Une ténébreuse affaire
196 pages
Français

Une ténébreuse affaire

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Description

La Comédie humaine - Études de moeurs. Troisième et quatrième livres, Scènes de la vie parisienne et scènes de la vie politique - Tome XII (sic, erreur pour le tome IV). Douzième volume de l'édition Furne 1842. Extrait : Madame Michu leva douloureusement les yeux au ciel. Belle blonde aux yeux bleus, faite comme une statue antique, pensive et recueillie, elle paraissait être dévorée par un chagrin noir et amer. L’aspect du mari pouvait expliquer jusqu’à un certain point la terreur des deux femmes. Les lois de la physionomie sont exactes, non-seulement dans leur application au caractère, mais encore relativement à la fatalité de l’existence. Il y a des physionomies prophétiques. S’il était possible, et cette statistique vivante importe à la Société, d’avoir un dessin exact de ceux qui périssent sur l’échafaud, la science de Lavater et celle de Gall prouveraient invinciblement qu’il y avait dans la tête de tous ces gens, même chez les innocents, des signes étranges. Oui, la Fatalité met sa marque au visage de ceux qui doivent mourir d’une mort violente quelconque ! Or, ce sceau, visible aux yeux de l’observateur, était empreint sur la figure expressive de l’homme à la carabine.

Informations

Publié par
Nombre de lectures 34
EAN13 9782824710433
Langue Français

Extrait

HONORÉ DE BALZA C
U N E T ÉN ÉBREUSE
AF F AI RE
BI BEBO O KHONORÉ DE BALZA C
U N E T ÉN ÉBREUSE
AF F AI RE
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1043-3
BI BEBO OK
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Le te xte suivant est une œuv r e du domaine public é dité
sous la licence Cr e ativ es Commons BY -SA
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V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok.U N E T ÉN ÉBREUSE
AF F AI RE
1CHAP I T RE I
LES CHA GRI NS DE LA POLICE
A MONSI EU R DE MARGON E
Son hôte du châte au de Saché r e connaissant,
DE BALZA C.
’    ’ 1803 fut un des plus b e aux de la pr emièr e
p ério de de ce siè cle que nous nommons l’Empir e . En o ctobr e ,L quelques pluies avaient rafraîchi les prés, les arbr es étaient
encor e v erts et feuillés au milieu du mois de no v embr e . A ussi le p euple
commençait-il à établir entr e le ciel et Bonap arte , alor s dé claré consul
à vie , une entente à laquelle cet homme a dû l’un de ses pr estig es  ; et,
chose étrang e  ! le jour où, en 1812, le soleil lui manqua, ses pr osp érités
cessèr ent. Le quinze no v embr e de cee anné e , v er s quatr e heur es du soir ,
le soleil jetait comme une p oussièr e r oug e sur les cimes centenair es de
quatr e rang é es d’ or mes d’une longue av enue seigneuriale  ; il faisait briller
le sable et les touffes d’herb es d’un de ces immenses r onds-p oints qui se
2Une ténébr euse affair e Chapitr e I
tr ouv ent dans les camp agnes où la ter r e fut jadis assez p eu coûteuse p our
êtr e sacrifié e à l’ or nement. L’air était si pur , l’atmosphèr e était si douce ,
qu’une famille pr enait alor s le frais comme en été Un homme vêtu d’une
v este de chasse en coutil v ert, à b outons v erts et d’une culoe de même
étoffe , chaussé de soulier s à semelles minces, et qui avait des guêtr es de
coutil moulant jusqu’au g enou, neo yait une carabine av e c le soin que
meent à cee o ccup ation les chasseur s adr oits, dans leur s moments de
loisir . Cet homme n’avait ni car nier , ni gibier , enfin aucun des agrès qui
annoncent ou le dép art ou le r etour de la chasse , et deux femmes,
assises auprès de lui, le r eg ardaient et p araissaient en pr oie à une ter r eur
mal déguisé e . iconque eût pu contempler cee scène , caché dans un
buisson, aurait sans doute frémi comme frémissaient la vieille b elle-mèr e
et la femme de cet homme . Évidemment un chasseur ne pr end p as de
si minutieuses pré cautions p our tuer le gibier et n’ emploie p as, dans le
dép artement de l’ A ub e , une lourde carabine rayé e .
―  T u v eux tuer des che v r euils, Michu  ? lui dit sa b elle jeune femme
en tâchant de pr endr e un air riant.
A vant de rép ondr e , Michu e x amina son chien qui, couché au soleil,
les p ates en avant, le muse au sur les p ates, dans la char mante aitude des
chiens de chasse , v enait de le v er la tête et flairait alter nativ ement en avant
de lui dans l’av enue d’un quart de lieue de longueur et v er s un chemin de
trav er se qui déb ouchait à g auche dans le r ond-p oint.
― Non, rép ondit Michu, mais un monstr e que je ne v eux p as
manquer , un loup cer vier . Le chien, un magnifique ép agneul, à r ob e blanche
tacheté e de br un, gr ogna. ― Bon, dit Michu en se p arlant à lui-même , des
espions  ! le p ay s en four mille .
Madame Michu le va doulour eusement les y eux au ciel. Belle blonde
aux y eux bleus, faite comme une statue antique , p ensiv e et r e cueillie , elle
p araissait êtr e dé v oré e p ar un chagrin noir et amer . L’asp e ct du mari p
ouvait e xpliquer jusqu’à un certain p oint la ter r eur des deux femmes. Les
lois de la phy sionomie sont e x actes, non-seulement dans leur application
au caractèr e , mais encor e r elativ ement à la fatalité de l’ e xistence . Il y a
des phy sionomies pr ophétiques. S’il était p ossible , et cee statistique
vivante imp orte à la So ciété , d’av oir un dessin e x act de ceux qui p érissent
sur l’é chafaud, la science de Lavater et celle de Gall pr ouv eraient
invin3Une ténébr euse affair e Chapitr e I
ciblement qu’il y avait dans la tête de tous ces g ens, même chez les
inno cents, des signes étrang es. Oui, la Fatalité met sa mar que au visag e de
ceux qui doiv ent mourir d’une mort violente quelconque  ! Or , ce sce au,
visible aux y eux de l’ obser vateur , était empr eint sur la figur e e xpr essiv e
de l’homme à la carabine . Petit et gr os, br usque et leste comme un sing e
quoique d’un caractèr e calme , Michu avait une face blanche , inje cté e de
sang, ramassé e comme celle d’un Calmouque et à laquelle des che v eux
r oug es, crépus donnaient une e xpr ession sinistr e . Ses y eux jaunâtr es et
clair s offraient, comme ceux des tigr es, une pr ofondeur intérieur e où le
r eg ard de qui l’ e x aminait allait se p erdr e , sans y r encontr er de mouv
ement ni de chaleur . Fix es, lumineux et rigides, ces y eux finissaient p ar
ép ouvanter . L’ opp osition constante de l’immobilité des y eux av e c la
vivacité du cor ps ajoutait encor e à l’impr ession glaciale que Michu causait
au pr emier ab ord. Pr ompte chez cet homme , l’action de vait desser vir une
p ensé e unique  ; de même que , chez les animaux, la vie est sans réfle xion
au ser vice de l’instinct. D epuis 1793, il avait aménag é sa barb e r ousse en
é v entail. and même il n’aurait p as été , p endant la T err eur , président
d’un club de Jacobins, cee p articularité de sa figur e l’ eût, à elle seule ,
r endu ter rible à v oir . Cee figur e so cratique à nez camus était so cratique
p ar un très-b e au fr ont, mais si b ombé qu’il p araissait êtr e en sur plomb sur
le visag e . Les or eilles bien détaché es p ossé daient une sorte de mobilité
comme celles des bêtes sauvag es, toujour s sur le qui-viv e . La b ouche ,
entr’ ouv erte p ar une habitude assez ordinair e chez les camp agnards, laissait
v oir des dents fortes et blanches comme des amandes, mais mal rang é es.
D es fav oris ép ais et luisants encadraient cee face blanche et violacé e
p ar places. Les che v eux coup és ras sur le de vant, longs sur les joues et
der rièr e la tête , faisaient, p ar leur r oug eur fauv e , p arfaitement r essortir
tout ce que cee phy sionomie avait d’étrang e et de fatal. Le cou, court
et gr os, tentait le coup er et de la Loi. En ce moment, le soleil, pr enant
ce gr oup e en é char p e , illuminait en plein ces tr ois têtes que le chien r
eg ardait p ar moments. Cee scène se p assait d’ailleur s sur un magnifique
théâtr e . Ce r ond-p oint est à l’ e xtrémité du p ar c de Gondr e ville , une des
plus riches ter r es de France , et, sans contr e dit, la plus b elle du dép
artement de l’ A ub e  : magnifiques av enues d’ or mes, châte au constr uit sur les
dessins de Mansard, p ar c de quinze cents ar p ents enclos de mur s, neuf
4Une ténébr euse affair e Chapitr e I
grandes fer mes, une forêt, des moulins et des prairies. Cee ter r e quasi
r o yale app artenait avant la Ré v olution à la famille de Simeuse . Ximeuse
est un fief situé en Lor raine . Le nom se pr ononçait Simeuse , et l’ on avait
fini p ar l’é crir e comme il se pr ononçait.
La grande fortune des Simeuse , g entilshommes aachés à la maison
de Bour g ogne , r emonte au temps où les Guise menacèr ent les V alois.
Richelieu d’ab ord, puis Louis X I V se souvinr ent du dé v oûment des

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