Du nouveau sur un vieux thème. Les origines de la noblesse et de la  chevalerie - article ; n°1 ; vol.129, pg 186-200
16 pages
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Description

Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres - Année 1985 - Volume 129 - Numéro 1 - Pages 186-200
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1985
Nombre de lectures 28
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur Karl-Ferdinand
Werner
Du nouveau sur un vieux thème. Les origines de la "noblesse" et
de la " chevalerie"
In: Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 129e année, N. 1, 1985. pp. 186-
200.
Citer ce document / Cite this document :
Werner Karl-Ferdinand. Du nouveau sur un vieux thème. Les origines de la "noblesse" et de la " chevalerie". In: Comptes-
rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 129e année, N. 1, 1985. pp. 186-200.
doi : 10.3406/crai.1985.14253
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/crai_0065-0536_1985_num_129_1_14253COMMUNICATION
DU NOUVEAU SUR UN VIEUX THÈME.
LES ORIGINES DE LA « NOBLESSE » ET DE LA « CHEVALERIE »,
PAR M. KARL FERDINAND WERNER
Disserter même sur une seule des notions de « noblesse » ou de
« chevalerie » demanderait en principe des heures. Comment pour-
rais-je réussir la gageure de vous présenter en quarante minutes
les changements importants intervenus dans nos connaissances au
sujet de l'une et de l'autre ? La brièveté requise aura l'avantage de
vous épargner un long bulletin de recherches. Elle m'autorise à suivre
la trame de mes propres expériences en la matière, sans oublier de
rendre hommage à ceux qui indépendamment de moi sont arrivés à
des conclusions proches.
La noblesse a mauvaise presse en France. L'abolition de ses pré
rogatives ayant été la condition même de la naissance d'une France
moderne et républicaine, il en est resté la tentation de trop garder
les vues d'une période durant laquelle la noblesse était un danger à
combattre ou un ennemi récemment vaincu dont on se moquait des
vanités. La force brutale au début, le privilège injuste à la fin, tel
pouvait être le résumé de l'évolution politico-sociale d'une strate
qui devait être, dans cette vue, une classe essentiellement militaire
avant de devenir une classe inutile. Quant à ses origines, perdues dans
les ténèbres, on les rattachait ou à l'anarchie causée par les Bar
bares, ou à celle imputée à la féodalité — de toute façon, on y voyait
comme le résultat du règne du plus fort. Comparée à ce bilan
sinistre, la chevalerie, née surtout en France, pouvait représenter un
progrès relatif de civilisation. On y voyait volontiers une institution
par laquelle, sous l'influence de l'Église, ces bêtes brutes recevaient
enfin les premiers éléments d'idéaux plus élevés : les vertus de la
piété, de l'honneur, du respect devant la faiblesse de la femme, voire
du pauvre. Cela ne modifiait guère le jugement global qu'on portait
sur une période où l'on aurait vécu, comme d'autres sociétés primit
ives, à l'échelle de la famille et de la tribu — période dominée par
les liens du sang et complètement dépourvue du sens de l'État, de
l'administration, de toute chose publique. Certes, des manifestations
curieuses de cette noblesse militaire — armures brillantes et blasons,
châteaux forts et croisades — ont pu émouvoir les romantiques. Mais
les historiens sérieux, regardant en face les dures réalités d'une vie NOBLESSE ET CHEVALERIE 187
basée sur l'exploitation brutale des populations soumises à un
pouvoir personnel, n'hésitent pas : l'Europe de ces siècles-là avait
perdu, à part quelques débris ramassés et sauvés par l'Église, tous
les acquis de l'Antiquité ; elle était redevenue barbare jusqu'à l'essor
pénible vers l'État et la civilisation modernes.
Qui fréquente un peu le « Premier millénaire » observera que les
vues citées sur le Moyen Âge ne résistent pas à l'examen sur un point
précis : il n'est pas admissible de séparer les hommes d'Église des
grands laïques. Les uns sont les frères et les cousins des autres,
appartenant à la même strate. Parfois il s'agit même d'identité, en
décalage chronologique : au Bas Empire comme sous les Méroving
iens et Carolingiens, la dignité épiscopale ou abbatiale couronne
fréquemment le cursus honorum. Aussi bien une dame noble, après
avoir eu des enfants, pouvait-elle devenir Deo sacrata ou abbesse.
Au début du siècle, Aloïs Schulte découvrit l'appartenance à la haute
aristocratie de la presque totalité des évêques, chanoines, abbés et
moines du Saint-Empire, des Carolingiens au xme siècle. Depuis,
d'autres ont montré comment les évêques des Gaules, du ve au
vme siècle, étaient plus nobles encore, si possible. Le cliché d'hommes
d'Église appartenant plutôt au monde gallo-romain, de grands
laïques originaires plutôt du monde germanique disparaît également.
En effet, les Romains sont gouverneurs de province, voire chefs
militaires dès le milieu du vie siècle. Dans les poèmes de Fortunat,
on les voit à la cour d'Austrasie côtoyer les grands d'origine franque.
Peu après, les fils de ces derniers deviennent de pieux évêques et
abbés — puis, plus aucune distinction d'origine précise n'est poss
ible, tant est complète la symbiose des deux aristocraties.
Il faut donc éviter un procédé rétrospectif profondément ahisto-
rique, souvent usité en ce xixe siècle pourtant critiqué pour son
historicisme. On y jugeait sévèrement des périodes ne disposant pas
des mêmes richesses morales et intellectuelles. On s'accrochait trop
aux notions modernes, au lieu d'examiner l'évolution de la signif
ication des notions aux époques étudiées. Aujourd'hui, on attend de
ceux qui s'occupent — en commun avec les archéologues — du
haut Moyen Âge, d'avoir fréquenté les sources du Bas-Empire. Du
coup, tout change. Les institutions, la société, l'État qui ont précédé
en Gaule le royaume franc, font apparaître les dures réalités du
monde romain. On constate que des phénomènes « typiquement
médiévaux » proviennent du Bas-Empire, comme Vadscriptio glebae
des paysans, ordonnée par la législation impériale du ive siècle, ou
l'hérédité forcée des métiers urbains — tous victimes des soucis
fiscaux de l'administration romaine. Pourquoi n'y aurait-il pas des
racines comparables de l'aristocratie ? Poser cette question se heurt
ait à une quasi-certitude : l'Empire d'Occident avait été détruit COMPTES RENDUS DE L'ACADEMIE DES INSCRIPTIONS 188
par les Germains. S'il y avait une aristocratie, elle devait donc être
profondément germanique et appartenir à un univers différent.
P. Guillermoz, auteur en 1902 du premier grand ouvrage sur L'ori
gine de la noblesse en France au Moyen Âge admettait l'existence
sous le Bas-Empire d'une noblesse héréditaire avec ses trois strates
des clarissimi, spectabiles et illustres, la « classe sénatoriale ». Mais il
était formel quant à son sort : « Les conquérants barbares lui enle
vèrent l'existence juridique, et après s'être survécu quelques temps
comme aristocratie, elle disparut sans laisser de trace. » Marc Bloch
devait souscrire à ce verdict, et récemment encore, un éminent spé
cialiste, André Chastagnol, évoquait la célèbre phrase de Sidoine
Apollinaire : iam remotis gradibus dignitatum... solum erit posthac
nobilitatis indicium litteras nosse. S'appuyant sur les travaux de
Karl Friedrich Stroheker, il soulignait le tarissement de la source
de nouvelles nominations de clarissimi, de sénateurs en Gaule : il
n'y avait donc plus rien que des « héritiers » se perdant dans l'aristo
cratie franque.
La phrase de Sidoine Apollinaire ne contient-elle pas un argument
irréfutable de la profonde séparation des deux mondes ? Le moyen
de l'ascension politique dans l'Empire avait été une excellente
formation surtout rhétorique, reçue dans les écoles. Dans le monde
médiéval, ne trouve-t-on pas, sous l'influence germanique, un idéal
tout à fait différent, celui du guerrier ? La chevalerie, n'en est-elle
pas l'expression vivante ? Quand la vie pour cette classe était la
chasse et la guerre, ne reflète-t-elle pas la vie des Germains ? Si enfin
Richard van Diilmen, spécialiste du

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