Fleurs d’ennui
316 pages
Français

Fleurs d’ennui

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Description

Un recueil de quatre textes publiés en 1882.FLEURS D’ENNUI, PASQUALA IVANOVITCH : ce roman a rencontré un vif succès. VOYAGE AU MONTÉNÉGRO, SULEIMA : «Ce sera une histoire bien décousue que celle-ci, et mon ami Plumkett était d'avis de l'intituler : Chose sans tête ni queue. Elle embrassera douze années de notre ère et tiendra, je pense, en une vingtaine de chapitres (dont un prologue, comme dans les pièces classiques). L'intrigue ne sera pas très corsée, il y aura un intervalle de dix ans pendant lequel il ne se passera rien du tout, et puis, brusquement, cela finira par un tissu de crimes. Il y aura deux personnages portant le même nom, une femme et une bête, et leurs affaires seront tellement amalgamées, qu'on ne saura plus trop, à certains moments, s'il s'agit de l'une ou s'il s'agit de l'autre. Mes aventures personnelles viendront s'y mêler aussi, et, pour comble de gâchis, les réflexions de Plumkett.»

Informations

Publié par
Nombre de lectures 27
EAN13 9782824710914
Langue Français

Extrait

P I ERRE LO T I
F LEU RS D’EN N U I
BI BEBO O KP I ERRE LO T I
F LEU RS D’EN N U I
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1091-4
BI BEBO OK
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Le te xte suivant est une œuv r e du domaine public é dité
sous la licence Cr e ativ es Commons BY -SA
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F LEU RS D’EN N U I
1NO T E DE L’ÉDI T EU R
   le cteur s qui ont lu le Mariage de Loti se rapp eller ont
p eut-êtr e le nom de Plumke, l’ami et le confident de Loti, leC comp agnon de ses v o yag es. P lumk e, p as plus que Loti, n’ est
une fiction. C’ est à P lumk e que Loti, soucieux de la valeur de ses œuv r es,
soumet en pr emier lieu le travail qu’il vient d’ache v er . Loti a foi dans le
jug ement de P lumk e  ; mais s’il accepte les critiques de son ami, et s’y
confor me souv ent, ce n’ est p as toujour s sans résister , sans défendr e pie d
à pie d le p assag e incriminé . C’ est chose curieuse qu’un manuscrit de Loti
ré visé p ar P lumk e  ; les obser vations, les réfle xions, les rép onses s’
enchevêtr ent au hasard de la dispute liérair e des deux amis, criblant le te xte de
notes, le zébrant de lignes noir es, r oug es ou bleues, en une sav eur d’ esprit
aussi originale d’un côté que de l’autr e . D e cet é chang e de p ensé es, p
erdues av e c les feuillets de la copie , est v enue l’idé e d’une collab oration à
une œuv r e commune  ; non une de ces collab orations où le temp érament
de chacun disp araît dans l’unité de l’ ensemble  ; Loti et P lumk e ont v oulu
conser v er leur p er sonnalité , laisser dans leur ouv rag e la mar que
distinctiv e de leur natur e . Fleurs d’ennui est donc un liv r e double , dans le quel
chaque auteur app orte à l’action son fair e p articulier , ses idé es p er
sonnelles et les tendances instinctiv es de son individualité .
2F leur s d’ ennui Chapitr e
n
3CHAP I T RE I
LUMK ET T . — M cher Loti, on dit que les bêtes ont une âme  :
donc, v ous et moi de v ons av oir quelque chose dans ce g enr e-là .P Nos deux âmes, — puisqu’il est admis que nous en p ossé dons
chacun une , — ne sont p as sœur s, mais cousines g er maines p ar l’ ennui  ;
ce n’ est p as d’hier , v ous le sav ez, que nous av ons dé couv ert cee p ar enté .
L’idé e me vient d’ or g aniser une p etite réunion de famille , et de fair e
un p etit b ouquet de v otr e ennui et du mien  : je v ous env er rai des œillets
d’Inde , et v ous y rép ondr ez p ar des pissenlits. — (ant aux p ensé es, ce
sont des fleur s que nous ne connaissons plus guèr e .) — Cela v ous va-t-il  ?
Moi, je me débiterai en aphorismes, instr uctifs p our la masse  ; v ous,
v ous fer ez ce que v ous p our r ez  : v ous é crir ez d’une manièr e quelconque
des choses quelconques, n’imp orte quoi  ; v ous conter ez v os rê v es si v ous
v oulez. Un sag e de l’antiquité a émis cet axiome  : « Il est bien difficile
d’êtr e plus bête que les autr es. » Pénétr ez-v ous de cee vérité , et allez-y
de confiance  !
4F leur s d’ ennui Chapitr e I
LO T I. — Je commence p ar un rê v e  :
J’étais tout en haut du clo cher du Cr eizk er  ; Y v es était assis près
de moi, sur la tête d’une g ar g ouille de granit. Les lointaines ( lointains)
vagues du p ay s de Lé on se dér oulaient en bas sous nos pie ds, dans le
demi-jour plein de my stèr e qui é clair e les visions du sommeil.
C’était l’hiv er et la lande br etonne était noir e . — A l’horizon, on v o yait
la « mer br umeuse » et les r o cher s de Roscoff s’étag e ant comme dans les
fonds p eints p ar le Vinci.
Je disais à Y v es  : « Il me semble que le clo cher du Cr eizk er a tr emblé . »
Y v es rép ondait  : « Mon b on frèr e , comment v oulez-v ous que cela
soit  ? » Et il r eg ardait en souriant dans le vide .
J’avais le v ertig e , et je me ser rais contr e cee dentelle de granit qui
nous soutenait dans l’air . A utour de nous il y avait de mer v eilleuses
découpur es de pier r e , et des g arg ouilles à figur e de gnome , aux quelles des
lichens jaunes, — ceux qui dor ent tous les vieux clo cher s de Br etagne , —
faisaient des hupp es et des barbiches de chè v r e . Et la base du clo cher se
p erdait, en fuyants indé cis, en lignes confuses, dans l’ obscurité de la ter r e .
Y v es me p araissait plus grand que de coutume , ses ép aules plus lar g es
encor e et plus athlétiques.
«  Y v es, disais-je , je t’assur e que le Cr eizk er a tr emblé . »
. . . En effet, le vieux clo cher des lég endes br etonnes chancelait sur sa
base , nous le sentions s’abîmer  ; l’antique dentelle de granit se
désagrég e ait doucement, s’émieait dans l’air , et les débris tombaient. C’étaient
des chutes lentes et molles, comme des chutes d’ objets n’ayant p as de
p oids, et nous tombions nous-mêmes, en cher chant à nous cramp onner à
des choses qui tombaient aussi.
. . . M aintenant nous er rions p ar ter r e , au milieu de dé combr es qui
continuaient de s’émieer et de disp araîtr e . — En tombant, nous ne nous
étions fait aucun mal, — mais nous épr ouvions une ang oisse , p ar ce que le
Cr eizk er n’ e xistait plus.
Nous songions au temps où nous naviguions, Y v es et moi, sur la « mer
br umeuse »  : en p assant au lar g e , balloés p ar les grandes houles d’ ouest,
mouillés p ar les embr uns et la pluie , les jour s sombr es d’hiv er , à la tombé e
fr oide et sinistr e des crépuscules, — souv ent dans les nué es grises nous
ap er ce vions de loin les deux clo cher s de l’église de Saint-Pol et le Cr eizk er ,
5F leur s d’ ennui Chapitr e I
p osé près d’ eux sur la falaise , les dominant de toute sa haute statur e de
granit. — and la nuit s’annonçait mauvaise , nous aimions à v oir cet
antique gueeur de mer , qui semblait v eiller sur nous du haut de la falaise
br etonne . A présent, c’était fini, et jamais nous ne le v er rions plus.
Y v es surtout ne p ouvait se consoler de ce que son clo cher fût tombé .
— Moi, je lui disais  : «  On le r ebâtira »  ; mais j’avais conscience de l’ir
rémé diable de cet ané antissement  : il était semé sur la ter r e en débris aussi
nombr eux que les g alets des plag es. — L’ œuv r e mer v eilleuse des siè cles
p assés était détr uite , et cela me p araissait un signe fatal des temps  ; la fin
de ce g é ant des clo cher s br etons me p araissait le commencement de la
fin de toutes choses, — et je me résignais à v oir tout finir , j’étais comme
r e cueilli dans une aente ap o caly ptique du chaos.
A utour de nous il n’y avait déjà plus aucune trace de la vieille cité de
Saint-Pol, ni de la maison où Y v es est né . Nous étions au milieu de la lande
sombr e et déserte , p ar mi les g enêts et les br uyèr es  : la ter r e r epr enait sa
phy sionomie des ép o ques primitiv es, avant de s’ané antir , et l’ obscurité
der nièr e s’ép aississait autour de nous.
Alor s Y v es me dit, av e c l’intonation d’une fray eur d’ enfant  : « Frèr e ,
r eg ardez-moi, est-ce qu’il ne v ous semble p as que je suis de v enu plus
grand que de coutume  ? . . . » — Et je rép ondis  :

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