Le sentiment de la nature dans l art au XVIIe siècle - article ; n°1 ; vol.6, pg 41-48
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1954 - Volume 6 - Numéro 1 - Pages 41-48
8 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1954
Nombre de lectures 53
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Alfred Marie
Le sentiment de la nature dans l'art au XVIIe siècle
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1954, N°6. pp. 41-48.
Citer ce document / Cite this document :
Marie Alfred. Le sentiment de la nature dans l'art au XVIIe siècle. In: Cahiers de l'Association internationale des études
francaises, 1954, N°6. pp. 41-48.
doi : 10.3406/caief.1954.2045
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1954_num_6_1_2045SENTIMENT DE LA NATURE DANS L'ART LE
AU XVIP SIECLE
Communication de M. ALFRED MARIE
au Ve congrès de l'Association, à Paris,
le 2 septembre 1953
Le XVIIIe siècle a la réputation d'avoir introduit dans la
manière de sentir et de vivre le sentiment de la nature que l'on
ne comprenait pas auparavant. C'est un sujet classique de disser
tation française, en fin d'études. Généralement on s'accorde à
dire que le XVIIIe siècle français a ignoré la nature, la campagne,
dont les beautés calmes, paisibles ou mouvementées n'ont été
découvertes que sous l'influence des Anglais et, à leur suite, des
Encyclopédistes.
Il est naturel, et on le constate facilement, que chaque générat
ion ait une manière particulière à elle de considérer tous les
problèmes et que souvent elle prenne le contrepied de la générat
ion qui l'a précédée. Est-ce donc blâmable que nos pères n'aient
pas eu nos yeux ?
Cependant nous n'aurons pas recours aux exemples littéraires
typiques et connus fournis par La Fontaine et Madame de Sévigné,
l'un dans ses fables, et tous les deux dans leurs correspondances,
car il serait aisé de trouver dans ces auteurs des marques évidentes
qu'ils ont l'un et l'autre goûté, comme nous le faisons encore les
beautés et les charmes de la nature.
Madame de Sévigné, en principe, n'écrivait qu'à ses amis, avec
qui elle savait se trouver en confiance, mais La Fontaine se faisait
éditer et nous n'avons aucune preuve que tout ce qu'il a pu dire
ait en quelque manière que ce soit provoqué l'étonnement, la
surprise ou la réprobation chez ses lecteurs, qui étaient donc capa
bles d'éprouver des réactions semblables aux siennes.
Ce qui est vrai pour la littérature l'est aussi pour l'art et en
particulier pour celui des jardins dont je souhaiterais vous parler
maintenant.
Il faut avant toutes choses noter que les gens du grand siècle, 42 LE SENTIMENT DE LA NATURE
même habitants de grandes villes, avaient des habitudes de vie
bien différentes des nôtres. Quelle comparaison peut-on faire
entre le Paris de Louis XIV et celui dans lequel nous vivons ?
Infiniment moins étendu qu'aujourd'hui, Paris avait la campagne
à ses portes et, peut-on dire, en lui-même. Les couvents étaient
fort nombreux et possédaient les uns et les autres de grands jardins,
des vergers, des potagers; les hôtels avaient également les leurs.
Les plans anciens montrent cela avec évidence et les vues de
l'époque : un dessin de la collection Gaignières ne fait-il pas
voir un potager dans le jardin de l'hôtel de Sens, dans un des
quartiers les plus habités.
Une promenade à pied menait aisément, rapidement, sans ef
forts, en pleins champs. Un demi-siècle plus tard, Rousseau
nous en donnera maintes preuves dans les Rêveries d'xm promeneur
solitaire quand il parcourt les abords immédiats de Paris.
Le roi passe une partie de ses journées à la chasse, les seigneurs
le suivent ou l'imitent; qu'elle soit à courre, au vol ou à tir ne
sont-ils pas obligé de traverser les champs, les prés, les bois et ne pas ainsi en communion intime et prolongée avec la vraie
nature, la campagne, les étangs, les rivières dans lesquelles si
souvent le cerf aux abois se réfugie à la fin de sa chasse ?
Ces gens du XVIIe siècle, ne sont donc pas comme nous
obligés de vivre dans des villes tentaculaires où, si loin que le
regard porte, si loin que les moyens de transports nous emmènent,
nous ne voyons que maisons succédant aux maisons, sans jamais
apercevoir le moindre coin de vraie nature, d'arbres poussant libr
ement, d'herbe, de ruisseaux; de tout cela nous ne voyons ordinai
rement que les arbres plantés dans nos avenues, taillés, élagués
par les services de la ville, le gazon bien tondu et les fleurs four
nies par les pépinières municipales, les lacs du Bois de Boulogne.
Il est naturel que nous souhaitions nous évader de ces vues
urbaines vers la campagne, bien loin du centre de la ville, au-delà
de la banlieue qui s'étend de jour en jour, ce dont nos ancêtres
n'éprouvaient pas le besoin puisque cette nature participait à leur
vie quotidienne.
Pour nous, c'est un besoin physique qui nous fait rechercher
l'air pur et nous conduit aussi loin que possible de ce qui nous
entoure d'ordinaire, vers non seulement la campagne, mais la mer
et la montagne dont l'éloignement fait qu'au XVIIe siècle on ne
les mentionne guère.
Les hommes alors avaient une vie assez proche de celle menée
encore de nos jours par les paysans intimement mêlée à la nature.
Peut-on penser que les habitants de nos campagnes soient sensibles
aux beautés de la nature comme nos citadins ? Ils sont capables de
goûter un beau jour, une belle vue, mais, je pense, avec souvent A. MARIE 43
une arrière-pensée utilitaire : beau ou mauvais temps, exposition
plus ou moins favorable. Que seront la culture, la moisson, les
fruits, les légumes, la vendange ? C'est bien souvent ce qui inté
resse Louis XIV quand il parle des fruits de la terre, de ce que
sera la récolte, de tout ce qui écartera le spectre de la famine
toujours crainte et redoutée. C'est une manière en quelque sorte
détournée et seconde d'admirer la chaleur de l'été, la beauté des
blés mûrs, la verdure des prairies, l'or et la rouille des forêts à
l'automne, tout ce qui concourt aux tableaux incessamment variés
et changeants composés par la nature pendant le cycle perpétuelle
ment renouvelé des années.
Même dans les jardins et les parcs qui entourent les châteaux
le plaisir de cette vue est encore satisfait ; si les abords immédiats
de la demeure sont conformes au goût prononcé que Ton a alors
pour tout ce qu'obtient l'industrie, l'art et l'ingéniosité humaines,
la libre nature n'est jamais très loin; tous les jardins n'ont pas la
dimension de ceux de Versailles et même là encore que voit-on
des fenêtres du château ? La parfaite harmonie créée des parterres
et des premiers plans est bordée assez vite par les bois naturels qui
entourent la pièce d'eau des Suisses à gauche, la forêt qui s'étend
jusqu'à Marly à droite derrière les bassins si proches, et au centre
le canal est lui aussi encadré par les bois, masse naturelle percée
d'allées, et le tout s'achève sur une immense trouée, ouverture sur
la nature vraie, non arrangée, où seul le laboureur laisse la trace
de son effort quotidien, les champs, les pâtures, et partout les
doux vallonnements de l'Ile de France.
Si cette vue agreste n'avait pas eu de charme pour le roi, il
lui eût été bien facile de la supprimer en enfermant tout le parc
de murs continus, ou en terminant le canal par un bâtiment, un
point de vue d'architecture. Beaucoup d'architectes, surtout étran
gers, ont conçu pour la colline de Satory et pour l'extrémité du
Grand Canal de superbes projets, palais du Soleil, ou d'Apollon,
ou des Muses, gigantesques constructions que Louis XIV a
écartées.
Au contraire, pour ne pas se priver de la vue de ces champs
soi-disant désagréables, importuns et gênants, chaque allée des
jardins se termine par une ouverture grillée du mur de clôture et
en 1700, dans l'addition dernière ajoutée au parc du Grand Tria-
non, ces grilles mêmes sont supprimées, elles sont remplacées par
des fossés secs dits Ha-Ha, dont la raison est de ne pas arrêter le
regard même par de simples barreaux de grilles et de donner
l'impression au promeneur que tous ces champs font partie du
jardin.
Le grand jardinier Le Nôtre est souvent imaginé par nos con
temporains toujours muni d'une règle et d'une équerre, cherchant LE SENTIMENT DE LA NATURE 44
à tout réduire en figures géométri

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