Victor Hugo et Paul Stapfer (2010)

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Compte-rendu d'une conférence sur V. Hugo et Paul Stapfer donnée à Pondichéry en juillet 2010 par Eric CHAMS.
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29 juin 2012

Nombre de lectures

111

Langue

Français

2
Paul Stapfer
1
. La plupart des
grands biographes d’avant-guerre
avaient puisé chez Stapfer, sans
toujours le citer, et surtout sans
toujours
contextualiser
son
témoignage. Mais le texte, qui avait
d’abord paru en revue en 1904
(c’est cette version de la
Revue de
Paris
2
que lira Proust), n’avait
connu qu’une seule édition en livre :
celle de 1905
3
. L’édition Massin
n’est
plus
guère
trouvable
aujourd’hui et il faut se référer
désormais à l’édition parue chez
Laffont-Bouquins à partir de 1985
sous la direction des éminents
Jacques Seebacher et Guy Rosa
4
pour accéder à l’ensemble de
l’oeuvre hugolien avec un texte
certes
mieux
scientifiquement
établi
mais avec en moins une
chronologie, un appareil critique et
une somme d’études thématiques
dues aux meilleurs hugoliens des
générations
précédentes
qui
rendent, selon Éric Chams, l’édition
de Jean Massin irremplaçable.
Le
conférencier
nous
détaille
sa
première rencontre avec les écrits
de Stapfer : hugolien depuis sa plus
tendre enfance, il est de ceux qui
souscrivent à l’édition Massin des
OEuvres complètes
dès l’âge de 15
ou 16 ans. C’est là qu’il découvre,
vers 1970, très sommairement
présenté, l’ouvrage cité de Paul
Stapfer. Les nombreuses lignes de
points indicatrices de coupures
l’intriguent, il se dit qu’il y reviendra
sans doute un jour mais, en même
temps, il est tout à sa découverte de
1
Au tome XIII (Pp. 1125 à 1173) de l’édition
Massin des
OEuvres complètes
(Club français
du Livre, 1969).
2
Revue de Paris
, 1
er
septembre 1904, pp.
113-136 ; 15 septembre 1904, pp. 390-414 ;
1
er
octobre 1904, pp. 560-586 et 15 octobre
1904, pp. 854-878.
3
Victor Hugo à Guernesey, souvenirs
personnels
.
Paris,
Société
française
d'imprimerie et de librairie, 1905. in-12, 253
pages.
4
Edition publiée avec le concours du Centre
National des Lettres par le Groupe
Interuniversitaire de Travail sur V. Hugo de
Jussieu (Paris 7).
l’oeuvre énorme de Hugo, des
études d’Yves Gohin, Jean Gaudon,
Leuilliot, Laster, Albouy, Guillemin,
Gely, Cellier, J.-B. Barrère, etc.
Ce ne sera que quelques années
plus tard, alors qu’il achève sa
licence de Lettres modernes à Paris
X-Nanterre, qu’il tombe, chez un
bouquiniste de province, sur un
autre ouvrage du même Stapfer :
Récréations
grammaticales
et
littéraires
(1909)
5
. Cette deuxième
rencontre, si l’on ose dire, décide
sans doute Éric Chams à pousser
beaucoup plus loin ses inves-
tigations sur cet auteur au point
d’en être devenu aujourd’hui le plus
grand spécialiste.
On pourrait croire, s’il a aussi peu
suscité
l’intérêt
du
monde
universitaire, que Paul Stapfer est
un personnage mineur de l’histoire
des lettres. C’est justement à
démontrer
le
contraire
que
s’emploie Éric Chams qui prépare la
réédition — cette fois intégrale —
des souvenirs de Stapfer sur Hugo
à Guernesey, accompagnée d’un
très important appareil critique. Car
Paul Stapfer fut, selon son nouveau
thuriféraire, non seulement l’un des
très rares témoins de la période de
la fin de l’exil hugolien en un temps
où, hormis la fidèle Juliette Drouet,
toute la famille Hugo avait quitté la
célèbre
demeure
d’Hauteville-
House, mais aussi un témoin d’une
grande érudition malgré son jeune
âge (Stapfer n’a que 26 ans lorsqu’il
rencontre Victor Hugo alors au faîte
de sa gloire) et surtout d’une rare
liberté critique devant un génie
aussi universellement consacré. La
chose, du reste, avait été relevée
par la majorité des biographes de
Hugo depuis Raymond Escholier
mais
de
façon
souvent
très
5
Armand Colin, In-12, 284 pages. Il s’agit là
d’un des rares ouvrages de Stapfer (avec
son
Montaigne
) à avoir connu une réédition
aussi tardive (5
e
édition : 1927).
cavalière. Éric Chams avance
quelques
explications
inédites :
chez les Stapfer, vieille famille
protestante d’origine suisse (le père
de Paul fut naturalisé Français dès
1820), il y aurait « comme une
hérédité du culte des grands
hommes » pour user d’une formule
aux
relents
schopenhaueriens :
chez les Stapfer, on est en effet en
relations étroites depuis la fin du
XVIII
e
siècle, avec des personnages
aussi
importants
que
Kant,
Napoléon, Maine de Biran, M
me
de
Staël,
Chateaubriand,
Goethe,
Guizot, Mérimée, etc. Paul Stapfer,
est-il, fort de l’expérience de ses
aïeux, moins impressionné en
présence de Hugo que ne le furent,
à des époques très différentes,
aussi bien un Théophile Gautier
qu’un François Coppée ? Tout
lecteur de Stapfer ne peut manquer
d’être
surpris
par
l’assurance
courtoise et respectueuse, voire
parfois discrètement narquoise, du
jeune homme qui enseigne le
français aux jeunes aristocrates du
Collège Elizabeth de S
t
Peter Port
devant l’empereur des lettres dont
les Misérables
n’ont été publiés que
quatre ans auparavant, faisant de
lui le premier écrivain vivant de la
planète. Hugo ne s’en formalise pas
et semble même s’en amuser
quelquefois et Éric Chams chiffre à
près de 40 les rencontres entre les
deux hommes entre 1866 et 1871
(Hugo et Stapfer se reverront
encore brièvement à Paris après la
chute du 2
nd
Empire).
On découvre dans ce témoignage
unique un Hugo peu poseur, assez
familier, éminemment discutailleur
du talent de certains de ses grands
prédécesseurs. Le travail annoncé
par Éric Chams se présente comme
fort important : il est le premier à
examiner jusque dans les plus
infimes
détails
chacune
des
diverses rencontres entre les deux
hommes ; celles-ci, si elles sont
3
souvent datées par Stapfer lui-
même (avec un certain nombre
d’erreurs
relevées
dans
le
remarquable
travail
méthodique
d’Éric Chams) n’apparaissent que
bien peu souvent dans le corpus
proprement
hugolien,
aussi
parfois entachées d’erreurs. Éric
Chams, en spécialiste accompli,
repère tout, aussi bien la moindre
anomalie chronologique que les
variantes du texte stapférien, va
jusqu’à vérifier un détail climatique
dans la presse de l’époque et il rend
hommage à cette occasion à
l’extraordinaire travail biographique
actuellement en cours mené par
Jean-Marc Hovasse
6
, une somme
biographique dont il n’hésite pas à
déclarer
qu’elle
« enterre »
pratiquement toutes les biographies
précédentes parues depuis plus
d’un siècle par son érudition, sa
précision, ses analyses et ses
grandes qualités littéraires : « Jean-
Marc Hovasse — que j’ai rencontré
il y a une douzaine d’années lors de
sa soutenance de thèse de doctorat
sur Hugo et les Parnassiens — me
fait l’amitié, dans son 2
e
tome, de
me
remercier
pour
quelques
communications
minimes ;
c’est
bien le moins que je puisse faire de
saluer en lui le brillant renouveau et
l’avenir de la recherche hugolienne.
Hélas pour moi, son 3
e
tome (où il
ne pourra pas ne pas évoquer la
figure de Stapfer) ne paraîtra que
d’ici quelques années ; ce qui nous
laisse libres, lui comme moi, d’agir
en toute indépendance sur ce
terrain
presque
en
friche… »
Rappelons
que
Jean-Marc
Hovasse, l’année du bicentenaire,
en 2002, était venu à Pondichéry
pour y évoquer le grand poète à
6
Tome 1,
Avant l’exil, 1802-1851
, 1366
pages (2001) ; tome 2,
Pendant l’exil, 1851-
1864
, 1285 pages (2008) ; un 3
e
et dernier
tome,
Pendant l’exil, 1865-1870
e
t
Après
l’exil, 1870-1885,
est attendu
« avant le
bicentenaire de Waterloo ». Chez Arthème
Fayard.
l’occasion de la sortie du 1
er
tome
de son imposante biographie.
Revenons à Paul Stapfer : après
avoir montré l’importance et la
qualité de son témoignage sur les
dernières années d’exil du poète à
Guernesey, Éric Chams indique que
Stapfer ne s’est pas contenté d’être,
à sa manière, un spécialiste de
Hugo (
Victor Hugo et la grande
poésie satirique en France
7
, Racine
et Victor Hugo
8
, Victor Hugo et
l’Affaire Dreyfus
9
) mais que son
apport dans les connaissances du
XVI
e
siècle
est
loin
d’être
négligeable
(Rabelais et Montaigne,
entre autres, furent pour lui de
beaux et originaux sujets d’études) ;
ses travaux très précis sur Molière,
Beaumarchais, Goethe, Sterne ou
Bacon, montrent l’étendue de sa
curiosité intellectuelle. Ses très
nombreuses études sur l’oeuvre de
Shakespeare lui valent une certaine
estime outre-Manche et outre-
Atlantique
marquée
par
de
constantes rééditions (les seules de
toute son oeuvre depuis la fin des
années 20, mais en traduction
anglaise…). Sa très longue carrière
universitaire
(menée
essen-
tiellement en province) s’acheva sur
son décanat de la faculté des
Lettres de Bordeaux. Et ce n’est
qu’à sa modestie et à son
désintéressement qu’il doit de
n’avoir pas obtenu la chaire de
littératures étrangères du Collège
de France et de n’être pas entré à
l’Académie française, lui qui avait
obtenu la chaire de littérature
française de la faculté de Bordeaux
en 1883, faisant échec au futur
célèbre critique Émile Faguet.
À
peu
près
complètement
oublié
7
Ollendorff, 1901. In-12, 349 pages (4
e
édition : 1910).
8
Armand Colin et Cie, 1886. In-12, 330
pages. (10
e
édition : 1922).
9
Discours prononcé à Pessac-sur-Dordogne
le 24 juin 1900.
Ollendorff, 1901, 41 pages.
pendant plus de soixante ans, le
nom de Paul Stapfer a ressurgi un
peu
dans
quelques
essais
historiques
au
moment
du
centenaire de l’Affaire Dreyfus, mais
sous le seul angle politique. Pour
s’être élevé contre le procès inique
dans un discours d’hommage au
recteur de l’université de Bordeaux
qui venait de mourir, le doyen
Stapfer fut révoqué pendant six
mois de son poste par le ministre de
l’Intérieur.
Cela
lui
valut
les
violentes
critiques
de
Charles
Maurras (qui n’aimait pas non plus
Hugo) et le soutien de Georges
Clemenceau, son cadet d’un an.
Stapfer
crut
même,
à
cette
occasion,
que
l’heure
de
sa
reconnaissance avait enfin sonné !
Puis le silence est retombé, et
Stapfer a poursuivi son oeuvre
jusqu’à sa mort, en pleine Première
guerre mondiale. Il mourra en 1917,
deux ans après le dernier enfant
encore en vie de Victor Hugo,
Adèle.
Éric
Chams
remarque
cependant entretemps la parution
d’une courte étude universitaire
d’Anne Simonin, au titre révélateur :
Esquisse d’une histoire de l’échec
L’histoire malheureuse
Des
Réputations littéraires
de Paul
Stapfer.
10
L’important travail d’Éric Chams,
presque terminé selon son auteur,
devrait enfin rendre justice à ce
grand critique tout en enrichissant
un peu plus les inépuisables études
hugoliennes.
C.-M. Ananda
(Nous remercions Éric Chams de nous
avoir
aimablement
communiqué
les
indications bibliographiques que nous
donnons en notes. Nous avons aussi
utilisé l’article
Paul Stapfer
de Wikipedia
dont il est l’auteur).
10
Revue d’histoire intellectuelle
, n°12, 1994,
pp. 111-128.
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