A propos du déboisement des Alpes du Sud - article ; n°237 ; vol.42, pg 266-277
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Description

Annales de Géographie - Année 1933 - Volume 42 - Numéro 237 - Pages 266-277
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1933
Nombre de lectures 26
Langue Français

Extrait

Thérèse Sclafert
A propos du déboisement des Alpes du Sud
In: Annales de Géographie. 1933, t. 42, n°237. pp. 266-277.
Citer ce document / Cite this document :
Sclafert Thérèse. A propos du déboisement des Alpes du Sud. In: Annales de Géographie. 1933, t. 42, n°237. pp. 266-277.
doi : 10.3406/geo.1933.10533
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/geo_0003-4010_1933_num_42_237_10533266
A PROPOS DU DÉBOISEMENT DES ALPES DU SUD
{Premier article)
Depuis près d'un siècle que l'ingénieur Surell, témoin de la situa
tion tragique des populations de l'Embrunais, dénonçait la destrucdes bois comme la principale cause des ravages torrentiels et
préconisait le repeuplement des montagnes comme le plus sûr remède,
la question du déboisement n'a cessé de passionner, à la fois, les fores
tiers, les botanistes, les géographes, comme une question qui domine
non seulement la vie présente, mais tout l'avenir économique des
Alpes du Sud.
I
Les recherches faites de part et d'autre ont abouti à des conclu
sions contradictoires. Les uns, convaincus que la nudité de cer
taines vallées a pour cause essentielle, comme le pensait Surell, une ex
ploitation immodérée par des populations insouciantes ou besogneuses,
sont prêts à tout tenter pour redonner à la montagne la protection
qu'elle a perdue. Ils vont très loin dans leurs affirmations, puisqu'ils
n'hésitent pas à déclarer que toutes les parties aujourd'hui découv
ertes, quelle que soit leur altitude, étaient jadis couvertes de bois.
« Les gazons formant aujourd'hui des pelouses continues au-dessus
des forêts, dit Demontzey, ne sont que les témoins de l'existence des
forêts supérieures qui ont disparu par le fait de l'homme1. »
D'autres, au contraire, attentifs aux difficultés qu'éprouve le ser
vice forestier dans son œuvre de reboisement, se fondant, d'autre
part, sur les lois du développement des espèces végétales, affirment
que la nudité actuelle des Alpes méridionales s'explique uniquement
par des conditions naturelles de sol et de climat, que l'homme est
impuissant à modifier : les Alpes du Sud ne fournissent aux arbres
ni un sol assez profond pour assurer leur croissance, ni une quantité
d'eau suffisante pour distribuer les sels alimentaires indispensables
à leur développement. Selon eux, partout où la montagne se présente
aujourd'hui nue et désolée, on ne l'a jamais vue autrement : les forêts
actuelles sont sur l'emplacement de forêts plus anciennes qui se sont
renouvelées d'elles-mêmes au cours des siècles ; c'est donc une erreur
de rendre les populations responsables d'un état qu'elles n'ont pu
créer, c'est, d'autre part, une chimère de vouloir rétablir ce qui n'a
pas existé.
1. Paul Demontzey, Étude sur les travaux de reboisement et de gazonnement des
montagnes, Paris, 1878, p. 249. LE DÉBOISEMENT DES ALPES DU SUD 267
II est manifeste que les conditions naturelles sont primordiales ;
mais n'y a-t-il pas lieu de se demander si l'homme est un élément
tout à fait négligeable, ou si son activité multiséculaire sur un même
sol n'a pas réussi à en altérer les caractères et à créer des aspects
qui, pour nos yeux ignorants, paraissent primitifs et éternels ? Les
observations récentes des explorateurs et des géographes suffiraient
à éveiller quelques doutes. Pour prendre un exemple entre dix, la
colonisation européenne à Madagascar a entraîné, en vingt ans, selon
Mr Perrier de la Bathie, la destruction de 4 millions d'hectares de
forêts x. Cette rage de deforestation, qui a dénudé la plus grande
partie de l'île, sévit encore, selon Mr Auguste Chevalier, qui en a été
le témoin, dans les régions tropicales, et en particulier dans nos nouv
elles colonies, en Indochine, en Afrique Occidentale, en Afrique
Équatoriale. Or, comme c'est un fait d'expérience (les hommes du
moyen âge l'avaient eux-mêmes observé) que, « sauf des cas excep
tionnels, la forêt primitive ne se reconstitue plus sur l'emplacement
défriché », les descendants des défricheurs d'aujourd'hui auront beau
jeu, dans quelques siècles, pour nier l'existence des bois que leurs
ancêtres ont ravagés, mais qu'eux n'auront jamais connus. Ceux
qui prétendent que les Alpes françaises n'ont été plus boisées
qu'aujourd'hui ne seraient-ils pas dupes d'une semblable illusion ?
Le seul moyen de répondre à cette question, c'est d'interroger
l'histoire; son témoignage seul peut éclairer la géographie. A vrai
dire, certains naturalistes (botanistes ou forestiers) l'ont bien comp
ris. Ils se sont rendu compte que l'étude la plus intelligente, la plus
impartiale des forêts d'aujourd'hui, la connaissance la plus sûre des
lois de la répartition et du développement des espèces végétales ne
les dispensaient pas de tourner leurs regards vers le passé. Or la con
sultation des documents d'archives n'a fait, disent-ils, que corroborer
leur expérience, en apportant une preuve nouvelle que l'intervention
humaine n'a modifié en rien, au cours des siècles, l'état forestier des
Alpes. Sans doute, les hommes ont exercé des industries, comme celle
du fer, mais ils n'ont consommé dans leurs fourneaux qu'une quantité
insignifiante de bois. On en a une preuve évidente, puisque c'est le
Dauphine septentrional, où l'industrie du fer était le plus florissante,
qui possède aujourd'hui les plus belles forêts, « tandis que le dépar
tement des Hautes-Alpes, où il n'y eut jamais que deux fourneaux
dont l'un dura un siècle à peine », et le département des Basses-
Alpes, « où le manque de minerai ne permettait pas d'établir des
fonderies », comptent parmi les régions les plus déboisées. D'autre
1. Aug. Chevalier, La végétation à Madagascar, ď après Vouvrage de II. Perrier de
la Bathie {Annales de Géographie. 15 septembre 1922, p. 464-485). Voir aussi Augustin,
Bernard et N. Lacroix, Évolution du nomadisme en Algérie (Annales de Géographie,
15 mars 1906, p. 152-165). ANNALES DE GÉOGRAPHIE 268
part, on admet bien que l'homme a pu, par endroits, se débarrasser
des bois pour étendre ses cultures, mais il ne Га fait, nous dit-on,
« que dans le fond des vallées et les bas flancs à pente relativement
faible ». Quant aux troupeaux, « beaucoup moins nombreux au
moyen âge qu'au xixe siècle, ils n'ont jamais contribué à la dispari
tion d'un bois, tout au plus à la diminution de sa valeur économique x ».
Ainsi, les témoignages de l'histoire semblent d'accord avec
l'observation actuelle des faits et les résultats de la science bota
nique pour nier la destruction des bois dans le passé et, en même
temps, l'aggravation des ravages torrentiels qui, croyait-on jusqu'ici,
en étaient la conséquence fatale. On ne saurait mieux faire d'ailleurs
que de citer la conclusion vigoureuse qui termine l'article si suggest
if de M'Lenoble : La légende du déboisement des Alpes françaises, et
dont le titre seul semble résoudre définitivement la question du déboi
sement. « II n'est pas vrai, dit-il, que les torrents soient devenus dévas
tateurs et que les pentes se soient ravinées seulement depuis des
siècles parce que l'homme aurait détruit les anciennes forêts protec
trices du terrain : les ravins et les cônes torrentiels qui sont sous nos
yeux ont mis des milliers et des dizaines de milliers d'années à se
former. »
Depuis une dizaine d'années cette opinion s'est répandue avec
un succès toujours croissant. Le déboisement des Alpes du Sud n'appar
aît plus guère que comme une vision de poète, ou comme une cons
truction d'esprits logiques plus habitués au raisonnement mathémat
ique qu'à l'observation patiente des faits. Et cependant l'esprit,
inquiet par nature, ne se déclare pas encore absolument satisfait. S'il
admet comme indéniables les conclusions qui mettent en relief l'i
mportance des conditions naturelles et leur influence sur l'étendue, la
densité, la vigueur des bois, il ne peut se contenter, pour nier l'action
de l'homme, d'une étu

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