Chateaubriand et le thème de la mer - article ; n°1 ; vol.21, pg 193-208
17 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Chateaubriand et le thème de la mer - article ; n°1 ; vol.21, pg 193-208

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
17 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1969 - Volume 21 - Numéro 1 - Pages 193-208
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1969
Nombre de lectures 55
Langue Français

Extrait

Maija Lehtonen
Chateaubriand et le thème de la mer
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1969, N°21. pp. 193-208.
Citer ce document / Cite this document :
Lehtonen Maija. Chateaubriand et le thème de la mer. In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1969,
N°21. pp. 193-208.
doi : 10.3406/caief.1969.935
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1969_num_21_1_935CHATEAUBRIAND ET LE THÈME DE LA MER
Communication de Mlle Maija LEHTONEN
{Helsinki)
au XXe Congrès de V Association, le 26 juillet 1968.
Il ne saurait être question, dans ce bref exposé, de sonder
toutes les profondeurs de mon sujet. En marge de tout ce
qui a déjà été dit sur Chateaubriand et la mer (1), je vous pro
poserai quelques observations sur le thème de la mer no
tamment dans les Mémoires d 'Outre-Tombe, et sur la manière
dont il se rattache à quelques autres thèmes essentiels de
l'œuvre de Chateaubriand. Mon propos sera donc assez
limité.
On peut suivre l'évolution du thème de la mer depuis les
Tableaux de la Nature et aussi depuis Y Essai sur les Révolut
ions, où les descriptions du voyage en Amérique représen
tent un élément personnel. Dans le Génie du Christianisme,
des visions métaphysiques et fantastiques se rattachent à ce
thème. Depuis René, la mer sert d'image à des expériences
psychologiques. Elle joue un rôle essentiel dans la structure
des Martyrs, comme cadre symbolique de l'action. Dans
Les dans le Voyage en Italie et surtout dans Vlti-
(1) Cf. Rosa Vallese, Le thème de la mer dans l'œuvre de Chateaubriand,
Napoli, 1934, livre utile surtout pour la recherche des sources ; Jean
Mourot, Le Génie d'un Style, Paris, i960, passim ; J.-P. Richard, Paysage
de Chateaubriand, Paris, 1967, p. 113-115.
13 MAIJA LEHTONBN 194
néraire, la mer commence à évoquer des souvenirs person
nels et historiques.
Dans la structure des Mémoires d'Outre-Tombe, ce thème
est un élément important. Dès le début, le lecteur est amené
à considérer l'océan comme l'image de Chateaubriand et de
sa destinée. On pourrait étudier l'art avec lequel les scènes
et images marines sont distribuées à travers le livre, en notant
par exemple la symétrie des trois grandes scènes de grève :
au début, la grève de Saint-Malo, paysage de l'enfance ; à la
fin de la première moitié des Mémoires, la nuit sur la plage
du Golfe Juan, avec ses méditations historiques ; et vers la
fin du livre, les grèves du Lido qui voient l'amertume du
vieux René. Notons également le rôle de la mer dans cette
technique de « surimpression », de superposition de plu
sieurs couches temporelles, qui caractérise les Mémoires (2).
Des relations subtiles s'établissent entre le plan descript
if et le plan psychologique. Au paysage extérieur, se juxta
pose un paysage intérieur. Une scène concrète se transforme
facilement en symbole ; de nombreuses métaphores varient
le thème de la navigation sur la mer du monde.
La mer est immensité horizontale et verticale, « désert »
et « abîme » à la fois (notons que ces deux mots désignent
également l'âme de René !) A ces deux dimensions s'ajoute
la profondeur du ciel (surtout du ciel nocturne), qui joue un
rôle important dans les scènes marines de Chateaubriand. Il
sent «l'immensité sur sa tête et l'immensité sous ses pieds» (3).
La vie flotte ainsi entre deux immensités. L'abîme peut
(2) Par un jeu compliqué d'associations, la mer ouvre à Chateaubriand
des perspectives sur son propre passé et, souvent en même temps, sur des
souvenirs historiques. Parfois il pense, au bord de l'Océan, à l'autre rive
et aux souvenirs qui s'y rattachent (Mémoires d'Outre-Tombe, édition du
Centenaire, Paris, 1950, t. III, p. 410-41 1). Un endroit différent peut
rappeler une mer qu'il a vue autrefois (M.O.T., IV, 124). Une hirondelle
rencontrée à bord d'un vaisseau, les étoiles contemplées sur la mer dé
clenchent la mémoire affective (Les Martyrs, Œuvres complètes, éd. Lad-
vocat, Paris, 1827, t. XVIII, p. 110 ; Itinéraire de Paris à Jérusalem, éd.
Malakis, Baltimore-London-Paris, 1946, t. II, p. 17). Parfois l'association
paraît tout à fait capricieuse, comme quand Chateaubriand, à propos d'une
réunion politique qui l'ennuie, songe à la Méditerranée (M.O.T., III,
27-28).
(3) M.O.T., I, 261. — Pour rendre la perspective, Chateaubriand re
garde volontiers la mer d'un point élevé (M.O.T., I, 81 ; I, 256 ; II, 68 ; CHATEAUBRIAND ET LE THÈME DE LA MER 195
engloutir, mais il porte aussi sur sa surface de frêles êtres
vivants. Chateaubriand imagine avec plaisir cette vie flot
tante, depuis l'alcyon dans son nid jusqu'aux insectes mi
nuscules autour de Sainte-Hélène, qui confient leur destin
à l'Océan et « allument à la surface de l'abîme les illumina
tions d'une noce universelle » (4).
Dans des images qui sont des plus caractéristiques, Cha
teaubriand peint la vie humaine comme flottant sur un abîme
où l'on ne peut ni s'arrêter ni fonder une demeure fixe, comme
poussée par son propre désir, comme consciente de la sub
mersion finale. L'inconstance est la qualité essentielle de la
condition humaine comme de la mer :
. . . Ainsi se croisent dans les vents et sur les flots les incons
tantes destinées humaines ; riantes ou funestes, le même
abîme les porte et les engloutit (5).
. . . Navigateur, mes destinées ont eu l'inconstance de ma
voile ; alcyon, j'ai fait mon nid sur les flots (6).
La vie flottante, déracinée, signifie libération, aventure,
mais aussi séparation, isolement. Si le navigateur ne peut se
passer de l'élément inconstant, il a pourtant, en même temps,
la nostalgie de la terre. Mais le rivage heureux le fuit :
Que de fois on passe dans la vie à côté de ce qui en ferait le
charme, comme le navigateur franchit les eaux d'une terre
aimée du ciel, qu'il n'a manquée que d'un horizon et d'un
jour de voile ! (7).
II, 228 ; III, 256 ; IV, 409) ; ou bien il note les lignes, les courbes chan
geantes des flots, les mouvements de la brume sur la surface de l'eau
(M.O.T., I, 266). Une manière de créer la perspective est encore de pré
senter une vue encadrée : « Le globe du soleil, prêt à se plonger dans les
flots, apparaissait entre les cordages du navire au milieu des espaces sans
bornes » (M. О -T., I, 272). — Sur la mer nocturne, les contours dispa
raissent et l'infini se fait mieux sentir. Les lumières allumées dans les mai
sons du rivage représentent le calme et la sécurité que le navigateur sur
l'océan obscur est obligé de quitter (cf. René, éd. Weil, Lille-Genève,
1947, p. 74-75 ; M.O.T., I, 49 ; I, 244). La lune a des liens étroits avec la
mer, elle lui communique son « grand secret de mélancolie» (Atala, éd.
Weil, Paris, 1950, p. 115), elle est « gouvernante de l'abîme » (M.O.T., I,
61).
(4) M.O.T., II, 655.
(5)III, 369-370 ; (5) (6)III, I, 2. 369-37? Cf. M.O.T., : cf. M.O.T.,_ I, s ; Itinéraire, I, 258. I, 155. — Chateau-
briand exprime sa première désillusion par les mots : « On ne bâtit point
de palais sur la mer » (M.O.T., I, 356).
(7) M.O.T., I, 478. MAIJA LEHTONEN 196
Ou bien il est obligé de s'en éloigner malgré lui :
. . . Hâtons-nous de peindre ma jeunesse, tandis que j'y
touche encore : le navigateur, abandonnant pour jamais un
rivage enchanté, écrit son journal à la vue de la terre qui
s'éloigne et qui va bientôt disparaître (8).
Les images que Chateaubriand s'applique le plus volont
iers sont précisément celles du navigateur et du voyageur ;
fréquente est aussi celle de l'oiseau. Il est Ulysse, il est un
matelot (parfois mis à terre), il est le capitaine d'un vaisseau
qui a fait naufrage, ou celui de la barque de sauvetage de
Henri V ; il est le chien hollandais du vaisseau de la Légi
timité, il est l'alcyon ou l'oiseau de la tempête. Toutes ces
métaphores et bien d'autres traduisent l'expérience d'une
vie dynamique, inquiète, toujours en mouvement, toujours
en quête de nouveautés.
Dans l'ensemble, les images mettent

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents