Le mot farnah- et les Scythes - article ; n°4 ; vol.131, pg 671-682
13 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
13 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres - Année 1987 - Volume 131 - Numéro 4 - Pages 671-682
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1987
Nombre de lectures 47
Langue Français

Extrait

Monsieur Pierre Lecoq
Le mot farnah- et les Scythes
In: Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 131e année, N. 4, 1987. pp. 671-
682.
Citer ce document / Cite this document :
Lecoq Pierre. Le mot farnah- et les Scythes. In: Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres,
131e année, N. 4, 1987. pp. 671-682.
doi : 10.3406/crai.1987.14544
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/crai_0065-0536_1987_num_131_4_14544COMMUNICATION
LE MOT FARNAH- ET LES SCYTHES,
PAR M. PIERRE LECOQ
Le mot farnah- est connu en Europe depuis l'Antiquité sous
la forme grécisée -cpèpvriç, ou -cppévyjç par étymologie populaire1.
Hérodote2 connaît les noms d'IvTacpépvYjç, 'ApToccppévrçç, OapavSàrrçç
(pour *<I>apva$àTY)<;)3, <î>apvà>a}<;, OapvàaTrrçç. Citons encore Aara-
«pàpvTjç chez Arrien, Tiacyaçépvyjç et Msyacpépvyjç chez Xénophon, etc.
Tous ces exemples, et bien d'autres encore, montrent sans équivoque
que le mot farnah- était largement répandu dans l'onomastique ir
anienne au moins dès le début du ve siècle avant notre ère et les
tablettes élamites découvertes sur le site de Persépolis sont venues
confirmer cet état de choses. Paradoxalement, dans les inscriptions
achéménides, le mot farnah- n'apparaît que un seul nom
propre: Vinda- farnah- (DB III, 84, 86, 88; IV, 83), mais la rareté
de ce mot dans le peu d'inscriptions que nous possédons n'a rien pour
surprendre.
Le mot farnah- a été très vite identifié avec l'avestique xvar?nah-,
qui désigne dans l'Avesta un principe lumineux, dont une des nomb
reuses fonctions est de symboliser le pouvoir royal légitime. Son
étymologie a été définitivement établie par J. Duchesne-Guillemin4
et elle fait maintenant l'unanimité8 : c'est un dérivé de av. hvar-
« soleil » (cf. skr. svar-), avec le suffixe -nah- (skr. -nas-, ie. *-nes-),
qui sert à former des noms d'objets que l'on possède6. Le xvargnah-
est donc une chose que l'on possède ou détient du soleil. Nous pou
vons, pour notre propos, le traduire par « splendeur, gloire,
1. Cf. G. Hûsing, ZDMG 54 (1900) 125-127 ; H. Hûbschmann, IF Anz. 8
(1898) 46.
2. Cf. R. Schmitt, Medisches und persisches Sprachgut bei Herodot, ZDMG
117 (1967) 119-145 ; le même auteur a consacré d'autres études aux noms ira
niens des sources grecques : SôAW 337 (1978) et Aclr 23 (1984) 459-472.
3. Cf. R. Schmitt, AAntH 24 (1976) 30.
4. J. Duchesne-Guillemin, Le « x^aranah », AION-L 5 (1963) 19-31, contre
l'étymologie et l'interprétation de H. W. Bailey, Zoroastrian Problems in the
Ninth-Century Books, Oxford, 1943 (2d éd. 1971) 1-77.
5. Cf. M. Boyce, A History of Zoroastrianism, II (HbOr I, 8, 1, Lief. 2, 2A),
Leiden-Kôln, 1982, p. 17, n. 23.
6. Cf. A. Meillet, MSL 15 (1908-1909) 259 ; J. Duchesne-Guillemin, op. cit.,
p. 25 ; H. W. Bailey, op. cit., p. 69-70 ; M. Mayrhofer, Kurzgef. Etym. Wb. des
Altindischen, III, Heidelberg, 1976, p. 564, s.u. svàrnarah.
1987 43 COMPTES RENDUS DE L* ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS 672
majesté7. » Pendant longtemps, la forme farnah- a été considérée
comme perse8, mais avec les progrès réalisés à la fin du siècle dernier
dans l'étude de la phonétique iranienne, on s'aperçut qu'un f en
perse ne peut correspondre à un xv (hv) de l'avestique9. Le trait
ement perse est en fait identique à celui de l'avestique, comme
l'atteste le pehlevi xwarrah. Pourtant, on n'en tira pas les conclu
sions qui s'imposaient et on continua de considérer farnah- comme
une forme perse, aberrante. J. Darmesteter10 parle de doublet, mais
Chr. Bartholomae11 se rapproche de la solution en envisageant une
« Dialektmischung ». Cette théorie un peu vague est reprise dans le
Grundriss der iranischen Philologie (1895-1 901 )12, sans qu'il y soit
précisé s'il s'agit de variation dialectale à l'intérieur du rameau
perse, ou d'un emprunt à un autre dialecte iranien. En 1911-1912
encore, A. Meillet13 pense que la forme farr s'était répandue à
l'époque arsacide, comme en témoigne l'arménien p'ar-k', et que
farnah-, attesté dans les textes manichéens que l'on venait de découv
rir, devait être une adaptation perse de la forme avestique. Dix ans
plus tard, G. Morgenstierne14 conteste la théorie de Meillet et fait
remarquer que farnah- est déjà attesté dans l'onomastique mède du
vme siècle avant notre ère, telle qu'elle est révélée dans les
documents assyriens. Il faut donc, écrit Morgenstierne, que farnah-
soit un emprunt au mède, ou même à un autre dialecte, ajoute-t-il
prudemment. Dès lors, la thèse de l'emprunt mède s'impose de plus
en plus.
Ce n'était pourtant pas la première fois que cette thèse était
formulée. Elle avait déjà été proposée par W. Foy à la fin du
xixe siècle15, mais elle n'avait pas trouvé d'écho, probablement parce
que le seul argument de Foy était que Vinda-farnah- est de souche
mède. Or, on avait déjà remarqué à cette époque que les noms
propres iraniens ne reflètent pas forcément l'appartenance linguis-
7. Comme on le sait, ce terme sera rendu en grec par nSx'*) ou 86i*a, en latin
par fortuna, en araméen par gd, en arabe par nûr, etc.
8. Encore, apparemment, par P. Horn, Grundriss der Neupersischen Etymo-
logie, Strassburg, 1893, p. 180 et même par H. Hûbschmann, Persische Studien,
Strassburg, 1895, p. 83 et 187.
9. Voir la vive critique de Horn par Fr. Mûller, WZKM 7 (1893) 377.
10. J. Darmesteter, Études Iraniennes, I, Paris, 1883, p. 95, n. 1 et dans Le
Zend-Avesta, I, Paris, 1892-1893, p. 7, n. 2.
11. Chr. Bartholomae, IF 1 (1892) 187-188.
12.GIP I, 1, p. 37, 89, n. 1 (aussi p. 183) : x? > f dialek-
tisch ; C. Salemann, ibid., I, 1, p. 260 ; P. Horn, ibid., I, 2, p. 54 et 77; seul-
W. Geiger, p. 423, fait allusion à la possibilité d'un emprunt mède.
13. A. Meillet, MSL 17 (1911-1912) 107-109.
14. G. Morgenstierne, AdOr 1 (1922-1923) 249-250.
15. W. Foy, KZ 35 (1897-1899) 4-5 ; voir aussi G. Hûsing, Die iranischen Eigen-
namen in den Achâmeniden Inschriften, Norden, 1897, p. 24, qui pense que les
inscriptions sont rédigées en mède, avec de nombreux mots perses. MOT FARNAH- ET LES SCYTHES 673 LE
tique de ceux qui les portent. Des Perses eux-mêmes peuvent avoir
un nom en farnah-. La science onomastique moderne confirme la
réalité de cette situation. Pour ne citer qu'un seul exemple bien
connu, le père de Darius, Vistâspa-, un Perse donc, porte un nom
dont le deuxième élément aspa- « cheval », n'est pas perse.
D'autre part, après la publication du Grundriss, on découvre de
nombreux documents en Asie centrale, rédigés en parthe, l'ancienne
langue des Arsacides, pratiquement inconnue jusqu'alors, et aussi,
des textes écrits dans un moyen perse pur de tout élément dialectal
allogène, à l'inverse du pehlevi, que l'on connaissait depuis long
temps. On prend alors conscience que tout le rameau linguistique
perse, depuis les inscriptions achéménides jusqu'au persan moderne,
en passant par le pehlevi, a vu son vocabulaire constamment pénétré
d'éléments dialectaux non perses16. Toutes les anomalies phonétiques
que l'on constate en vp. peuvent donc être attribuées au mède, de
même que celles du pehlevi, et du persan, s'expliquent par des
emprunts au parthe, que l'on commence maintenant à bien connaître.
Le mot farnah- est donc bien un emprunt au mède, comme
l'affirment désormais W. Lentz (qui attribue la paternité de cette
thèse à F. C. Andréas)17, F. Rosenberg18, E. Herzfeld19, H. H. Schae-
der20, E. Benveniste21, etc. Malgré le scepticisme de H. Reichelt22,
la théorie mède est clairement exposée dans la 2e édition de la
Grammaire du vieux-perse d'A. Meillet, procurée par E. Benveniste
en 193123 et elle occupera la place qui lui revient dans la grammaire
de Kent24, ainsi que dans le manuel de Brandenstein et Mayrhofer25,
où l'on trouvera une liste commode des « médismes » attestés dans les
inscriptions26. Certains aspects de la théorie mède ont été contestés

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents