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Publié par | yigalbinnun |
Publié le | 11 décembre 2013 |
Nombre de lectures | 44 |
Langue | Français |
Exrait
L origine des Juifs en Afrique du Nord, entre
légende et réalité Par Yigal Bin-Nun
Je commence par les conclusions.
LesJuifsdAfriqueduNordnesontpasdesdescendantsdes
tribus berbères converties au judaïsme comme l affirme Ibn
Khaldoun
LesJuifsdAfriqueduNordnesontpasarrivésdirectement
d Israël comme réfugiés ou comme déportés.
LamajoritédesJuifsdAfriqueduNordsontdesdescendants
dAfricainshellénisésconvertisindividuellementaujudaïsme.
AlKahina,lhéroïnedelarébellionberbèrecontrelecolonisateur
arabe, n était ni juive ni chrétienne.
Jenedévelopperaidanscetteconférencequeletroisièmepoint,ci-
dessus, le reste sera détaillé dans d autres articles.
LES JUD
ÉÉNS HELLÉNISÉS
Phénicien fondateurs de Carthage.
Pour des raisons apologétiques, certains historiens ont préféré anticiper
la date darrivée des Juifs Afrique à lépoque de Salomon ou aux
Phéniciens, fondateurs de Carthage. Il me semble dérisoire de réfuter
cette hypothèse étant donné la différence entre le culte hénothéisme
israélite monarchique et la religion juive tardive. On devrait plutôt
chercher lorigine des Juifs dAfrique du Nord hors dIsraël au troisième
siècle avant n.e. à Alexandrie en Égypte, nouvelle cité culturelle qui
attira beaucoup de Judéens hellénisés. Cette diaspora na été ni
déportée ni expulsée dIsraël. Elle nest due quà une surpopulation et à
un attrait vers de nouveaux centres culturels et économiques.
Avant la Grande Révolte contre Rome (66-73 avant n.e.) Philon
dAlexandrie et Flavius Joseph avaient évalué la part des Juifs à 40% de
la population totale dAlexandrie et affirmèrent que la grande majorité
des populations de Chypre et de Cyrène était judéenne. La révolte des
JudéensdeCyrénaïqueetdAlexandrieappeléelarevotedela
diaspora (115-117), plus de quarante ans après la révolte contre Rome
en Israël, représente un tournant dans lavènement dune communauté
judéenne en Afrique. Il ne sagit pas dune communauté du type
moyenâgeux, mais dune entité politique indépendante, helléniste,
différente de la population locale que par son origine, son culte et sa
culturehébraïque.latêtedecettecommunautédotéedunepuissance
militaire il y avait des rois et une armée. Une partie de sa population
servait comme soldats de métiers ou mercenaires et une autre était
engagée dans le commerce, lélevage, lagriculture et le commerce
maritime.
LA RÉVOLTE EN CYRENAQUE
lempereur Trajan
LhistoiredelarévolteenCyrénaïqueàlépoquedelempereurTrajan
(53-117) nous est relatée par les témoignages de lennemi, entre autre
ceux du sénateur Dio Cassius (156-229) et de larchevêque Eusèbe de
Césarée (aux alentours de 339-235). Andreas était le chef des insurgés
judéens. Après sa victoire sur le commandant romain Lupus, les
insurgés dÉgypte arrivèrent en Libye et massacrèrent plus de 220 000
personnes. Chypre, les insurgés avec à leur tète Artemion
massacrèrent 240 000 Grecs dans la capitale Salamis (Salamine) et la
détruisirent. Dio Cassius décrit ainsi la cruauté des Judéens envers
leurs ennemis :
Ils se sont comporté comme des cannibales, ont fabriqué des ceintures
à partir de leur boyaux, se couvraient de leur sang, shabillaient de leur
peau, il leur arrivait même de scier des crânes de haut en bas, puis les
jetaient à des animaux sauvages ou les forçait à se combattre.
Au bout de deux années, en novembre 117, les généraux Quintus
Marcius Turbo et Lusius Quietus réussirent à écraser la rébellion avec
grande férocité. Des vestiges épigraphiques décrivent les dévastations
causées par les Judéens dans les temples et les bâtiments publics en
Cyrénaïque.Ilssesontcomportéscommesiilnyavaitpasde
lendemain dans leur pays et quils navaient pas lintention dy rester.
Toutefois, deux épitaphes découvertes sur des pierres tombales
prouvent lexistence dune communauté après la révolte. Dans lune il
est écrit Azar, que ton âme repose en paix et dans lautre,
Nathan Bar Shalom que son âme repose en paix . Mais la grande
majoritédelacommunautéjudéennedeCyrénaïqueémigraverslOuest
à Oea (actuelle Tripoli), dans la Carthage romaine (146 avant n.e. à 429
de n.e.), à Gammarth et Naro (au sud de Carthage), à Hadrumète
(Sousse en Tunisie) et à Cirta (Constantine), à Hippo Regius (Annaba
actuelle) en Numidie, à Volubilis (Walili) et à Tipasa en Mauritanie
tingitane. Il est important de souligner quavant le deuxième siècle on ne
trouveaucunetracedeJuifsàlouestdeCyrénaïque.
Laspect national de cette population Judéenne est caractérisé en
premierlieuparlaBiblehébraïqueetleslivresditsapocryphesqui
nont pas été inclus au Xe siècle dans le canon biblique. Il sagit des
livres de Tobias, Judith, La Sagesse de Ben Sira, La Sagesse de
Salomon, Baruch, 1,2,3,4 Hasmonéens, 3 Ezra et autres, et
principalement des livre des Jubilés et dHénoch et bien dautres qui ne
furent découverts quau XXe siècle au désert de Judée. Certains furent
traduits par la communauté en grec à lépoque de Ptolémée II, dautres
furent rédigés directement en grec comme celui du Judéen Jason (2
Hasmonéens). Cette considérable littérature nétait pas sans susciter
lattractionduJudaïsmesurunepopulationlocaleberbéro-hellènequia
produit des intellectuels éminents comme les pères de lÉglise ou les
instigateurs de mouvements hérétiques : Tertullien (Carthage), Arius
(Cyrénaïque),DonatusMagnus(Numidie)etAugustin(Hippon).Un
exemple du succès de lhellénisme en Afrique est la prise du pouvoir à
Rome par un berbère de Leptis Magna en Tripolitaine, Septime Sévère
(211-145). Cet empereur berbère représentait aux yeux des Romains la
revanche dHannibal le Punique sur les conquérants de Carthage.
LE PROCESSUS DE JU
DASATION
Copie manuscrite du livre
Antiquités juives
de Flavius Josèphe,
Les écrits apologétiques de Flavius Josèphe, Philon, Jason de Cyrène
et Ezéchiel le Tragédien dAlexandrieLhistoire de la révolte en
CyrénaïqueàlépoquedelempereurTrajanetdautresontfaçonnéles
caractéristiquesdecesJudéens.Cestuncultejudaïquequinesest
pas abstenu de pratiquer le prosélytisme et qui a fortement influencé la
populationberbéro-hellène.Lejudaïsmehellénisteafricainétaitdeux
fois plus grand que celui de la population araméophone israélo-
babylonienne. Nous sommes alors en droit de nous poser les
questions : lenvergure de cette population est-elle due uniquement à sa
croissance naturelle ? Était-elle totalement judéenne du point de vue
ethnique ? Les données démographiques nous amènent à la
conclusion : lampleur de la communauté nétait due que partiellement à
lorigine israélite ancienne mais plutôt à lattraction quavait la classe
intellectuelleberbèrehelléniséepourleculteetlacivilisationjudaïque.
ce jour nous navons aucun indice sur une pénétration judéenne dans
les régions de langue tamazight avant la conquête musulmane. Le
processusdejudaïsationacommencéavantmêmelarévoltedela
diaspora. Ainsi les premiers habitants de Tunisie, dAlgérie et du Maroc
étaient déjà mélangés du point de vue ethnique.
NosconnaissancessurlesJuifsàlouestdelaCyrénaïquesebasent
sur deux types de sources : de courtes inscriptions commémoratives et
les écris de penseurs chrétiens contre la vague de prosélytisme juif.
partir du deuxième siècle on découvre des vestiges archéologiques à
louest de la Libye avec des inscriptions et des symboles juifs. Les noms
de Juifs écrits en caractères latins et grecs ne sont datés que par des
considérations paléographiques souvent incertaines. ce jour
lépigraphienousarévélé96nomsjuifsoujudaïsants.Danslacatégorie
desjudaïsants,oninclutlesberbéro-hellènesquiontadoptélejudaïsme
oulescraignantDieu,sebomenoï,noncirconcismaisquiétaienttrès
attirés par les coutumes juives. La liste de ces noms nous fournit une
certaine indication sur lampleur de cette communauté à louest de la
Libye. La quantité de pierres tombales portant une inscription, est infime
par rapport aux tombes dépourvues dinscription. Mais cette quantité est
de loin plus importante que celle des tombes juives portant une
inscription dans la communauté juive de Rome. 71 de ces patronymes
furent découverts en Tunisie, la plupart à Carthage, 5 à Tripoli, 17 au
nord de lAlgérie, et 7 au Maroc, à Volubilis (Walili), Lixus (Larache) et
Tingis (Tanger). 26 patronymes sont féminins et le reste masculins. 15
patronymes sont composés de trois noms cognomina, ce qui prouve
lappartenance à un haut social. 72 patronymes sont en caractères
latins, 21 en grec et 5 en hébreu. Deux patronymes ont été découverts à
CarthageAdel,Anina.TroisnomshébraïquesontététrouvésauMaroc
lun à Salé : Matrona et deux à Volubilis : Yehuda, et Matrona fille de
Yehuda.
HAMMAM-LIF
Mosaïques de la synagogue de hammam Lif
La synagogue de Hammam Lif (au sud de Tunis), la Naro romaine, tient
une place particulière en épigraphie. On y a découvert trois inscriptions
latines dont la traduction : Votre servante Julia de Naro qui a construit
cettemosaïquedesaproprefortunepoursonsalutdanslasainte
synagogue de Naro . La deuxième est une inscription sur mur en ces
termes : Asterius filius Rustici doyen de la synagogue et Margarita fille
de Riddeus qui a bâti une partie de la Stoa . La troisième, signale à
deux reprises : Les livres de la Tora appartenant à votre serviteur
citoyendeNaro.Surlamosaïqueonremarquedessymboles
décrivant apparemment le Jardin dÉden, le chandelier à sept branches
(menora), de nombreux animaux, des lulab (branches de palmier), des
cédrats et des pains. Une menora estampillée se retrouve sur plusieurs
lampes en argile. Dans ces vestiges on a trouvé aussi une lampe
chrétienne avec Jésus sur la croix et une menora renversée, symbole de
ladéfaiteduJudaïsmefaceauchristianisme.Gammarthausudde
Carthage on a dévoilé un cimetière souterrain avec une capacité de
4500 tombes juives. Naro et à Césarée de Maurétanie (Cherchell sur
la cote algérienne) on a trouvé des Juifs avec des titres honorifiques tels
que archonte (magistrats) ou même des archiarchonte, patersynagoges,
matersynagoges et archisynagoges qui témoignent dune structure
administrative hiérarchisée de la communauté.
Six inscriptions tombales en hébreu et en grec ont été découvertes à
Volubilis (Walili) au nord du Maroc. Trois dentre elles : Yehuda
(YHWDH), Matrona fille de Yehuda (MTRWN BT YHWDH) repose et
YossefbenRabi,sontparmilespremièresinscriptionshébraïques
trouvées loin dIsraël. Sur une autre inscription funéraire on trouve deux
titres : Ci git Caecilianos le protopolites doyen de la synagogue des
Juifs, âgé de 45 ans, 8 mois et 3 jours . Le concept de patersynagoges
ou père de la synagogue nous est déjà connu dans dautres inscriptions,
mais le protopolites (προτοπολίτη) est unique et peut être interprété
comme premier citoyen . Il incarne le rôle de chef de la communauté.
Une autre inscription fut trouvée à Sala Colonia (Salé) sur une pierre
tombale avec une inscription en grec : Aurelius Ptolomeus le juif à
côté de neuf noms grecs et latins on a ajouté la dénomination juif :
Iudea, Iudaea, Iudus, Iudaeus.
Un nouveau groupe dinscriptions en Afrique du nord est relié à la
magie, et témoigne de lusage damulettes et de serments, fréquent
chezlespaïens,ChrétiensetJuifs.Lesinscriptions(textesdexécration)
trouvées à Carthage et à Hadrumète (Sousse au sud de Tunis)
estampillées sur des plaques de fonte, enroulées ou pliées,
comprenaientdesinscriptionslatinesavecdesnomshébraïquesde
divinités et danges transcrits en caractères grecs.
LE PROSÉLYTISME JUIF
2 500 ans de présence juive en Algérie
Grace aux écrits des Tertullien de Carthage (environ 150-225) un des
pères de lEglise, on peut évaluer lenvergure du prosélytisme juif dans
lempire. Il se plaignait fréquemment de la persécution par le pouvoir
romain des Chrétiens qui devaient se cacher sous une identité juive, la
religion juive étant considérée comme légitime, religio licita, dans
lempire.Cétaitaussiunedesraisonsdelattractiondespaïensversle
Judaïsme.DansseslivresApologieApologeticusproChristianis.et
Contre les Juifs Adversus judaeos, il souligne avec regret que les
Juifs faisaient de la propagande pour leur religion et était furieux contre
lespaïensquisepassionnaientpourleShabbatetlescoutumesjuives.
Il se plaignait quà la synagogue de Tipasa (à louest dAlger) qui était
précédemmentuntemplepaïen,lesJuifsfaisaientdelapropagande
anti Chrétiens et les accusaient dadorer un âne. Les attaques de
Tertullienattestent,plusquetout,delattraitdespaïensetdesnouveaux
ChrétiensversJudaïsmeetdesonampleurenAfrique.Lesnouveaux
Chrétiens ne se seraient pas tant défendus contre cette influence juive si
ellenavaitpasunimpactconsidérablesurlespaïensetlespartisansde
Jésus.Pluslegroupedesjudaïsantsetdesadeptesdujudaïsmese
renforçait, plus saggravaient les attaques des pères de lEglise. Cette
rivalité religieuse et philosophique entre les deux religions et entre elles
et la religion de lEmpire se déroulait entièrement au sein de la culture
helléno-latine. Les Juifs disposaient dun avantage supplémentaire qui
attiraitencorepluslapopulationpaïenne:unetrèsrichelittératurede
centaines de livres, principalement en hébreu mais aussi en grec et en
latin. Néenmoins, il est toujours difficile dévaluer lampleur de cette
communauté juive en Afrique du Nord entre le troisième et le sixième
siècle de n.e..
Aux premiers siècles de lère chrétienne, on distingue quatre types de
populations en Afrique byzantine : la première berbère, hellénique et
latine, une seconde judéenne intégrée dans la culture helléno-latine, la
troisième berbère helléniste qui a adopté la nouvelle religion chrétienne,
la quatrième est composée dun groupe amorphe de partisans du
judaïsmequonnommelescraignantdieuengrecsebomenoïeten
latin metuentes ou caelicolae, adorateurs du ciel. Contrairement aux
prosélytes qui on décidé de se circoncire, les craignant dieu , se
contentaientdeleuradmirationpurleJudaïsmesanspasserparlerite
contraignant de la circoncision et ne respectaient pas obligatoirement le
Shabbat ni les interdits alimentaires. lintérieur du continent vivait la
population Imazighen parlant le tamazight loin de toute influence juive
ou chrétienne.
LEmpereur byzantin Constantin (337-272) sefforça dendiguer le
prosélytisme juif et interdit le mariage entre Juifs et Chrétiens. Il défendit
aux Juifs davoir des servantes chrétiennes et de circoncire des
esclavespaïens.DurantlerègnedeJustinienlasituationdesJuifs
dAfrique du Nord se détériora. Selon un décret de 535 il fut interdit au
Juifs, aux ariens et aux donatistes doccuper des postes dans
ladministration ou de posséder des esclaves chrétiens. Les décrets de
545 et 553 interdisaient aux Juifs de convertir des Chrétiens. Par la
promulgation de ces décrets on apprend que le mouvement prosélyte
juif na pas cessé mais sest plutôt renforcé au point quil fallait linterdire
par décret. Une hypothèse suggère que ces persécutions ainsi que le
commerce caravanier international ont incité des Juifs à émigrer à
lintérieur du continent, loin de la culture byzantine-chrétienne. Cest
ainsi que lon pourrait peut être expliquer la présence de communautés
juives, non hellénisés, à Wargala et au Draa aux confins du Sahara.
Pendant que lorthodoxie chrétienne officielle était occupée par des
débats stériles avec les courants hérétiques, ariens et donatistes ; les
Arabes réussirent à conquérir sans grands problèmes lEmpire byzantin
et instaurer une nouvelle religion détat : lislam. La population berbère
hellénisée passa très facilement du Christianisme à lIslam comme si ce
nétait quune branche hérétique de leur ancienne religion. Dans un
certainsensleJudaïsmehellénistiquearéussiàconquérirlemonde
païen,parlintermédiairedespartisansdeJésuslegaliléenopposésau
Marcionisme qui voulait détacher le Christianisme naissant de son tronc
judéen. Cétait la période la plus importante dans lhistoire des
conversionsmassivesdepaïensetdeChrétiensaujudaïsme.
Au delà des domaines dinfluence de Rome en Afrique, nous navons
aucun indice concernant des tribus ou des villages berbérophones au
Judaïsme.CettelégendediffuséeparIbnKhaldounaétélargement
réfutée par lhistorien Haim Zeev Hirshberg. Au cour du sixième siècle, à
la suite de persécutions anti juives de Justinien, on peut se poser la
question : est il possible que les Juifs de souche, les prosélytes et les
sympathisantsdujudaïsme,aientpurésisterauxpressionschrétiennes
et rester fidèles à leur religion malgré les répressions ? Il est permis de
penser que les Juifs de souche ont probablement résisté plus que les
prosélytes à ces pressions. Du point de vue ethnique, il est certain que
les membres de ces communautés se sont si souvent mélangées et
intégrés à dautres peuplades quil serait impossible de prétendre que
des Juifs dAfrique du Nord sont issus dune seule et unique ethnie ou
dune seule origine génétique.
Yigal Bin-Nun
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