Les comédiens sans le savoir
62 pages
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Les comédiens sans le savoir

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Description

La Comédie humaine - Études de moeurs. Troisième et quatrième livres, Scènes de la vie parisienne et scènes de la vie politique - Tome XII (sic, erreur pour le tome IV). Douzième volume de l'édition Furne 1842. Extrait : ― Ce rat, qui sort d’une répétition à l’Opéra, retourne faire un maigre dîner, et reviendra dans trois heures pour s’habiller, s’il paraît ce soir dans le ballet, car nous sommes aujourd’hui lundi. Ce rat a treize ans, c’est un rat déjà vieux. Dans deux ans d’ici, cette créature vaudra soixante mille francs sur la place, elle sera rien ou tout, une grande danseuse ou une marcheuse, un nom célèbre ou une vulgaire courtisane. Elle travaille depuis l’âge de huit ans. Telle que tu la vois, elle est épuisée de fatigue, elle s’est rompu le corps ce matin à la classe de danse, elle sort d’une répétition où les évolutions sont difficiles comme les combinaisons d’un casse-tête chinois, elle reviendra ce soir. Le rat est un des éléments de l’Opéra, car il est à la première danseuse ce que le petit clerc est au notaire. Le rat, c’est l’espérance.

Informations

Publié par
Nombre de lectures 44
EAN13 9782824710174
Langue Français

Extrait

HONORÉ DE BALZA C
LES COMÉDI ENS SANS
LE SA V OI R
BI BEBO O KHONORÉ DE BALZA C
LES COMÉDI ENS SANS
LE SA V OI R
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1017-4
BI BEBO OK
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Le te xte suivant est une œuv r e du domaine public é dité
sous la licence Cr e ativ es Commons BY -SA
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V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok.LES COMÉDI ENS SANS LE
SA V OI R
A MONSI EU R LE COMT E JU LES DE CAST ELLAN E.
  L, notr e célèbr e p eintr e de p ay sag e , app artient à
l’une des plus nobles familles du Roussillon, esp agnole d’ ori-L gine , et qui, si elle se r e commande p ar l’antiquité de la race , est
depuis cent ans v oué e à la p auv r eté pr o v erbiale des Hidalg os. V enu de
son pie d lég er à Paris du dép artement des Py réné es-Orientales, av e c une
somme de onze francs p our tout viatique , il y avait en quelque sorte
oublié les misèr es de son enfance et sa famille au milieu des misèr es qui ne
manquent jamais aux rapins dont toute la fortune est une intrépide v o
cation. Puis les soucis de la gloir e et ceux du succès fur ent d’autr es causes
d’ oubli.
Si v ous av ez suivi le cour s sinueux et capricieux de ces Études, p
eutêtr e v ous souv enez-v ous de Mistigris, élè v e de Schinner , un des hér os de
Un début dans la vie (SCÈN ES DE LA V I E P RI V ÉE), et de ses app aritions
dans quelques autr es Scènes. En 1845, le p ay sagiste , émule des Hobbéma,
1Les comé diens sans le sav oir Chapitr e
des Ruy sdaël, des Lor rain, ne r essemble plus au rapin dénué , frétillant,
que v ous av ez v u. Homme illustr e , il p ossède une char mante maison r ue
de Berlin, non loin de l’hôtel de Bramb our g où demeur e son ami
Bridau, et près de la maison de Schinner son pr emier maîtr e . Il est membr e
de l’Institut et officier de la Légion-d’Honneur , il a tr ente-neuf ans, il a
vingt mille francs de r entes, ses toiles sont p ayé es au p oids de l’ or , et, ce
qui lui semble plus e xtraordinair e que d’êtr e invité p arfois aux bals de la
cour , son nom jeté si souv ent, depuis seize ans, p ar la Pr esse à l’Eur op e , a
fini p ar p énétr er dans la vallé e des Py réné es-Orientales où végètent tr ois
véritables Lora, son frèr e aîné , son pèr e et une vieille tante p ater nelle ,
mademoiselle Ur raca y Lora.
D ans la ligne mater nelle , il ne r este plus au p eintr e célèbr e qu’un
cousin, ne v eu de sa mèr e , âg é de cinquante ans, habitant d’une p etite ville
manufacturièr e du dép artement. Ce cousin fut le pr emier à se souv enir
de Lé on. En 1840 seulement, Lé on de Lora r e çut une ler e de monsieur
Sylv estr e Palafo x-Castel-Gazonal ( app elé tout simplement Gazonal),
auquel il rép ondit qu’il était bien lui-même , c’ est-à-dir e le fils de feue Lé onie
Gazonal, femme du comte Fer nand Didas y Lora.
Le cousin Sylv estr e Gazonal alla dans la b elle saison de 1841
appr endr e à l’illustr e famille inconnue des Lora que le p etit Lé on n’était
p as p arti p our le Rio de la P lata, comme on le cr o yait, qu’il n’y était p as
mort, comme on le cr o yait, et qu’il était un des plus b e aux g énies de
l’école française , ce qu’ on ne cr ut p as. Le frèr e aîné , don Juan de Lora, dit à
son cousin Gazonal qu’il était la victime d’un plaisant de Paris.
Or , le dit se pr op osant d’aller à Paris p our y suiv r e un pr o cès
que , p ar un conflit, le préfet des Py réné es-Orientales avait ar raché de la
juridiction ordinair e p our le transp orter au Conseil d’État, le pr o vincial
se pr op osa d’é clair cir le fait, et de demander raison de son imp ertinence
au p eintr e p arisien. Il ar riva que monsieur Gazonal, log é dans un maigre
garni de la r ue Cr oix-des-Petits-Champs, fut ébahi de v oir le p alais de
la r ue de Berlin. En y appr enant que le maîtr e v o yag e ait en Italie , il r
enonça momentanément à demander raison, et douta de v oir r e connaîtr e
sa p ar enté mater nelle p ar l’homme célèbr e .
D e 1843 à 1844, Gazonal suivit son pr o cès. Cee contestation r elativ e
à une question de cour s et de hauteur d’ e au, un bar rag e à enle v er , dont se
2Les comé diens sans le sav oir Chapitr e
mêlait l’administration soutenue p ar des riv erains, menaçait l’ e xistence
même de la fabrique . En 1845, Gazonal r eg ardait ce pr o cès comme
entièr ement p erdu, le se crétair e du Maîtr e des Re quêtes char g é de fair e le
rapp ort lui ayant confié que ce rapp ort serait opp osé à ses conclusions,
et son av o cat le lui ayant confir mé . Gazonal, quoique commandant de la
g arde nationale de sa ville , et l’un des plus habiles fabricants de son
dép artement, se tr ouvait si p eu de chose à Paris, il y fut si effrayé de la cherté
de la vie et des moindr es babioles, qu’il s’était tenu coi dans son mé chant
hôtel. Ce méridional, privé de soleil, e x é crait Paris qu’il nommait une
fabrique de rhumatismes. En additionnant les dép enses de son pr o cès et de
son séjour , il se pr omeait à son r etour d’ emp oisonner le préfet ou de
le minotauriser  ! D ans ses moments de tristesse , il tuait raide le préfet  ;
dans ses moments de g aieté , il se contentait de le minotauriser .
Un matin, à la fin de son déjeuner , tout en maugré ant, il prit rag
eusement le jour nal. Ces lignes qui ter minaient un article « notr e grand p
aysagiste Lé on de Lora, r e v enu d’Italie depuis un mois, e xp osera plusieur s
toiles au Salon  ; ainsi l’ e xp osition sera, comme on le v oit, très-brillante »
frappèr ent Gazonal comme si la v oix qui p arle aux joueur s quand ils
g agnent les lui eût jeté es dans l’ or eille . A v e c cee soudaineté d’action
qui distingue les g ens du midi, Gazonal sauta de l’hôtel dans la r ue , de la
r ue dans un cabriolet, et alla r ue de Berlin chez son cousin.
Lé on de Lora fit dir e à son cousin Gazonal qu’il l’invitait à déjeuner au
Café de Paris p our le lendemain, car il se tr ouvait p our le moment o ccup é
d’une manièr e qui ne lui p er meait p as de r e ce v oir . Gazonal, en homme
du Midi, conta toutes ses p eines au valet de chambr e .
Le lendemain, à dix heur es, Gazonal, tr op bien mis p our la cir
constance (il avait endossé son habit bleu-barb e au à b outons dorés, une
chemise à jab ot, un gilet blanc et des g ants jaunes), aendit son amphitr y on
en piétinant p endant une heur e sur le b oule vard, après av oir appris du
cafétier (nom des maîtr es de café en pr o vince ) que ces messieur s
déjeunaient habituellement entr e onze heur es et midi.
―  V er s onze heur es et demie , deux Parisiens, en simple lévite ,
disaitil quand il raconta ses av entur es à ceux de son endr oit, qui avaient l’air
de rien du tout , s’é crièr ent en me v o yant sur le b oule vard  : ―  V oilà ton
Gazonal  !. . .
3Les comé diens sans le sav oir Chapitr e
Cet interlo cuteur était Bixiou de qui Lé on de Lora s’était muni p our
faire poser son cousin.
― « Ne v ous fâchez p as, mon cher cousin, je suis le vôtr e , s’é cria le
p etit Lé on en me ser rant dans ses bras, disait Gazonal à ses amis à son
r etour . Le déjeuner fut splendide . Et je cr us av oir la b erlue en v o yant le
nombr e de piè ces d’ or que né cessita la carte . Ces g ens-là doiv ent g agner
leur p esant d’ or , car mon cousin donna trenteu sols au g ar çon, la jour né e
d’un homme . »
Pendant ce déjeuner monstr e , v u qu’il y fut consommé six douzaines
d’huîtr es d’Ostende , six côtelees à la Soubise , un p oulet à la Mar eng o ,
une may onnaise de homard, des p etits p ois, une cr oûte aux champignons,
ar r osés de tr ois b outeilles de vin de Borde aux, de tr ois b outeilles de vin
de Champ agne , plus les tasses de café , de liqueur , sans compter les hor
sd’ œuv r e , Gazonal fut magnifique de v er v e contr e Paris. Le noble fabricant
se plaignit de la longueur des p ains de quatr e liv r es, de la hauteur des
maisons, de l’indiffér ence des p assants les uns p our les

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