Socrate et les sophistes
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Socrate et les sophistes

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Langue Français

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Socrate et les sophistes
Avec le régime de démocratie directe qui s’instaure au V
e
siècle av. JC à Athènes et dans quelques cités
grecques, tous les « hommes libres » peuvent, s’ils le désirent, prendre la parole, dire ce qu’ils pensent des affaires
publiques et proposer des lois. Dans ces conditions, on mesure la puissance du discours. Or l’assemblée qui décide
est un rassemblement aléatoire et incertain d’individus dont on ne connaît jamais la composition ni l’état d’âme.
S’adresser à elle pour obtenir son approbation, réussir à la convaincre et à la persuader, exige dès lors de nouveaux
moyens qu’on trouve dans un art du langage : la rhétorique (de
rhetor
, orateur). De là l’engouement pour des
intellectuels, les « sophistes », tels Gorgias ou Protagoras, qui, moyennant finance, enseignent aux jeunes gens
avides de pouvoir, et fortunés, les techniques de la persuasion et les clefs de la réussite politique dans le régime
démocratique. L’exercice de l’éloquence, allié en effet à une formation logique et à un art du discours et de la
controverse, rend l’élève des sophistes capable d’intervenir à propos de tout, en faisant « de la cause la plus faible
la cause la plus forte » (Aristote,
Rhétorique
). Manier une thèse et son contraire, transformer une position fragile en
base d’attaque, retourner les points forts de l’adversaire contre lui et l’affaiblir, tel est le contenu essentiel de cet
enseignement rhétorique.
Le nom de « sophiste » signifie d’abord quelque chose d’aussi vague que « maître » — est
sophistes
celui
qui sait et sait transmettre ce qu’il sait, raison pour laquelle on lui donne parfois pour synonymes les noms de
« savant » ou d’ « expert » — et il n’a, alors, rien de péjoratif : les institutions démocratiques, en effet, favorisent
plutôt l’apparition de ces professionnels de la parole. Les sophistes sont des intellectuels qui font de disciplines
comme la grammaire, la rhétorique, la musique et la politique, leur métier comme leur gagne-pain. En raison de
leur encyclopédisme, et de la diversité de leur enseignement, il est impossible de parler d’une unité doctrinale de la
sophistique. Ce qui les rassemble toutefois, c’est leur condition de penseurs itinérants, qui enseignent de cité en
cité. Or s’avisant que ni les lois, ni les traditions ou les coutumes ne sont partout semblables, les sophistes en
vinrent à remettre en question les valeurs transcendantes et traditionnelles des cités grecques. Leur sens aigu du
relativisme, allié à leur esprit critique, fit qu’en discourant au sujet des institutions et des conventions, ils portèrent
leur regard sur l’être qui les produisait : l’homme. Ils firent alors apparaître, en rupture avec le discours religieux,
que l’homme étant source de toute valeur, il n’y a pas de valeur absolue : « L’homme est mesure de toutes choses »
(Protagoras). Naturellement dénué de toute défense naturelle, l’homme ne peut compter, à l’inverse des animaux,
que sur la puissance artificielle de ses propres productions techniques, dont la politique (cf. Platon,
Protagoras
).
Ainsi trouve-t-on au centre de la réflexion des sophistes l’opposition entre la nature (
phusis
) et la convention
(
nomos
) : tantôt ils exaltent la première contre l’arbitraire des lois humaines ; tantôt au contraire, ils défendent
l’artifice de la loi instituée par l’homme contre la pure force physique.
La diversité de leurs positions intellectuelles, les excès oratoires de leurs disciples, outre les progrès de
l’immoralisme dans la cité, firent qu’assez rapidement les sophistes furent condamnés par des philosophes comme
Platon et Aristote. Le nom de « sophiste » s’est alors chargé d’un sens défavorable pour désigner un disputeur de
mauvaise foi ou encore « un homme qui tire un profit pécuniaire d’une sagesse apparente et non réelle » (Aristote,
Réfutations sophistiques
) ; le « sophisme » devint synonyme de faux raisonnement, sens qu’il conserve aujourd’hui
encore. Cette critique donna l’occasion à la philosophie de se constituer, par contraste, comme un discours
rigoureux, argumenté, dont l’objet est la vérité. L’influence des sophistes fut donc décisive, non seulement sur la
culture grecque en général (l’historien Thucydide ou le tragédien Euripide en témoignent), mais aussi, comme son
ferment intérieur, sur la philosophie elle-même.
Ce sont les excès logiques de sophistes dans leurs disputes linguistiques (cf Platon,
Euthydème
), mais aussi
l’immoralisme de leurs élèves (cf. le personnage fictif de Calliclès dans le
Gorgias
de Platon), qui engendrèrent la
réaction de la conscience socratique. Ou telle est du moins l’image que le disciple voulut donner de son maître :
c’est chez Platon, en effet, qu’émerge la figure mythique de Socrate, celle du philosophe opposée à celle du
sophiste.
Car dans l’histoire de la philosophie occidentale, Socrate n’est pas un penseur comme les autres : « Il est
le totem de la philosophie occidentale… La place exceptionnelle qu’il tient dans notre culture est celle du héros
fondateur, du père originaire » (J. Brunchwig). Fait révélateur, c’est de Socrate qu’on a coutume de dater la
véritable naissance de la philosophique (cf. la fiche sur les Présocratiques). De fait, avec Socrate naît une
philosophie d’une autre sorte, en rupture avec le discours des anciens sages comme avec l’enseignement des
sophistes, sans contenu doctrinal défini ni explicite pourtant, mais qui est grosse, dès lors, d’orientations aussi
diverses dans leurs positions respectives que solidaires dans leur souci commun de la vérité.
À l’inverse des sophistes, penseurs itinérants,
Socrate
(470-399 av. JC)
a choisi la sédentarité. Il naît à
Athènes vers 470 av. JC, d’un père sculpteur et d’une mère sage-femme, une hérédité dont il est dit qu’elle le
prédisposa sans doute à la formation intellectuelle des jeunes gens et à l’accouchement des âmes en mal de vérité
ou « maïeutique » (de
maïeutikè
, « art de faire accoucher »). Il meurt à Athènes, condamné à boire la ciguë, en 399
av. JC. Jamais il ne quitta Athènes, sauf pour participer, en tant qu’hoplite (ou fantassin), au siège de Potidée, au
début de la guerre du Péloponnèse, en 429 av. JC. Jamais non plus il n’écrivit : ainsi, nul ne saura quel fut le
véritable Socrate. Etait-ce l’intellectuel dangereux que nous présente le poète comique Aristophane dans
Les
Nuées
? Un homme plus préoccupé par les problèmes moraux que philosophiques, comme nous le dit dans les
Mémorables
(I, 1, 11) Xénophon, un ancien élève devenu stratège ? Ou bien le sage légendaire auquel Platon donne
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