La Fanfarlo
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Description

Extrait : D'ailleurs, gardez-vous de croire qu'il fût incapable de connaître les sentiments vrais, et que la passion ne fît qu'effleurer son épiderme. Il eût vendu ses chemises pour un homme qu'il connaissait à peine, et qu'à l'inspection du front et de la main il avait institué hier son ami intime. Il apportait dans les choses de l'esprit et de l'âme la contemplation oisive des natures germaniques, -- dans les choses de la passion l'ardeur rapide et volage de sa mère, -- et dans la pratique de la vie tous les travers de la vanité française. Il se fût battu en duel pour un auteur ou un artiste mort depuis deux siècles. Comme il avait été dévot avec fureur, il était athée avec passion. Il était à la fois tous les artistes qu'il avait étudiés et tous les livres qu'il avait lus, et cependant, en dépit de cette faculté comédienne, il restait profondément original. Il était toujours le doux, le fantasque, le paresseux, le terrible, le savant, l'ignorant, le débraillé, le coquet Samuel Cramer, la romantique Manuela de Monteverde. Il raffolait d'un ami comme d'une femme, aimait une femme comme un camarade. Il possédait la logique de tous les bons sentiments et la science de toutes les roueries, et néanmoins il n'a jamais réussi à rien, parce qu'il croyait trop à l'impossible. -- Quoi d'étonnant ? il était toujours en train de le concevoir.

Informations

Publié par
Nombre de lectures 23
EAN13 9782824712451
Licence : Libre de droits
Langue Français

Extrait

CHARLES BA U DELAI RE
LA F AN F ARLO
BI BEBO O KCHARLES BA U DELAI RE
LA F AN F ARLO
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1245-1
BI BEBO OK
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Fontes :
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– Christian Spr emb er g
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V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok. C,  signa autr efois du nom de Manuela de
Monte v erde quelques folies r omantiques, – dans le b on temps du Ro-S mantisme , – est le pr o duit contradictoir e d’un blême Allemand
et d’une br une Chilienne . Ajoutez à cee double origine une é ducation
française et une civilisation liérair e , v ous ser ez moins sur pris, – sinon
satisfait et é difié , – des complications bizar r es de ce caractèr e . Samuel a
le fr ont pur et noble , les y eux brillants comme des g oues de café , le nez
taquin et railleur , les lè v r es impudentes et sensuelles, le menton car ré et
desp ote , la che v elur e prétentieusement raphaélesque . – C’ est à la fois un
grand fainé ant, un ambitieux triste , et un illustr e malheur eux ; car il n’a
guèr e eu dans sa vie que des moitiés d’idé es. Le soleil de la p ar esse qui r
esplendit sans cesse au-de dans de lui, lui vap orise et lui mang e cee moitié
de g énie dont le ciel l’a doué . Par mi tous ces demi-grands hommes que j’ai
connus dans cee ter rible vie p arisienne , Samuel fut, plus que tout autr e ,
l’homme des b elles œuv r es raté es ; – cré atur e maladiv e et fantastique ,
dont la p o ésie brille bien plus dans sa p er sonne que dans ses œuv r es, et
qui, v er s une heur e du matin, entr e l’éblouissement d’un feu de charb on
de ter r e et le tic tac d’une horlog e , m’ est toujour s app ar u comme le Dieu
de l’impuissance , – dieu mo der ne et her maphr o dite , – impuissance si
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lossale et si énor me qu’ elle en est épique !
Comment v ous mer e au fait, et v ous fair e v oir bien clair dans cee
natur e ténébr euse , bariolé e de vifs é clair s, – p ar esseuse et entr epr enante à
la fois, – fé conde en desseins difficiles et en risibles av ortements ; – esprit
chez qui le p arado x e pr enait souv ent les pr op ortions de la naïv eté , et dont
l’imagination était aussi vaste que la solitude et la p ar esse absolues ? –
Un des trav er s les plus natur els de Samuel était de se considér er comme
l’ég al de ceux qu’il avait su admir er ; après une le ctur e p assionné e d’un
b e au liv r e , sa conclusion inv olontair e était : v oilà qui est assez b e au p our
êtr e de moi ! – et de là à p enser : c’ est donc de moi, – il n’y a que l’ esp ace
d’un tir et.
D ans le monde actuel, ce g enr e de caractèr e est plus fré quent qu’ on
ne le p ense ; les r ues, les pr omenades publiques, les estaminets, et tous
les asiles de la flânerie four millent d’êtr es de cee espè ce . Ils
s’identifient si bien av e c le nouv e au mo dèle , qu’ils ne sont p as éloignés de cr oir e
qu’ils l’ ont inv enté . – Les v oilà aujourd’hui dé chiffrant p éniblement l es
p ag es my stiques de P lotin ou de Por phy r e ; demain ils admir er ont comme
Crébillon le fils a bien e xprimé le côté v olag e et français de leur
caractèr e . Hier ils s’ entr etenaient familièr ement av e c Jérôme Cardan ; les v oici
maintenant jouant av e c Ster ne , ou se vautrant av e c Rab elais dans toutes
les g oinfr eries de l’hy p erb ole . Ils sont d’ailleur s si heur eux dans chacune
de leur s métamor phoses, qu’ils n’ en v eulent p as le moins du monde à
tous ces b e aux g énies de les av oir de vancés dans l’ estime de la p ostérité .
– Naïv e et r esp e ctable impudence ! T el était le p auv r e Samuel.
Fort honnête homme de naissance et quelque p eu gr e din p ar p
assetemps, – comé dien p ar temp érament, – il jouait p our lui-même et à huis
clos d’incomp arables trag é dies, ou, p our mieux dir e , tragi-comé dies. Se
sentait-il effleuré et chatouillé p ar la g aieté , il fallait se le bien constater ,
et notr e homme s’ e x er çait à rir e aux é clats. Une lar me lui g er mait-elle
dans le coin de l’ œil à quelque souv enir , il allait à sa glace se r eg arder
pleur er . Si quelque fille , dans un accès de jalousie br utale et puérile , lui
faisait une égratignur e av e c une aiguille ou un canif, Samuel se glorifiait
en lui-même d’un coup de coute au, et quand il de vait quelques misérables
vingt mille francs, il s’é criait jo y eusement :
— el triste et lamentable sort que celui d’un g énie har celé p ar un
2La Fanfarlo
million de dees !
D’ailleur s, g ardez-v ous de cr oir e qu’il fût incap able de connaîtr e les
sentiments v rais, et que la p assion ne fît qu’ effleur er son épider me . Il eût
v endu ses chemises p our un homme qu’il connaissait à p eine , et qu’à
l’insp e ction du fr ont et de la main il avait institué hier son ami intime .
Il app ortait dans les choses de l’ esprit et de l’âme la contemplation oisiv e
des natur es g er maniques, – dans les choses de la p assion l’ardeur rapide
et v olag e de sa mèr e , – et dans la pratique de la vie tous les trav er s de
la vanité française . Il se fût bau en duel p our un auteur ou un artiste
mort depuis deux siè cles. Comme il avait été dé v ot av e c fur eur , il était
athé e av e c p assion. Il était à la fois tous les artistes qu’il avait étudiés
et tous les liv r es qu’il avait lus, et cep endant, en dépit de cee faculté
comé dienne , il r estait pr ofondément original. Il était toujour s le doux, le
fantasque , le p ar esseux, le ter rible , le savant, l’ignorant, le débraillé , le
coquet Samuel Cramer , la r omantique Manuela de Monte v erde . Il raffolait
d’un ami comme d’une femme , aimait une femme comme un camarade . Il
p ossé dait la logique de tous les b ons sentiments et la science de toutes les
r oueries, et né anmoins il n’a jamais réussi à rien, p ar ce qu’il cr o yait tr op à
l’imp ossible . – oi d’étonnant ? il était toujour s en train de le conce v oir .
Samuel, un soir , eut l’idé e de sortir ; le temps était b e au et p arfumé . &#

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