Pour une littérature « poéthique » aujourd’hui / Questions de poétique
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A partir d'un débat sur facebook : La critique idéologique […] s’est subtilisée ou demande à l’être ; et l’analyse sémiologique, inaugurée […] par le texte final des Mythologies, s’est développée, précisée, compliquée, divisée ; elle est devenue le lieu théorique où peut se jouer, en ce siècle et dans notre Occident, une certaine libération du signifiant1.
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Langue Français

Extrait

Questions de poétique autour de la
notion de genre… jusqu’au poème
pensif de James Sacré
22 décembre 2012
Par Serge Martin
Ce qui suit n’a jamais été publié : c’est une
communication faite pour le colloque organisé par le
Centre Pluridisciplinaire de Sémiolinguistique
Textuelle, les 3-4-5 décembre 1998 à l’Université de
Toulouse-le-Mirail sur le thème : “Analyse des
discours : textes, types et genres” - colloque
non publié…

Nihil est in lingua quod non prius fuerit in oratione.
Émile Benveniste[1]
Cette phrase qui nous entraîne (…).
Paul Claudel[2]
La transformation est notre infni, on ne peut faire
fond sur quoi que ce soit qui ne se transforme, et on
n’est que successivement.
Henri Michaux[3]
Un écrivain de génie aujourd’hui a tout à faire. Il
n’est pas beaucoup plus avancé qu’Homère.
(…)
Chez un écrivain, quand on tient l’air, les paroles
viennent bien vite.
Marcel Proust[4]
1. En écho à un colloque précédent
Voir le billet :
http://umwblogs.org/wpcontent/uploads/language_world_cloud.jpg&imgrefur
l= Voir
également : http://home.jps.net/~nada/language1.ht
m
En 1991, la Faculté des Lettres et des Langues de
l’Université de Poitiers organisait un colloque : “La
Dynamique des genres”[5]. Une communication y
était consacrée aux “poètes du langage” – et on
pourrait se demander quel poète n’est un poète du
langage[6] ! À partir d’un seul exemple,
apparemment des plus signifcatifs, Thomas
Pughe[7] résumait les caractéristiques du nouveau
genre de poème dont il s’agirait :
1) Il masque systématiquement ce à quoi il se réfère
et qui plus est, il joue de façon ironique sur la notion
même de référentialité ; 2) Il décentre le sujet
du/dans le poème ; 3) Il s’interroge sur lui-même, il
est méta-poétique.”[8]
Admettons ! De quoi s’agit-il ? Rien de moins que ce
que l’on trouve partout ailleurs dès qu’en poésie on
parle de difcultés de lecture, d’obscurité pour l’interprétation, de polysémie, d’écart, etc. Et Pughe
insistait pour souligner la part active du lecteur, du
récepteur :
En co-créant le poème, le lecteur construit l’histoire
de sa relation avec celui-ci. L’expérience de lecture
que nous y gagnons est libératrice et agréable, mais
elle nous force aussi à nous interroger sur les
conventions qu’il nous faut abandonner, les pertes
que nous subissons, pour arriver à de tels plaisirs
textuels.[9]
Certes, il s’agit bien d’apercevoir, et de reconnaître
au principe de ce courant poétique, une recherche
de la dépersonnalisation, autre chose que
“l’expression d’une volonté subjective singulière” à
laquelle la tradition lyrique romantique voulait
peutêtre réduire la poésie. Mais c’est pour retrouver au
fond la même conception du langage : “c’est cette
dualité, ou même cette simultanéité, de la liberté à
l’égard des conventions et de la complicité qui (…)
défnit le mieux la culture post-moderniste”[10],
Pour retrouver donc toute la culture traditionnelle
qui fait de la poésie un jeu avec la norme, la
convention, ou, si l’on préfère, un écart stylistique.
Aussi je ne vois pas pourquoi “les poètes du langage
(seraient) difciles à comprendre”[11] car
“l’abandon du paradigme lyrique-subjectif” n’est pas
ldon dugme du signe. Thomas Pughe le
prouvait doublement dans sa conclusion : “(…)
J’espère avoir montré qu’en décelant dans le fux
verbal des «îlots» de sens, et en créant des ponts
entre eux – c’est-à-dire en cherchant les ironies du
texte – on obtient un point d edépart
prometteur.” Rien de bien prometteur dans une telle
lecture qui voulait faire du continu avec du
discontinu et ceci hors du poème : lire n’est pas réécrire un poème. À moins que Thomas Pughe ait
eu une croyance trop forte dans les déclarations très
réalistes des poètes du langage qui croient faire
disparaître le sujet du poème en ne disant pas “je”
et qui confondent le sujet du poème avec le “moi”
du poète. Confusions fort anciennes quoiqu’elles
prétendent au label “neo-new”. Le post-modernisme
américain et ses commentateurs n’ont visiblement
pas encore changé “la poésie” : le moderne, au sens
de Baudelaire, n’est pas automatiquement au
rendez-vous du modernisme.

2. Comment peut-on encore parler de poétique
des genres ?
On pourrait commencer par une analogie avec
l’ethnologie de Marcel Mauss et son commentaire
par Claude Lévi-Strauss. La poétique des genres, si
poétique des genres il doit y avoir, devrait ne pas
être une simple réintégration à un niveau supérieur
des aspects discontinus de l’analyse des textes et
des discours. Elle devrait aussi “s’incarner dans une
expérience individuelle, et cela de deux points de
vue diférents : d’abord dans une histoire
individuelle qui permette d’«observer le
comportement d’êtres totaux, et non divisés en
facultés» ; ensuite dans ce qu’on aimerait appeler
(…) une anthropologie, c’est-à-dire un système
d’interprétation rendant simultanément compte des
aspects (…) de toutes les conduites (…)”[12]. Il ne
s’agit pas de faire se rencontrer sur la table de
dissection la critique, vouée au particulier, aux
espèces, et la poétique, consacrée au général, aux
essences ! Il s’agit de reconcevoir l’une et l’autre, ce
qu’il faudrait peut être désigner comme une
poétique critique, à l’aune d’une ambition qui est bien la prise en compte du fait littéraire total, du fait
langagier total, pour reprendre la terminologie de
Mauss. Autrement dit c’est la tenue simultanée
d’une “histoire individuelle”, d’une poétique
expérientielle, et d’une “anthropologie”, qui permet
une poétique comme anthropologie historique du
langage.
Ce qui me semble aux antipodes de la démarche
proposée par Jean-Marie Schaefer (dans Gérard
Genette, 1986). Renvoyant le genre “au champ des
catégories de lecture” (199), il sépare la “généricité
classifcatoire” et “la généricité textuelle” en
multipliant les classes et sous-classes techniques
(“généricités métatextuelles”, “notations
paratextuelles”, “stratégie discursive explicite liant
un hypertexte à son hypotexte”, “contrat
hypertextuel”, “relation architextuelle”) pour en fn
de compte tout renvoyer, ou presque, au “caractère
éminemment institutionnel de la littérature”. Puis
Jean-Marie Schaefer relie la transformation
générique à la stylistique de l’écart (203). Aussi
propose-t-il la notion de “classe textuelle (…) par
rapport à laquelle le texte en question s’écrit” (204).
Mais on passe d’un absolu à un autre : si le genre
ancien laisse place au genre nouveau comme
“confguration historique concrète unique” et donc
se voit historicisé, la généricité comme “relation
textuelle possible”, quant à elle, “est de tous les
temps et de tous les lieux” (205). La tendance à
l’abstraction l’emporte sur l’attention aux problèmes
de l’écriture. Et en avouant in fne que “pour juger
réellement de la valeur éventuelle des suggestions
qui précèdent il faudrait les mettre en œuvre dans
des études concrètes” (205), Schaefer réitère la
distinction habituelle faite entre les études théoriques et les études concrètes, distinction
sousjacente à toute sa démarche et à sa conception du
langage : une topique plutôt qu’une poétique des
discours, et parmi eux des œuvres. Une théorie des
genres, ancienne ou nouvelle approche, qui se
réduirait à ofrir une chambre d’échos aux
convent

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