Le Peuple de la Mer
171 pages
Français

Le Peuple de la Mer

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Description

Le Peuple de la Mer de Marc Elder valut au jeune auteur (29 ans à l'époque) le Prix Goncourt 1913, aux dépends d'Alain Fournier et de Marcel Proust. C'est un ensemble de 3 chroniques : La Barque, la Femme, la Mer, qui racontent la vie des habitants du village de l'Herbaudière, sur l'île de Noirmoutier. L'auteur y décrit les destins qui s'entrecroisent de marins, de pêcheurs ou de gardiens de Phares... Extrait : Coup sur coup, il lui avait fait trois enfants, parce qu’il faut des bras pour manœuvrer les barques et qu’un mousse de plus dans la famille c’est un étranger de moins à entretenir à bord. Car les pêcheurs procréent surtout par intérêt, comme les bourgeois s’en gardent pour la même cause, et non pas tant, selon la commune croyance, à cause des ivresses qui les culbutent, dans une poussée de rut, sur leurs femmes maîtrisées.

Informations

Publié par
Publié le 14 janvier 2013
Nombre de lectures 23
EAN13 9782824710648
Licence : En savoir +
Paternité, partage des conditions initiales à l'identique
Langue Français

Extrait

MARC ELDER
LE P EU P LE DE LA
MER
BI BEBO O KMARC ELDER
LE P EU P LE DE LA
MER
1913
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1064-8
BI BEBO OK
w w w .bib eb o ok.comLicence
Le te xte suivant est une œuv r e du domaine public é dité
sous la licence Cr e ativ es Commons BY -SA
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V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok.CHAP I T RE I
LA BARQU E
   au timbr e fêlé de l’église quand Urbain
Coët sortit de chez Goustan. Sur le seuil, que la lamp e teintaN de lumièr e r oug e , le vieux Mathieu l’assura de nouv e au en lui
ser rant la main  :
― Et tu seras content, mon g ar s, ta bar que sera b elle  !
Urbain p artit, emp orté doucement, comme à la v oile , p ar son cœur
et r oulant dans le b onheur . Ses g alo ches foueaient le p avag e inég al du
quai, dominé de mâtur es à demi effacé es p ar la nuit. Il savait que sa bar que
r ep o sait là-bas de l’autr e côté du p ort, sous un hang ar indistinct, mais v er s
le quel il r eg arda p ar habitude et p ar plaisir .
Il cr ut rê v er et s’ar rêta court. Une lueur a fulguré dans les ténèbr es et
l’ e au lui app orte un craquement de planches, un fr oissement de cop e aux.
D’instinct, il s’immobilise , en ar rêt, sondant la nuit de tous ses sens. Et il
de vine les mouv ements d’une ombr e sous l’ enclos du chantier .
Silencieusement Urbain tir e ses g alo ches, se tr ousse et descend à la
1Le Peuple de la Mer Chapitr e I
y ole qui floe au bas de l’ escalier . Il déb orde sans br uit, glisse à coups
étouffés de g o dille , accoste . Mais à p eine ar riv e-t-il au coin du
baraquement qu’une flambé e lui brûle les y eux.
D’un saut, Coët tomb e sur un homme accr oupi, l’ enlè v e et d’un effort
énor me le culbute en plein p ort. Un cho c sur la mer . Coët s’ est jeté v er s
le feu qu’il étouffe sous sa var euse , sous ses pie ds, follement. Les flammes
s’affaissent, s’é crasent, et il p our suit, le bér et au p oing, celles qui ramp ent.
D’un lougr e une v oix héle à tr ois r eprises. L’ e au claque sous les coup es
hâtiv es d’un nag eur . Urbain tâte av e c soin le sol autour de lui, étr eint des
braises, é coute . La nuit est immobile comme un blo c que le feu tour nant
du Pilier tranche ainsi qu’une lame .
Longtemps il r este de g arde autour du chantier , encor e b oule v er sé de
p eur , imaginant sa bar que en flammes. Une brûlur e cuit son gr os orteil
g auche qu’il va de temps à autr e tr emp er dans l’étier . Il dénombr e ses
ennemis  : les deux A quenee , Julien Per chais, les Gaud  ; il n’a p as r e connu
l’homme , mais il frémit de l’intention incendiair e et il v oudrait toucher
sa bar que , la pr endr e à pleins bras, comme un êtr e cher sauvé d’une
catastr ophe .
Il fallut les coups grêles de minuit p our lui rapp eler que la
MarieJe anne l’aendait chez lui à l’Herbaudièr e , et qu’il avait six kilomètr es
de r oute . L’ obscurité immuable et douce lui était de v enue confiante sous
l’é clat obstiné du grand phar e tour nant. Il dé cida la r etraite , mais le jusant
ayant é choué la y ole , il long e a l’étier , du côté des marais, jusqu’à l’é cluse
dont le bâtis s’éle vait dans les étoiles en manièr e de guillotine .
Le lendemain, il r e vint dès six heur es et il vit les pr euv es  : des cop e aux
brûlés, une plaque d’herb e r oussie . La varlop e criait déjà sur le chêne  ; il
entra et, jo y eusement, il r e connut sa bar que .
Elle montait, énor me dans le p etit chantier du pèr e Goustan qu’ elle
emplissait jusqu’au faîte . C’était une bar que de vingt-sept pie ds, bien
coffré e , puissante , l’étrav e haute et l’avant taillé d’aplomb , comme un coin,
p our mieux fendr e les lames. A u milieu des flancs qui n’étaient p oint
entièr ement b ordés, les membr ur es, quasi br utes, app araissaient ar qué es
comme des côtes, tellement près à près et massiv es que le bate au semblait
bûché dans un monstr ueux tr onc de chêne .
Or gueilleux de son œuv r e , le pèr e Goustan lâcha l’ er minee , p our v
e2Le Peuple de la Mer Chapitr e I
nir à p etits p as se camp er près d’Urbain Coët. Il r ele va, d’un g este familier ,
la lar g e salop ee qui jup onnait autour de ses vieilles jamb es, r e dr essa son
é chine , essuya ses lunees et dé clara  :
―  C’ est du travail, ça, mon g ar s  ! et du solide  !
Alor s son fils, François, qui rab otait les dessous de la bar que , à plat
dos p ar mi les cop e aux, s’inter r ompit p our pr ononcer  :
― Faut ça p our bar e la mer  !
Et é o dor e , le p etit-fils, du haut du p ont, où il bricolait, jeta d’
enthousiasme  :
― Et p our tailler de la r oute  !
Point bavard, Urbain Coët souriait simplement aux e x clamations
coutumièr es des tr ois g énérations. Il savait que l’ancien p arlait toujour s p our
vanter son e xp érience d’un métier enseigné à ses enfants, et que ses
enfants appr ouvaient à l’unisson. Urbain Coët estimait une sag e r outine . Il
n’était p oint assez fou p our discuter les connaissances des vieux, surtout
quand il les jug e ait de b onne sour ce . Et le pèr e Goustan avait travaillé
dans la grande ville de Nantes, sous le se cond emp er eur , du temps des
frég ates et de la b elle marine en b ois.
A u chantier de Noir moutier , on n’utilise que l’ er minee et le rab ot
en cor mier cintré  ; les Goustan ignor ent la fer raille des outils américains.
Ils élè v ent des bar ques au p etit b onheur , à v ue de nez, en méprisant les
calculs et le dessin.
― La mer  ! dit le vieux, c’ est-il une dame av e c qui on compte  ! ― Ils
font trapu, r obuste , à for ce de chêne assemblé définitiv ement.
Ils ont deux marte aux p our tr ois et une seule tenaille dont un coin est
brisé . D epuis deux ans, à chaque fois qu’il ar rache un clou, François crie
qu’il va la r emplacer . Mais le pèr e , der rièr e ses lunees, constate qu’ elle
p eut encor e aller , et l’ on r emet l’achat. and ils ont à p er cer des tr ous
pr ofonds, é o dor e court empr unter une tarièr e à Malchaussé , le
charp entier , qui demeur e en ville , de l’autr e côté du p ort, sur la place d’ Ar mes.
D ans un angle du hang ar , la meule est fiché e au mur p ar deux
montants. A u-dessus, un sab ot, la p ointe en bas, sert de réser v oir et pisse de
l’ e au p ar un p etit tr ou b ouché d’un fosset. L’affutag e des lames est la
prér og ativ e des aînés  ; é o dor e tour ne la meule qui g eint sur un r ythme
régulier .
3Le Peuple de la Mer Chapitr e I
D er rièr e le chantier , une p alissade en v olig e g arde du v ent de mer
un enclos où végètent des p oirier s bas, des artichauts, des citr ouilles et
un cerisier dont on suppute annuellement la pr o duction. Il p enche tout
contr e une fenêtr e , et c’ est plaisir de v oir , en travaillant, danser les fr uits
r oug es p ar mi les feuilles. Char g é de le v eiller , é o dor e tap e av e c son
marte au sur l’établi dès qu’il ap er çoit les oise aux v oraces.
Le chantier Goustan a de la réputation hor s de l’île , dans les p orts v
oisins de la V endé e , et jusque sur la côte br etonne , p ar delà l’ estuair e de la
Loir e . C’ est un br e v et p our une chaloup e de sortir

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