.     Alors qu’ils asseyaient à l’ombre d’un érable qui croissait près de la ferme, son père s’affaissa suite à une violente douleur. Silarôn se précipita à l’intérieur puis revint bien vite a vec une fiole pleine d’un liquide jaune. Mais son père le repoussa d’un geste brusque de la main.       Je n’en ai pas besoin, ça va déjà mieux. Assis -toi donc à côté de moi au lieu de brandir cette fiole comme une épée. Silarôn s’exécuta en voyant que son   père n’avait plus mal. Mais il ne cessa de lui lancer des regards en coin tandis qu’ils parlaient tous les deux.        Tu sais Silarôn, ta mère aurait voulu que ces terres deviennent des jardins la première fois que nous sommes arrivés ici, déclara Marc d’ une voix lointaine, à l’époque, on en riait, rêvant d’une vie un peu moins dure. Ta mère était très intelligente, Silarôn; elle savait calmer les esprits en argumentant, dépasser les difficultés en imaginant des tas de solutions…         Qu’essais -tu de me dire, papa ?       Aujourd’hui, il n’y a plus de solutions, seulement le vide, souffla– t il sur un ton grave. Beaucoup de tristesse, aussi. Il serait bon d’avoir… quelqu’un d’autre.        Pourquoi ? Tu comptes te remarier, papa ?      Ne dis pas de bêtises, je suis bien trop vieux pour ça. Je pensais à toi, fiston. Tous les autres fils de paysans de ton âge ont déjà pris une épouse, affirma t il en le dévisageant pour guetter sa réaction. Toi, on se demande si tu t’es déjà intéressé à une fille de ton âge !      Pourquoi tiens-tu tant à ce que je me marie ? Ce dernier ne répondit pas, au plus grand désarroi de Silarôn. Il semblait très loin tout à coup et puis, il énonça ces mots terribles qui peupleraient pendant des jours les cauchemars de Silarôn.      Je suis mourant.  
    De longues heures plus tard, Silarôn s’asseyait sur son lit après le passage du guérisseur. Ce dernier lui avait confirmé les affirmations de son père. Une maladie lui atrophiait peu à peu les muscles, si bien que bientôt, son cœur aussi s’arrêterait de battre. Voilà pourquoi il avait du mal à marcher et se mouvait de plus en plus lentement. Le jeune homme sentit des larmes affluer dans ses yeux. Il y avait sûrement une solution ! Il alla jusqu’à son vieux bureau sur lequel s’acc umulait des dizaines de fioles contenant des onguents et d’autres substances récoltées dans les bois et aux alentours de la rivière La Led. Rien ne soignait l’intérieur du corps. Il y avait des onguents pour les plaies, les écorchures, d’autres encore qui  nettoyaient les blessures et même certains liquides qui rendaient les cheveux plus brillant ou plus sombres selon ses goûts. Silarôn se rendit compte que toutes les études qu’il avait menées sur les plantes, ne sauveraient pas son père. Il ne restait que l’utilisation de la magie… Le premier guérisseur magicien se trouvait à Rinosil, à près de quatre –vingt Bornes d’ici, autant dire très loin. Et puis, les services d’un magicien guérisseur coûtaient très chères et aucun d’eux ne se déplaçait en dehors de l’endroit où il officiait.       La ville la plus proche d’ici était Meg, mais aucun mage ne s’y trouvait. Aucun d’entre eux ne s’installait dans les petits villages. Silarôn retomba sur son lit, la tête baissée. D’après le guérisseur, son père n’avait plus q ue quelques jours à vivre. Même à cheval, il lui faudrait au moins une semaine pour rejoindre Rinosil ! Son père avait raison, il n’y avait plus de solutions, seulement le vide.        Ne pleure pas mon fils. Tu es fort. Tu supporteras ton deuil et puis, le moment n’est pas encore venu.         Mais…         … Personne n’est en faute, surtout pas toi, intervint Marc avec raison. Sans tes onguents, je serais mort bien avant. J’aurais dû comprendre bien plus tôt que tu te sentais responsable de la mort de ta mère. Mais, Silarôn, tu n’es pas un dieu, enfin ! Tu ne pouvais pas la sauver… Son mal était bien pire que le mien. Si on allait au village de Glasgone ? Ici, il n’y a plus rien à faire sinon pleurer. Fais plaisir à ton père, allons nous amuser. Si nous partons maintenant, nous y serons probablement avant le dîner.       D’accord mais tu prendras le cheval, on ne sait jamais, souffla Silarôn avec un pâle sourire.
     Bien, dans ce cas, allons-y !       La traversée jusqu’à Glasgone fut rapide. Silarôn avait pris l’âne récalcitrant et s’était efforcé de le maîtriser, faisant rire son père et les rares voyageurs qu’ils croisaient. Cet âne adorait les trèfles et les carottes et cabotait dés qu’il en voyait, prenant d’un coup de la vitesse. Silarôn avait fini une diza ine de fois dans les fourrés. Il avait trouvé un trèfle à quatre feuilles qu’il avait glissé dans sa poche en retenant ses larmes. Quelle amère ironie. Ce n’est pas ce trèfle qui sauverait son père; il le savait mais l’espoir était toujours là, même si Silarôn s’était résigné à l’inévitable.      Glasgone était un petit village, quelques boutiques commerçaient des articles tels que des ustensiles et des meubles. Un forgeron, à son compte, fabriquait des épées et des boucliers qu’il vendait à bas prix aux sol dats du coin. Sa boutique se trouvait en face du temple où Nolem officiait, un ami de la famille de Silarôn. Plus loin, on trouvait une petite auberge crasseuse et une taverne. Silarôn et Marc confièrent leurs montures à un affreux bonhomme qui leur soutira trois pièces de cuivres. La bourse de son père était pleine. Ils se dirigèrent vers la taverne dans le but d’y prendre un repas. Silarôn fit promettre à son père d’éviter de boire trop d’alcool.       L’endroit n’était pas encore bondé. Derrière son comptoir, un homme s’afférait à distribuer des verres à tour de bras. Pendant ce temps, une serveuse passait entre les tables en servant les clients en nourriture et en eau de vie. On la pinçait parfois, ce qui déclenchait les froncements de sourcils de l’homme  derrière le bar. Silarôn et son père approchèrent. Le tavernier avait de grands yeux marron, un visage basané et une tignasse blonde terminée en queue de cheval. Le reste de sa personne se résumait à un tablier blanc et une silhouette décharnée.      Ah, Marc ! s’exclama– t il quand il les aperçut.       Bien le bonjour, Paul, répondit le père de Silarôn en lui donnant l’accolade par dessus le comptoir.      ça faisait longtemps, observa celui –ci, tandis qu’ils s’asseyaient. C’est ton fils ?        Oui, Silarôn.      Enchanté, souffla Paul en serrant la main de ce dernier. Grâce à vous, votre père ne boit plus. Je crois que tout le monde ici devrait vous en remercier, sauf moi.      Quoi de neuf ? demanda Marc en souriant.
      Tu n’es pas au courant des dernières nouvelles ? s’étonna le tavernier en posant ses deux coudes sur le bar. Le roi Novlen a été renversé par Manîn de Tor.       Quoi ! s’exclama Marc, attirant aussitôt l’attention d’un Silarôn inquiet.        Qui est-ce ?      On le surnomme Milm ort, lui apprit son père avec un grave sourire, c’est un Noble guerrier qui a combattu tous les traîtres à Perdal et perpétré des massacres en menant ses guerriers le long de la frontière avec les Baronnies il y a quelques années. Il est devenu le Commanda nt des armées il y a peu, sur ordre du roi. C’est un violeur et une brute épaisse d’après certaines rumeurs, ce dont il s’est toujours défendu. Il a toujours su s’attirer la sympathie des gens haut placé…         C’est aussi notre héros national, renchérit Pa ul avec réprobation, et maintenant notre roi. Autant éviter à présent de parler de lui en ces termes.       Je m’en fiche pas mal, rétorqua Marc, continue.         Ça s’est passé il y a quelques jours, en pleine matinée. D’après ce que j’ai entendu, lui et le Cardinal auraient œuvré ensembles pour prendre le pouvoir. Les mages de Sil ont tous été massacrés dans la journée. On dit que leur magie n’atteignait même pas Milmort. Mais il y a pire : désormais, tous les mages du Royaume sont considérés comme hors la loi. Ils doivent soit renoncer à leur magie, soit mourir. Des affiches sont placardées dans toutes les villes de Perdal. L’armée est en marche et passe de lieux en lieux pour tuer tous les mages qui refusent de se rendre aux autorités. L’école de magie d’Al con, à Rinosil a été détruite et tous ses apprentis massacrés jusqu’aux derniers. Certains n’avaient même pas sept ans !        Et personne ne peut rien faire, observa Marc avec colère. Les habitants doivent beaucoup aux mages guérisseurs, j’espère que ceux  là seront sauvés. Y a t il une bonne nouvelle au milieu de toutes ces horreurs ?       Oui, s’il peut s’agir d’une bonne nouvelle: la princesse s’est échappée du palais avant que quiconque ait pu lui mettre la main dessus. Elle s’est tout simplement volatilisée aux yeux et à la barbe de Milmort. Ses guerriers sont en train de battre la campagne pour la retrouver. Il paraît qu’il était si furieux qu’il a fait torturer à mort sa dame de compagnie…         Si j’avais su que tu allais me donner d’aussi mauvaises nouvelles, je ne serais pas venu en ville, remarqua Marc non sans humour.
     Il y a pire, les soldats seront là demain pour chasser d’éventuels magiciens et… couper la route à des fuyards, continua le tavernier avec anxiété. Je ferais peut être mieux de mettre ma serveuse à l’abri… Il y a toujours des débordements.   Le reste de la con versation s’orienta sur des sujets de moindre importance, aussi Silarôn ne les écouta pas. Malgré la rébellion de Milmort, Silarôn ne pouvait s’empêcher de penser à la maladie de son père. Le jeune homme se devait d’être fort. Son père se leva avec une grimace de mauvais augures.    Paul les mena à une table au fond de la pièce, passant devant deux hommes qui jouaient aux cartes en se lançant des regards furibonds. Il les surveilla du coin de l’œil et abandonna les deux hommes à sa serveuse, avant d’aller les voir pour éviter une éventuelle bagarre. Cette dernière, une petite brunette élancée plutôt jolie, adressa un sourire joyeux à Silarôn. Le jeune homme le lui rendit à moitié, s’efforçant de ne pas faire une grimace. Son père passa la commande et prit l a parole une fois qu’elle se fut éloignée.      Elle est jolie, annonça t il avec un regard amusé pour son fils.       Dommage qu’elle soit déjà mariée, commenta Silarôn non sans humour. Tu n’as donc pas vu le petit anneau doré qu’elle portait au doigt ?         C’est ça le problème avec toi, fiston, tu repères le détail au lieu de voir l’ensemble. Je n’attendais qu’une confirmation de ta part. La seule chose que tu as remarquée chez elle, c’est qu’elle était mariée…        Papa, cette conversation devient dang ereuse, l’interrompit Silarôn qui n’avait pas du tout envie de parler de son incapacité à témoigner de la beauté d’une fille. La serveuse revient…   Son père lui jeta un regard noir, avant de porter son attention sur l’assiette qu’elle posa sous leur nez. L’ un des joueurs de cartes lui donna une petite tape sur les fesses alors qu’elle passait près de lui. Quand il voulut recommencer quelques minutes plus tard, la brunette arrêta sa main, perdit son sourire amène et le gifla bruyamment. Son compagnon de jeu éclata de rire et reçut un coup de poing en guise de réponse alors que la jeune femme s’éloignait rapidement. Le joueur dégringola de sa chaise et s’affala comme une loque sur le plancher. Il se relevait pour se jeter sur son ami quand le tavernier furieux les empoigna.
      Si vous voulez vous battre, allez le faire dehors ! s’exclama– t –il avant d’aller lui– même les projeter dans le jour déclinant. Silarôn avait observé la scène du coin de l’œil, un brin effaré.        Il y a toujours des filles prêtes à gifler pour se faire respecter et si tu veux mon avis, elles n’ont pas tord. Je t’ai déjà raconté dans quelle circonstance j’avais rencontré ta mère ?      Non.       C‘était à un bal donné par le chef de Glasgone qui était lui– même le père de ta mère, commença t –il avant de finir son premier verre de vin. C’était déjà un vieil homme qui se promenait toujours avec une cravache. On s’était demandé à l’époque pourquoi il en portait une alors qu’il ne s’en servait jamais. Enfin, j’étais déjà amoureux de ta mère d epuis un an quand le chef a proposé ce bal à l’ensemble de la communauté de Glasgone. Mais je ne la méritais pas, rustre que j’étais au lendemain de mes dix– sept ans. J’étais le seul à ne pas avoir de cavalière, aussi quand ta mère est venue me voir, très belle dans sa robe de dentelles bleue, j’ai cru qu’elle le faisait par pitié. Après une dizaine de pas de danse, je me suis demandé si je ne m’étais pas trompé.     « Et ce fut le cas, naturellement quand nous nous sommes embrassés dans les jardins qui bord aient sa demeure à cette époque là. Elle m’aimait, me trouvait beau et plus gentil et humble que tous les prétendants qu’elle avait connus jusqu’à maintenant. Je me rappelle lui avoir simplement dit « Je vous aime ! » à genoux après notre baiser. Mais je n ’avais pas vu que son père nous avait suivis jusqu’à ce que je sente sa cravache me cingler le dos. J’en porte encore la cicatrice ! En l’entendant vitupérer, je me suis dit que tout était terminé, à présent. Mais alors que son père allait m’administrer un e nouvelle envolée cinglante, ta mère s’est dressée brusquement devant lui. Sa voix a fusé droit au cœur du vieillard et a dû lui briser les tympans, faisant presque trembler les arbres aux alentours.    « C’est alors que mon rival, un Noble de Provence, a surgi en compagnie de la moitié de la salle du bal. Ton fourbe grand père lui avait donné la main de sa fille le matin même sans le lui en parler. J’étais assez fier à l’époque pour relever le défi qu’il me lançait, même si je savais pertinemment que j’all ais me prendre une raclée terrible. C’est la première fois de ma vie que je me suis battu et certainement la dernière. Ce Noble pratiquait l’escrime, la boxe et presque tous les arts martiaux existants. Enfin
comme il fallait s’y attendre, mes coups ont so uffleté davantage le vent que la figure blanchâtre de mon adversaire. Les siens ont tous fait mouche et j’ai fini ma course dans un pot de fleurs non loin de là. Il allait m’achever histoire de marquer sa supériorité quand ta mère a surgi de nulle part. Elle a stoppé son poing dans la paume de sa main, avant de lui envoyer le sien en plein visage. Le nez de mon rival a éclaté comme une noix, en lâchant un flot de sang. Ce dernier s’est relevé, en regardant Méline d’un air ébahi. Ta mère a fait mine de lever à nouveau la main et il a détalé comme un lapin. Elle s’est ensuite adressée à son père en lui faisant clairement comprendre qu’elle choisirait elle –même son mari et qu’il n’avait pas son mot à dire. Un an plus tard, nous, nous fiançons…   La voix de son père se brisa et son regard devint hanté. Ils avaient à présent fini de manger. Aucun des deux ne parlait quand la serveuse vint débarrasser leurs assiettes et leurs couverts. La main du tavernier se posa alors sur l’épaule droite de Silarôn.        Nous conna issions tous votre mère par ici, c’était une femme formidable, déclara t –il sur un ton ému. J’étais là le jour de ce bal, il y a plus de trente ans. Votre père m’a dit que vous n’aviez jamais versé de larmes, que vous les reteniez depuis sa mort. Vous avez le droit et le devoir de pleurer. Silarôn pleura, à l’étage. Jusqu’à ce que la dernière perle de ses yeux ne s’écrase dans ses paumes tendues, le jeune homme crut sentir la chaleur aimante de sa mère transcender le temps et l’espace.        Le lendemain, le Soleil inondait leur chambre quand ils s’éveillèrent tous les deux. Les lits étaient plutôt douillets une fois qu’on en avait fait fuir toutes les créatures qui y avaient élu domicile.       Bien dormi, fiston ? s’inquiéta son père en s’extirpant de son lit, non sans l’aide bienvenue de Silarôn.      Oui, père, étant donné le bruit de tes ronflements continus. Comment maman faisait elle pour dormir ?      Elle ronflait plus fort que moi. Tous les deux éclatèrent de rire. Des trompettes lâchèrent leurs sons dans les rues alentours.       Ces maudits soldats, toujours à l’heure…  
Les cloches du temple se joignirent aux bruits des instruments et des beuglements des guerriers qui se réverbéraient jusqu’à eux par la fenêtre grande ouverte.         C’est toi qui as ouvert cette fenêtre dans la nuit ? s’étonna Marc, en la refermant.       Non, c’est sans doute une servante passée tôt ce matin…         Nous l’aurions entendu, je pense, souffla son père sur un ton pensif. Enfin, il y a beaucoup d’agitation là en bas, on ferait bien d’aller voir ce qui se passe.         C’est un peu normal, avec la venue d’un régiment de chevaliers, il ne peut qu’y avoir de l’agitation, remarqua Silarôn en emboîtant le pas de son père.   Ils avaient récupéré leurs affaires a u passage. L’aubergiste les salua avec un regard sombre. Ils avaient payé la veille au soir. Ils venaient à peine d’arriver dans la rue que le commandant du régiment criait à tout le monde de se rassembler sur la place du village, en faisant faire un demi-tour plein de style à sa monture. Ses hommes en armures sobres et légères, lui emboîtèrent le trot au milieu des habitants médusés. Silarôn et son père échangèrent un regard entendu. Milmort avait bien pris le pouvoir, cela ne faisait aucun doute. Et l’un   de ses généraux venait l’annoncer.      Tous deux rejoignirent les autres habitants au centre de Glasgone où une estrade avait été hâtivement installée. Nolem, un vieil homme à la barbe blanche et aux yeux gris, s’avançait vers l’estrade où se tenait le co mmandant, un homme plus large que haut aux yeux bruns vicieux. Ce dernier avait fière allure dans son armure bleue ; il portait une épée à deux mains. Les armoiries du nouveau roi y apparaissaient; une fleur croisée avec une lame ensanglantée. Si Silarôn avait connu Milmort, il y aurait vu une ironie moqueuse : la fleur représentait son masque et l’épée sa véritable nature. Son père, lui, s’en était avisé mais n’avait fait aucun commentaire.      Le guerrier prit alors la parole, sa voix forte et tonit ruante pleine d’une fausse amabilité. Silarôn vit plusieurs personnes froncer les sourcils.      Notre majesté vous fait savoir qu’elle se nomme Manîn de Tor, et en tant que représentant du nouveau roi, je veux que vous, vous agenouilliez devant moi…   Il y eut quelques grommellements de colère dans la foule. Puis une voix forte interrompit le chevalier au milieu de sa tirade.    Vous pourrez dire à votre bâtard de roi que je lui crache à la figure !
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