GECKO
150 pages
Français
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Description

Guadeloupe.
Ville de Pointe-à-Pitre.
Le jour se lève sur la place de la victoire, révélant un corps atrocement mutilé .
L'esquisse d'un mystérieux lézard tracé avec le propre sang de la victime s’exhibe sur les pavés du site.
Très vite, l’île est le théâtre de meurtres perpétrés par ce qui se révèle être une créature ayant l'aspect d’un chien monstrueux.
À chacune des tueries, l’horrible signature écarlate est omniprésente : un gecko dont on dit qu'il est de mauvaise augure.
Les inspecteurs Nicolas Rousseau et Marie Kancel se lancent dans une enquête où sorcellerie et croyances populaires vont se mêler.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 14 mai 2019
Nombre de lectures 3
EAN13 978-151768455
Langue Français

Extrait

John Renmann




GECKODu même auteur :

SF / Fantastique / Fantasy :
Les colonnes du temps - Tome 1 – Genèse
Les colonnes du temps - Tome 2 - Résurgences
Les colonnes du temps - Tome 3 - Odyssée



© John Renamnn, 2015
Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation
collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce
soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon
sanctionnée par les articles L335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Pour ma tendre mère,
qui a toujours su renverser mes montagnes
Mwen enmé ouSa ki la pou’w, dlo pé ké chayé’ y
Ce qui t’est destiné sera un jour à toi
Proverbe créole1. LES CROCS ET LA PROIE
Pointe-à-Pitre, centre-ville, 04h37.
Abu Sissoko court. Il court à en perdre haleine. Il court comme il n'a encore jamais couru.
Pourtant, Abu n’a jamais été épris de sport en général, et de course à pied en particulier.
Il a même toujours éprouvé le plus profond mépris pour tous ceux qui pratiquent assidûment le
footing.
« Pourquoi courent-ils, ces abrutis ? » s'est-il toujours demandé.
« Quelle stupidité que la course à pied ! » a-t-il toujours clamé à cor et à cri.
Il s'est toujours dit qu'il fallait une bonne raison à un être doté de toutes ses facultés mentales pour
qu'il coure ainsi. La quête de la performance individuelle est pour lui une belle ânerie juste bonne à
faire gonfler les chevilles, dans tous les sens du terme.
Mais, cette nuit-là, Abu Sissoko est loin, très loin des diatribes virulentes à l’égard du sport. Il a une
bonne raison de courir, il en est même à regretter de ne pas être un champion du cent mètres.
Un vif point de côté le fait grimacer, ses tempes battent au rythme de son cœur malade et ses
poumons ont du mal à suivre la cadence. Il a de plus en plus de mal à respirer.
Le hurlement du métal traîné au sol se fait entendre, un frisson parcourt son épine dorsale. Ne pas se
retourner, surtout, ne pas se retourner…

La créature se déplace à quatre pattes, elle pourrait aisément rattraper le fuyard, mais souhaite faire
durer le plaisir. Elle n’a aucune peine à le distinguer malgré l'obscurité, elle est nyctalope. Quand
bien même, son odorat infaillible lui permet de rester focalisée sur sa proie. Elle suit la traînée
olfactive comme un aveugle suit de la main une rampe d’escalier, percevant l’odeur si particulière
des humains, une odeur de terre mouillée, une odeur rance. Elle les déteste tous autant qu'ils sont et,
plus particulièrement, celui que sa maîtresse lui a jeté en pâture. Le métal, lourd, gêne quelque peu
ses mouvements et, durant un bref instant, elle maudit sa condition. Elle passe une langue râpeuse
sur ses babines, grogne, puis claque des dents en fixant son gibier.
Il peut courir, elle prendra son temps.

Abu se hâte, courant ventre à terre. Il n’est pas résigné. Il se refuse à croire que ses minutes sont
comptées. Il doit vite remonter la rue Saint John Perse et atteindre le sanctuaire au moment opportun.
Il lutte pour ne pas se retourner, cela accentuerait très probablement sa panique. Même s’il se dit que
la peur agit certainement comme le plus puissant des dopants, il sait qu’elle n’aura pas cet effet sur
lui. Tout à cette réflexion, il trébuche et se rattrape de justesse, ignorant le jeune homme qui se
répand en invectives, à ses pieds.
Le garçon s’était assoupi à même le trottoir, fortement aidé en cela par le demi-litre de ti-punch
consommé il y a une trentaine de minutes.
Convié au baptême de son neveu, il a prétexté un besoin de prendre l’air, cherchant à répondre, en
vérité, aux appels lancinants de son estomac. Les festivités qui suivirent la cérémonie religieuse
furent particulièrement arrosées, une habitude sous ces latitudes. Il savait qu’il aurait dû se contenter,
1
raisonnablement, du chodo , mais il a une fois de plus succombé au chant si envoûtant de l’alcool de
canne.
La douleur irradiant son genou piétiné est très vite remplacée par une autre, hurlante, issue des
profondeurs de ses entrailles. Après avoir colonisé son estomac, le rhum a décidé d’investir le
caniveau. Le goût âcre de la bile déclenche une succession de haut-le-cœur, il gémit sous la puissante
contraction de ses muscles abdominaux.

« Maudit soit l’humain ! » pense la créature, courroucée.
Elle commence à comprendre où Sissoko veut en venir. Elle ne peut s’en prendre qu’à elle-même :
en voulant s’amuser avec lui elle n’a pas prêté garde aux morsures de l’aube. L’odeur de l’eau salée
se fait de plus en plus forte, le quai n’est pas loin. Elle ne prête pas tout de suite attention au jeune
humain dont l’estomac se vide de son contenu. Ce dernier se fige d’effroi au moment où leurs regards
se croisent. La créature s’arrête puis, après avoir rapidement jaugé ce sac d’os, elle se dit qu’il feraoffice de menu fretin. Mais une décharge lui brûle le cou, lui rappelant sa mission première, elle
grogne puis tourne vivement la tête vers Sissoko. Sa proie est désormais à portée.
Maintenant, ça suffit !
Elle frappe le sol de ses puissantes pattes arrière, prenant une vive impulsion.
La promenade a assez duré, il est temps d’en finir…

Abu est tout près du but.
Les premiers rayons du soleil ne vont pas tarder à illuminer la voûte céleste, il doit faire vite, la ville
de Pointe-à-Pitre s’éveille peu à peu.
Dans quelques minutes, elle va fourmiller d’étudiants, de touristes, de commerçants, tous pris dans
la routine quotidienne. Mais ce matin sera très certainement différent de tous ceux qu’ils ont vécus
jusque-là. Sissoko a atteint son but ! Mais, non ce n’est pas possible !
Il est pris d’un vertige, aurait-il couru pour rien ?
Il tourne la tête vers l’océan, dépité, mais esquisse un léger sourire en voyant pointer les premiers
rayons du soleil. Les bras de l’astre dessinent une arabesque autour d’une petite bâtisse, proche du
sanctuaire, il y perçoit quelque chose. Abu rassemble ses dernières forces et reprend sa course vers ce
qu’il sait être son salut.
C’est à cet instant qu’il sent une masse s’écraser contre son dos. Une vive douleur s’éveille dans sa
nuque, lui brouillant la vue. Il chute violemment, sa poitrine heurtant le sol dans un bruit sourd.
C’est au moment où l’haleine fétide de la créature l’asphyxie littéralement qu’il sait qu’il va mourir.
Il hurle, mais nul son ne sort de sa bouche, des dents acérées se sont depuis longtemps refermées sur
sa gorge…
2. 1. PEUR SUR LE MARCHÉ
Pointe-à-Pitre, place du marché de la Darse, 05h32.
Les premières marchandes commencent à investir le quai de la Darse. Les étals se montent en un
temps record, chacune à son emplacement préétabli. Le tissu Madras est porté ostensiblement et les
créoles scintillent aux oreilles.
Le maquillage, assez prononcé, accentue les expressions du visage, les rendant encore plus
avenantes. Le tout est de faire couleur locale autant que possible dans le but d’attirer le chaland
métropolitain. En effet, le touriste de l’hexagone est le plus curieux, donc le plus amène et,
finalement, le plus prompt à l’achat.
Les questions qu’il pose sont toujours les mêmes :
« Quel est le nom de ce fruit étoilé ? »
« Pourquoi ces mangues sont-elles plus filandreuses que les autres ? »
« Comment prépare-t-on le fruit de l’arbre à pain ? »
Et elles appellent toujours les mêmes réponses :
« C’est le Carambole, son goût est légèrement acidulé, mais vous l’utilisez surtout en ornement
culinaire »
« Là tu as le mango-fil et ça, c’est le mango-pomme, Doudou ! Moi je préfère le mango greffé, c’est
le mélange des deux ! »
« Le fruit à pain doit être cuisiné comme la pomme de terre. Mets-le plutôt dans une
cocotteminute ! Ce sera plus facile

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