Ramuntcho
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Description

Pierre Loti décrit un Pays Basque folklorique qui a marqué l’image de cette région au grand dépit des défenseurs de l’identité basque. Ramuntcho dort. Tout à l'heure, il partira pour une de ces expéditions clandestines dé l'autre côté de la frontière espagnole qui sont le métier secret de tant d'hommes au pays basque. Dans la salle basse, sa mère Franchita songe. II s'est déjà fait une solide réputation de joueur de pelote et le voilà maintenant qui tâte de la contrebande. Il suit les traditions de sa race, alors pourquoi s'inquiéter de l'avenir ? De plus il s'entend bien avec Gracieuse, fille de Dolorès Detcharry qui fut l'amie d'enfance de Franchita jusqu'à la fugue de celle-ci avec l'étranger, le père de Ramuntcho. Le mariage des enfants serait une belle revanche sur cette Dolorès orgueilleuse et bigote.

Informations

Publié par
Nombre de lectures 21
EAN13 9782824711102
Langue Français

Extrait

P I ERRE LO T I
RAMU N T CHO
BI BEBO O KP I ERRE LO T I
RAMU N T CHO
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1110-2
BI BEBO OK
w w w .bib eb o ok.comLicence
Le te xte suivant est une œuv r e du domaine public é dité
sous la licence Cr e ativ es Commons BY -SA
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signifie que v ous p ouv ez lég alement la copier , la r e
distribuer , l’ env o y er à v os amis. V ous êtes d’ailleur s
encourag é à le fair e .
V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok.MAD AME V . D’ ABBADI E
A qui commença de m’initier au pays basque, en l’automne de 1891.
Hommage d’affectueux respect.
P I ERRE LO T I.
Ascain ( Basses-Py réné es). No v embr e 1896.
n
1Pr emièr e p artie
2CHAP I T RE I
  , annonciateur s de l’automne , v enaient
d’app araîtr e en masse dans une b our rasque grise , fuyant la hauteL mer sous la menace des tour mentes pr o chaines. A l’ emb
ouchur e des rivièr es méridionales, de l’ A dour , de la Niv elle , de la Bidasso a
qui long e l’Esp agne , ils er raient au-dessus des e aux déjà fr oidies, v olant
bas, rasant de leur s ailes le mir oir des surfaces. Et leur s cris, à la tombé e
de la nuit d’ o ctobr e , semblaient sonner la demi-mort annuelle des plantes
épuisé es.
Sur les camp agnes p y réné ennes, toutes de br oussailles ou de grands
b ois, les mélancolies des soir s pluvieux d’ar rièr e-saison descendaient
lentement, env elopp antes comme des suair es, tandis que Ramuntcho ¹
cheminait p ar le sentier de mousse , sans br uit, chaussé de semelles de cordes,
souple et silencieux dans sa mar che de montagnard.
1. Ray mond, Ramon, Ramuntcho  : le même nom.
3Ramuntcho Chapitr e I
Ramuntcho ar rivait à pie d de très loin, r emontait des régions qui av
oisinent la mer de Biscay e , v er s sa maison isolé e , qui était là-haut, dans
b e aucoup d’ ombr e , près de la fr ontièr e esp agnole .
A utour du jeune p assant solitair e , qui montait s i vite sans p eine et
dont la mar che en esp adrilles ne s’ entendait p as, des lointains, toujour s
plus pr ofonds, se cr eusaient de tous côtés, très estomp és de crépuscule et
de br ume .
L’automne , l’automne s’indiquait p artout. Les maïs, herbag es des
lieux bas, si magnifiquement v erts au printemps, étalaient des nuances
de p aille morte au fond des vallé es, et, sur tous les sommets, des hêtr es
et des chênes s’ effeuillaient. L’air était pr esque fr oid  ; une humidité o
dorante sortait de la ter r e moussue , et, de temps à autr e , il tombait d’ en haut
quelque ondé e légèr e . On la sentait pr o che et ang oissante , cee saison des
nuag es et des longues pluies, qui r e vient chaque fois av e c son même air
d’amener l’épuisement définitif des sè v es et l’ir rémé diable mort, — mais
qui p asse comme toutes choses et qu’ on oublie , au suivant r enouv e au.
Partout, dans la mouillur e des feuilles jonchant la ter r e , dans la
mouillur e des herb es longues et couché es, il y avait des tristesses de fin,
de muees résignations aux dé comp ositions fé condes.
Mais l’automne , lor squ’il vient finir les plantes, n’app orte qu’une
sorte d’av ertissement lointain à l’homme un p eu plus durable , qui
résiste , lui, à plusieur s hiv er s et se laisse plusieur s fois leur r er au char me
des printemps. L’homme , p ar les soir s pluvieux d’ o ctobr e et de no v embr e ,
épr ouv e surtout l’instinctif désir de s’abriter au gîte , d’aller se ré chauffer
de vant l’âtr e , sous le toit que tant de millénair es amoncelés lui ont pr
ogr essiv ement appris à constr uir e . — Et Ramuntcho sentait s’é v eiller au
fond de soi-même les vieilles aspirations ancestrales v er s le fo y er basque
des camp agnes, le fo y er isolé , sans contact av e c les fo y er s v oisins  ; il se
hâtait davantag e v ers le primitif logis, où l’aendait sa mèr e .
Çà et là , on les ap er ce vait au loin, indé cises dans le crépuscule , les
maisonnees basques, très distantes les unes des autr es, p oints blancs
ou grisâtr es, tantôt au fond de quelque g or g e enténébré e , tantôt sur
quelque contr efort des montagnes aux sommets p erdus dans le ciel
obscur  ; pr esque néglig e ables, ces habitations humaines, dans l’ ensemble
immense et de plus en plus confus des choses  ; néglig e ables et s’annihilant
4Ramuntcho Chapitr e I
même tout à fait, à cee heur e , de vant la majesté des solitudes et de
l’éter nelle natur e for estièr e .
Ramuntcho s’éle vait rapidement, leste , hardi et jeune , enfant encor e ,
cap able de jouer en r oute , comme s’amusent les p etits montagnards, av e c
un caillou, un r ose au, ou une branche que l’ on taille en mar chant. L’air se
faisait plus vif, les alentour s plus âpr es, et déjà ne s’ entendaient plus les
cris des courlis, leur s cris de p oulie r ouillé e , sur les rivièr es d’ en bas. Mais
Ramuntcho chantait l’une de ces plaintiv es chansons des vieux temps,
qui se transmeent encor e au fond des camp agnes p erdues, et sa naïv e
v oix s’ en allait dans la br ume ou la pluie , p ar mi les branches mouillé es
des chênes, sous le grand suair e toujour s plus sombr e de l’isolement, de
l’automne et du soir .
Pour r eg arder p asser , très loin au-dessous de lui, un char à b œufs, il
s’ar rêta un instant, p ensif. Le b ouvier qui menait le lent aelag e chantait
aussi  ; p ar un sentier r o cailleux et mauvais, cela descendait dans un ravin
baigné d’une ombr e déjà no ctur ne .
Et bientôt cela disp ar ut à un tour nant, masqué tout à coup p ar des
arbr es, et comme é vanoui dans un g ouffr e . Alor s Ramuntcho sentit
l’étr einte d’une mélancolie subite , ine xpliqué e comme la plup art de ses
impr essions comple x es, et, p ar un g este habituel, tout en r epr enant sa
mar che moins alerte , il ramena en visièr e , sur ses y eux gris très vifs et
très doux, le r eb ord de son bér et de laine .
Pour quoi  ? . . . ’ est-ce que cela p ouvait lui fair e , ce chariot, ce b
ouvier chanteur qu’il ne connaissait même p as  ? . . . Évidemment rien. . .
Cep endant, de les av oir v us ainsi disp araîtr e p our aller se gîter , comme sans
doute chaque nuit, en quelque métairie isolé e dans un bas-fond, la
compréhension lui était v enue , plus e x acte , de ces humbles e xistences de p
aysans, aaché es à la ter r e et au champ natal, de ces vies humaines aussi
dép our v ues de joies que celles des bêtes de lab our , mais av e c des dé clins plus
pr olong és et plus lamentables. Et, en même temps, dans son esprit avait
p assé l’intuitiv e inquiétude des ailleurs , des mille choses autres que l’ on
p eut v oir ou fair e en ce monde et dont on p eut jouir  ; un chaos de
demip ensé es tr oublantes, de r essouv enir s ataviques et de fantômes v enait
furtiv ement de s’indiquer , aux tréfonds de son âme d’ enfant sauvag e . . .
C’ est qu’il était, lui, Ramuntcho , un mélang e de deux races très
dif5Ramuntcho Chapitr e I
fér entes et de deux êtr es que sép araient l’un de l’autr e , si l’ on p eut dir e ,
un abîme de plusieur s g énérations. Cré é p ar la fantaisie triste d’un des
raffinés de nos temps de v ertig e , il avait été inscrit à sa naissance comme
« fils de pèr e inconnu » et ne p ortait d’autr e nom que celui de sa mèr e .
A ussi ne se sentait-il p as entièr ement p ar eil à ses comp agnons de jeux ou
de saines fatigues.
Silencieux p our un moment, il mar chait moins vite v er s son logis,
p ar les sentier s déserts ser p entant sur les hauteur s. En lui, le chaos des
choses autres , des ailleurs lumineux, des splendeur s ou des ép ouvantes

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