L’Avare (Goldoni)
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>Carlo GoldoniTraduction de M.A.A.D.RL’Avare1756L’AVARE,COMÉDIEEN UN ACTE ET EN PROSE.N. B. Moliere a tracé de main de maître les travers et le ridicule de l’Avarice :Goldoni en a esquissé l’odieux dans la petite pièce que l’on va lire.Nous ne nous permettrons qu’une réflexion sur ce dernier ouvrage :placer à la suite du Moliere, l’Avare de Goldoni, c’est rendre peut-être àces deux grands hommes l’hommage le plus flatteur, et en même tempsle plus digne d’eux.PERSONNAGESDon AMBROISE, vieil avare.Donna EUGÉNIE, veuve et belle fille d’Ambroise.Le Comte de l’ISLE.Le Chevalier des ARBRES.Don FERNAND, jeune homme de Mantoue.JASMIN, valet.Un Procureur, personnage muet.La Scène est à Pavie, dans une gallerie, chez Don Ambroise.SCÈNE PREMIÈRE.DON AMBROISE (seul.)Ce que c’est pourtant qu’un peu de règle et de conduite ! Il n’y a qu’un anque mon fils est mort, et je me trouve déjà en avance de deux milleécus ! Le Ciel sait combien j’ai été sensible à la mort de l’unique filsque j’eusse au monde : mais s’il eût vécu encore un pareil nombred’années, c’en était fait ; mes revenus n’y suffisaient pas, et il eût falluattaquer les capitaux. L’amour paternel a ses droits, sans doute ; maisl’argent ! l’argent est une si belle chose ! Je dépense plus encore que jene devrais, parce que j’ai ma belle-fille chez moi. – Je voudrais bienm’en débarrasser : mais la seule pensée de la dot qu’il lui faudraitrestituer, suffit pour me mettre en fureur. Je me trouve ...

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Extrait

>Carlo GoldoniTraduction de M.A.A.D.RL’Avare6571L’AVARE,COMÉDIEEN UN ACTE ET EN PROSE.N. B. Moliere a tracé de main de maître les travers et le ridicule de l’Avarice :Goldoni en a esquissé l’odieux dans la petite pièce que l’on va lire.Nous ne nous permettrons qu’une réflexion sur ce dernier ouvrage :placer à la suite du Moliere, l’Avare de Goldoni, c’est rendre peut-être àces deux grands hommes l’hommage le plus flatteur, et en même tempsle plus digne d’eux.PERSONNAGESDon AMBROISE, vieil avare.Donna EUGÉNIE, veuve et belle fille d’Ambroise.Le Comte de l’ISLE.Le Chevalier des ARBRES.Don FERNAND, jeune homme de Mantoue.JASMIN, valet.Un Procureur, personnage muet.La Scène est à Pavie, dans une gallerie, chez Don Ambroise.SCÈNE PREMIÈRE.
DON AMBROISE (seul.)Ce que c’est pourtant qu’un peu de règle et de conduite ! Il n’y a qu’un anque mon fils est mort, et je me trouve déjà en avance de deux milleécus ! Le Ciel sait combien j’ai été sensible à la mort de l’unique filsque j’eusse au monde : mais s’il eût vécu encore un pareil nombred’années, c’en était fait ; mes revenus n’y suffisaient pas, et il eût falluattaquer les capitaux. L’amour paternel a ses droits, sans doute ; maisl’argent ! l’argent est une si belle chose ! Je dépense plus encore que jene devrais, parce que j’ai ma belle-fille chez moi. – Je voudrais bienm’en débarrasser : mais la seule pensée de la dot qu’il lui faudraitrestituer, suffit pour me mettre en fureur. Je me trouve entre l’enclume etle marteau. Qu’elle demeure avec moi, elle me ronge jusqu’aux os :qu’elle s’en aille, elle arrache et emporte mon cœur. Si je pouvaisimaginer… Bon, voici un autre fléau qui me poursuit malgré moijusqu’ici ; un autre présent de mon cher fils. Il me semble pourtant qu’ilserait bien temps qu’il s’en allât.SCÈNE II.Le Même, DON FERNAND.DON FERNAND.Bonjour, seigneur don Ambroise.DON AMBROISE.Il n’y a plus ni bonjour ni bonne nuit pour moi.DON FERNAND.Je partage la douleur d’un père. Vous perdez, dans le pauvre don Fabrice, leplus aimable cavalier du monde.DON AMBROISE.Don Fabrice était un cavalier qui aurait trouvé le fond des mines de l’Inde.Depuis son mariage, il a dissipé, en deux ans, plus que je n’eussedépensé en dix. Je suis ruiné, mon cher Monsieur ; et pour rétablir unpeu mes affaires, il me faudra vivre dorénavant avec la plus sévèreéconomie, et peser jusqu’à mon pain.DON FERNAND.Pardon : mais vous me persuaderez difficilement que vous en soyez réduit àcette extrémité.DON AMBROISE.Vous ne connaissez pas mes affaires.
DON FERNAND.Votre fils m’avait dit cependant…DON AMBROISE.Mon fils était un fou, gonflé de morgue et de vanité, l’esclave de sa femme,et la dupe des amis qui le grugeaient.DON FERNAND.Je ne sais si vous parlez pour moi, Monsieur ; mais il me semble que,depuis un an que j’habite chez vous pour prendre dans cette universitéle grade de docteur, mon père a suffisamment pourvu à ma dépense.DON AMBROISE.Je ne parle point pour vous. Mon fils vous aimait, et je vous ai gardé chezmoi pour l’amour de lui : mais maintenant que vous voilà Docteur,pourquoi perdre ici votre temps ?DON FERNAND.J’attends aujourd’hui des lettres de mon père, et je compte vous débarrasserau premier jour.DON AMBROISE.Je suis surpris de ne pas vous voir plus d’empressement à retourner dansvotre patrie, pour vous y entendre appeler Monsieur le Docteur ! Votremère brûle sans doute de l’impatience d’embrasser monsieur leDocteur son fils.DON FERNAND.Ma maison, Monsieur, peut, à la rigueur, se passer de ce nouveau titre. Jecrois que ma famille vous est connue.DON AMBROISE.Je sais que votre noblesse ne le cède à qui que ce soit : mais la noblessesans biens, ce n’est pas l’habit sans la doublure, c’est la doublure sansl’habit.DON FERNAND.Je ne suis cependant pas des plus maltraités de la fortune.DON AMBROISE.Raison de plus pour aller jouir bien vîte de votre noblesse et de votre fortune.Vous n’êtes point à votre place dans la maison d’un homme aussipauvre que moi.DON FERNAND.
Seigneur don Ambroise, vous me feriez vraiment rire !DON AMBROISE.Dites donc pleurer, si vous connaissiez tout mon malheur. J’ai à peine dequoi vivre et ma très-chère belle-fille, cette tête sans cervelle, veut avoirde la société, un équipage, de la toilette, chocolat café… Malheureuxque je suis ! vous me voyez au désespoir.DON FERNAND.Mais je ne vois pas la nécessité de la garder chez vous.DON AMBROISE.Elle n’a ni père ni mère, ni proches parens. Voulez-vous que je la laisseseule ? Une veuve, à son âge ! Eh ! ne me faites point parler.Engagez-la à se marier.DON FERNAND.DON AMBROISE.Oui, s’il se présentait une bonne occasion.DON FERNAND.Rien de plus facile. Donna Eugénie a du mérite, ajoutez à cela une dotconsidérable…DON AMBROISE.Quelle dot ? que parlez-vous, s’il vous plaît, d’une dot considérable ? Elle n’apresque rien apporté ici, et nous a coûté des sommes énormes. Voilàla note des dépenses faites pour l’illustrissime épouse : la voilà ! le jourelle ne quitte pas ma poche, et la nuit mon oreiller. La longue suite demes disgraces n’est rien à mes yeux, en comparaison de toutes sesgentillesses. Oh ! mode ! maudite mode ! puisses-tu être une bonne foisà tous les diables ! Je veux être un coquin, si, en supposant qu’elle seremariât, toutes ses extravagances n’entrent pas pour la moitié, aumoins, dans la restitution que j’ai à lui faire.Dites pour un tiers.DON FERNAND.DON AMBROISE.Bien obligé, monsieur le Docteur. (Il va pour sortir, et revient sur ses pas. )À propos ; j’oubliais de vous dire une chose.Parlez.DON FERNAND.
DON AMBROISE.Afin de savoir à quoi m’en tenir, dites-moi un peu quand vous comptez partir.DON FERNAND.J’attends, je vous le répète, aujourd’hui des lettres de mon père.Et si elles n’arrivent pas ?DON AMBROISE.DON FERNAND.Si elles n’arrivent pas… il faudra bien que je reste.DON AMBROISE.Mon ami, suivez mon conseil. Procurez à votre père une surprise agréable ;allez à Mantoue, et paraissez à l’improviste. Dieu ! avec quel plaisir ilsvont embrasser monsieur le Docteur !DON FERNAND.Il y a quelques lieues d’ici à Mantoue.Vous êtes sans argent ?DON AMBROISE.DON FERNAND.À dire vrai, je n’en ai pas beaucoup.DON AMBROISE.Je vais vous donner un expédient. On va au Tézin, on s’embarque, et l’onarrive, à peu de frais, à l’embouchure du Mincio.Et de là à Mantoue ?À pied, mon ami.DON FERNAND.DON AMBROISE.DON FERNAND.Les jeunes gentilshommes de mon rang ne voyagent point ainsi.
DON AMBROISE.Et les gens de ma classe déclarent à ceux de la vôtre, que la maison d’unpauvre homme, comme moi, n’est point un séjour digne d’un Docteurcomme vous. (Il sort.)SCÈNE III.DON FERNAND (seul).Voilà donc où l’avarice conduit les hommes ! Avec de la noblesse et de lafortune, don Ambroise se regarde comme le dernier, comme le plusmalheureux des hommes. On est forcé d’être de son avis : ce sont lesactions, en effet, qui donnent de l’éclat à la noblesse ; et c’est au bonusage que l’on en fait, que les richesses sont redevables de leur valeur.Je devais quitter cette maison dès l’instant que don Fabrice, mon ami, acessé de vivre, et c’est précisément sa mort qui m’y arrête. Oui, lerespect que j’eus pour donna Eugenie tant que son époux a vécu, s’estchangé en amour depuis qu’elle est veuve, et mon espérance toujoursalimentée… Mais quelle espérance de voir mes vœux jamais contens,si, de quelque côté que se tournent mes regards, ils ne voient que desobstacles à mon amour ! Elle ignore mes sentimens pour elle, et ellepeut les dédaigner en les apprenant. J’ai, auprès d’elle, deux terriblesrivaux ! mon père ne consentira jamais à mon mariage pour le moment :je n’ai point de meilleur parti à prendre que de m’en aller. Oui, jepartirai : mais je veux m’épargner le reproche de m’être trahi moi-mêmepar un excès de délicatesse mal entendue. Qu’elle sache que je l’aime ;et si mon amour est rebuté… La voici fort à propos. Je voudrais luidire… Et je n’ai pas le courage de le faire. Je prendrai mon temps, jepréparerai mes paroles… Quelle lâcheté ! je rougis de moi-même.(Il sort.)SCÈNE IV.DONNA EUGÉNIE, ensuite JASMIN.DONNA EUGÉNIE.Trainerai-je encore long-temps une pareille existence ? La conduite de donAmbroise est elle supportable ? Ses procédés ont déjà fait périr dechagrin mon pauvre époux, et aujourd’hui ce maudit vieillard voudrait mevoir mourir à petit feu, par la fureur qu’il excite en moi, par le désespoiroù il me réduit. Oui, je veux me remarier. Mais le seul désir ne suffit pas,il faut que l’occasion se présente ; et si je n’ai pas la certituded’améliorer ma position, je ne veux pas courir le danger d’aggraver mes.xuamJASMIN.Madame, monsieur le comte de l’Isle désirerait avoir l’honneur de vous voir.
DONNA EUGÉNIE.Il en est bien le maître. (Jasmin sort) Ce ne serait point un parti à dédaigner ;c’est un homme de mérite ; mais son sérieux finit souvent parm’ennuyer. Il forme un contraste parfait avec le Chevalier, qui a dansl’esprit un peu trop de vivacité. Je voudrais cependant fixer mon choixsur l’un des deux : ils m’aiment l’un et l’autre, je le sais ; et je sais deplus qu’une rivalité déclarée… Mais j’aperçois le Comte.SCÈNE V.La même, le Comte DE L’ISLE.LE COMTE.Très-humble salut à madame Eugénie.DONNA EUGÉNIE.Votre servante, Monsieur. Donnez-vous la peine de vous asseoir.Pour vous obéir.LE COMTE.DONNA EUGÉNIE.Vous venez bien à propos ; j’avais besoin de compagnie.LE COMTE.Je m’estimerais trop heureux de vous pouvoir procurer un moment desatisfaction.DONNA EUGÉNIE.C’est l’excès de votre complaisance qui vous dicte ce langage obligeant.LE COMTE.Il sera toujours bien inférieur à votre mérite.DONNA EUGÉNIE.Toujours aimable, le comte de l’Isle !LE COMTE.Je voudrais l’être en effet, pour avoir le bonheur devons plaire.
DONNA EUGÉNIE.Votre société m’est toujours infiniment précieuse.LE COMTE.Je le crois, puisque vous le dites, Madame ; mais qu’est-ce que ma sociétépour un esprit comme le vôtre ?DONNA EUGÉNIE.Vous ne vous rendez pas justice. Heureusement pour vous, que vous parlezà quelqu’un qui sait à quoi s’en tenir.LE COMTE.Non, Madame, je parle franchement, et tout mon mérite se borne à meconnaître moi-même. Je sais tout ce que je perds au parallèle avec leChevalier : mais qu’importe ? Votre cœur me rassure autant que votreesprit, et je me flatte qu’au milieu de tous mes défauts, vousdistinguerez pourtant un fond de franchise inaltérable.DONNA EUGÉNIE.Ce n’est pas un petit mérite que la sincérité.LE COMTE.Il est souvent stérile auprès des autres.DONNA EUGÉNIE.Avez-vous à vous plaindre de moi ?LE COMTE.Je n’aurais pas l’audace de le dire.DONNA EUGÉNIE.Malgré votre silence, on voit bien que vous n’êtes pas content.LE COMTE.C’est un effet, sans doute, de la franchise dont vous venez de faire l’éloge.DONNA EUGÉNIE.En conséquence, cette même franchise ne me doit pas faire un mystère desmotifs de ce mécontentement.LE COMTE.Le plus grand plaisir que vous me puissiez faire, c’est de m’engager àparler.
DONNA EUGÉNIE.C’est mon cœur qui vous y invite.LE COMTE.Eh bien !je réponds à votre cœur, que, sans le tourment que me cause unrival, je serais le plus heureux des hommes.DONNA EUGÉNIE.Voilà la première fois que vous avez parlé aussi clairement.Ai-je parlé à temps, Madame ?Cela serait possible.LE COMTE.DONNA EUGÉNIE.LE COMTE.Mais le possible est un abyme, Madame, où s’égarent, confondues, mesespérances et mes craintes. Ce que je vous demande à présent, c’estquelque chose de positif.DONNA EUGÉNIE.Réfléchissez-y bien, et convenez que ce que vous me demandez n’est paspeu de chose.LE COMTE.Mais il me semble, si je ne me trompe, que ma demaade est très-modeste. Ily aurait de la témérité à réclamer votre faveur toute entière ; je me borneà vous demander si vous êtes maîtresse encore d’en disposer.DONNA EUGÉNIE.Mais si c’est un secret que je sois jalouse de garder, votre demanden’excède-t-elle pas les bornes de la discrétion ?LE COMTE.Vous avez le don, Madame, de vous faire entendre sans parler. Jecomprends très-bien que votre cœur est occupé.DONNA EUGÉNIE.Et, dans le cas où cela serait, devineriez-vous avec la même facilité l’objetqui l’occupe.
Non, Madame ; voilà le secret.LE COMTE.DONNA EUGÉNIE.Vous n’en pouvez donc pas conclure que vous soyez exclus.LE COMTE.Ni m’assurer non plus d’être le mortel favorisé.DONNA EUGÉNIE.Les cœurs discrets se contentent d’un motif quelconque d’espérance.LE COMTE.Oui, quand un motif plus puissant ne les fait pas trembler.DONNA EUGÉNIE.Et cette crainte, quel est donc son fondement ?Mon peu de mérite, Madame.LE COMTE.DONNA EUGÉNIE.Non, Comte : vous vous jugez mal.LE COMTE.Ajoutez à cela le caractère entreprenant de mon rival.DONNA EUGÉNIE.C’est une raison de plus qui m’offense.LE COMTE.Je vous en supplie, Madame, excusez-moi.Je vous excuse.DONNA EUGÉNIE.LE COMTE.C’est mon cœur enflammé qui égare ma langue…
Comte c’en est assez.DONNA EUGÉNIE.LE COMTE (à part.)Qu’il m’en coûte de modérer mes transports !DONNA EUGÉNIE.Ne précipitons point ma résolution.SCÈNE VI.Les mêmes, JASMIN, ensuite LE CHEVALIER.JASMIN (à part en entrant.)Voilà une visite dont monsieur le Comte se serait bien passé. (Haut)Madame, monsieur le Chevalier demande si vous êtes visible.DONNA EUGÉNIE.Faites entrer. Donnez un siége.(Jasmin va prendre un fauteuil.)LE COMTE.Madame, je ne veux pas vous importuner davantage. (Il se lève.)DONNA EUGÉNIE.Ah ! Comte ; gardez-vous de rien manifester de vos craintes.Mon respect…LE COMTE.DONNA EUGÉNIE.Asseyez-vous.LE COMTE (à part.)Je suis au supplice !LE CHEVALIER.Je salue très-humblement Madame. (Il lui baise la main.)
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