Conseil constitutionnel français - article ; n°2 ; vol.33, pg 285-334
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Description

Revue internationale de droit comparé - Année 1981 - Volume 33 - Numéro 2 - Pages 285-334
50 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1981
Nombre de lectures 15
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Extrait

François Luchaire
Conseil constitutionnel français
In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 33 N°2, Avril-juin 1981. pp. 285-334.
Citer ce document / Cite this document :
Luchaire François. Conseil constitutionnel français. In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 33 N°2, Avril-juin 1981. pp.
285-334.
doi : 10.3406/ridc.1981.3272
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ridc_0035-3337_1981_num_33_2_3272PROCEDURES ET TECHNIQUES
DE PROTECTION
DES DROITS FONDAMENTAUX
CONSEIL CONSTITUTIONNEL FRANÇAIS
par
François LUCHAIRE
Professeur à l'Université de Paris I,
Ancien membre du Conseil constitutionnel,
Président honoraire de l'Université de Paris
La protection constitutionnelle des droits et des libertés de l'individu
est en France relativement nouvelle : elle date de 1971 ; cette constatation
peut paraître surprenante, car, après les États-Unis, la France a été la
première nation à proclamer les droits et les libertés de l'homme et du
citoyen ; elle s'explique cependant à la fois par les influences doctrinales
qui ont marqué le droit constitutionnel de la France, et à la fois par son
histoire, surtout de ces dernières années.
La pensée constitutionnelle française résulte d'une combinaison des
idées de J.-J. Rousseau et de celles de Montesquieu.
Jean-Jacques donnait à la liberté le sens que ce mot avait
dans l'antiquité ; pour lui, l'homme est libre dans la mesure où il participe
à l'élaboration de la loi ; la liberté se confond avec la démocratie ; il suffit
donc d'une constitution démocratique pour établir la liberté.
Pour Montesquieu, la liberté est assurée par la séparation des
pouvoirs ; dans un tel régime en effet, le pouvoir freine le pouvoir et le
despotisme n'est plus à craindre ; de plus les députés qui font la loi en
subissent les conséquences comme les autres citoyens et ils ne voteront
donc pas des lois qui porteraient atteinte à leur liberté qui est la même que
celle des autres citoyens.
Ajoutons à cela, que les juristes français, dont la pensée a été fort
bien résumée par Carré de Malberg, dans sa contribution à une théorie
générale de l'État, affirmaient volontiers que la loi, étant l'expression de la
volonté générale et de la souveraineté nationale, n'est limitée par rien,
même pas par les droits et libertés de l'individu. 286 PROCÉDURES ET TECHNIQUES DE PROTECTION
Voilà pourquoi les Constitutions françaises, même lorsqu'elles
réaffirmaient leur fidélité à la Déclaration des droits de l'homme et du
citoyen de 1789, ne prévoyaient aucun mécanisme juridictionnel pour en
assurer la protection ; un tel mécanisme serait en effet, pour cette
doctrine d'abord inutile et ensuite contraire à la souveraineté nationale,
puisqu'il permettrait de s'opposer à la loi. Certes, cela ne veut pas dire
que le citoyen ne disposait d'aucune protection ; bien souvent le juge
administratif (Conseil d'État ou tribunal administratif) ou le
judiciaire (sous le contrôle de la Cour de cassation) ont censuré des
décrets contraires à certaines libertés ; mais cette protection était
doublement limitée ; d'abord elle ne jouait qu'à rencontre des actes de
l'Exécutif (décrets, règlements, arrêtés ou mesures matérielles attenta
toires à la liberté) et jamais contre les lois, actes du législatif ; ensuite
puisque la loi pouvait tout faire, elle pouvait autoriser l'Exécutif à porter
atteinte à la liberté ; un décret (ou une mesure matérielle) violant les
droits de l'individu, même consacrés par la Déclaration de 1789, n'était
pas censuré par le juge lorsque l'exécution d'une loi pouvait le justifier.
Cette conception était très dangereuse pour la liberté ; n'oublions pas
qu'en Allemagne le régime hitlérien s'est d'abord installé selon un
processus parfaitement conforme à la Constitution et que c'est le
Parlement lui-même qui a suspendu les libertés ; sans doute disait-on que
cela n'arriverait pas en France qui se proclamait terre de la liberté ; les
Français faisaient confiance à la tradition et n'éprouvaient pas le besoin
d'une meilleure protection juridictionnelle.
C'était une grave erreur, d'abord, car aucun pays n'est à l'abri du
fascisme, la France pas plus qu'une autre nation ; ensuite, parce que,
même dans un pays qui se prétend libéral, la liberté peut être
insidieusement menacée par une série de lois dont chacune n'est pas
tellement grave par elle-même, mais dont l'addition oblige, un beau jour,
à constater que la liberté n'est plus qu'un vain mot.
Au lendemain de la Seconde guerre mondiale, beaucoup l'avaient
bien compris ; pourtant la Constitution de 1946 est restée fidèle à la
tradition française ; certes, elle réaffirme des droits et libertés proclamés
en 1789, elle en ajoute même d'autres dans son Préambule, mais elle
écarte cette fois formellement, toute protection juridictionnelle nouvelle ;
le problème fut en effet posé ; mais une majorité de gauche craignait
qu'une juridiction, quel que soit son nom ou sa structure, ne vienne, au
nom des droits et libertés de l'homme, s'opposer à des mesures
interventionnistes tout comme l'avait fait la Cour suprême des États-Unis
à rencontre du New-Deal de Roosevelt ; or la Constitution de 1946 avait
créé un Comité constitutionnel qui (d'ailleurs dans des conditions difficiles
à réunir) pouvait s'opposer à la promulgation d'une loi contraire à la
Constitution, mais il fut bien précisé dans l'article 90 de la Constitution de
1946 que ce Comité n'aurait pas compétence pour appliquer le
Préambule, c'est-à-dire pour apprécier la conformité des lois aux droits et
libertés consacrés par ce Préambule et la Déclaration de 1789.
La Constitution de 1958 n'a sur ce point réalisé aucun progrès, car à
cette époque la France était rongée par un chancre qui s'appelle la guerre
d'Algérie ; cette guerre durait déjà depuis quatre ans ; elle devait, avec le DROITS FONDAMENTAUX 287 DES
Général de Gaulle se prolonger encore quatre ans ; elle avait conduit le
législateur à permettre des mesures manifestement contraires à la liberté ;
les auteurs de la Constitution ont alors craint qu'une protection
constitutionnelle de la liberté ne vienne entraver l'effort de guerre.
On s'explique alors deux faits particulièrement 'significatifs.
En premier lieu, l'un des membres du Comité consultatif constitu
tionnel, organisme chargé de donner un avis au Gouvernement sur son
projet de Constitution, proposa d'insérer dans la Constitution une
formule « d'habeas corpus » ; c'était le professeur Waline ; il constatait en
effet que la nouvelle Constitution, « en renforçant l'Exécutif pour assurer
la stabilité gouvernementale, allait donner au régime un aspect plus
autoritaire » ; en contrepartie, il lui paraissait donc nécessaire d'accentuer
la protection de l'individu, de ses droits et de sa liberté.
La proposition du professeur Waline fut acceptée par le Comité
consultatif constitutionnel ; mais celui-ci se garda bien de lui donner une
rédaction précise sous forme d'amendement ; il déclara simplement que
l'idée devrait être retenue ; non rédigée, la proposition tomba aussitôt
dans les oubliettes.
En second lieu, la Constitution créait un Conseil constitutionnel
pouvant statuer dans des conditions plus faciles à réunir que celles
permettant l'intervention de son prédécesseur le Comité
de 1946 ; mais le Commissaire du Gouvernement Janot qui représentait le
Général de Gaulle devant le Comité consultatif constitutionnel, précisa
que le nouveau Conseil constitutionnel, pas plus que son prédécesseur,
n'aurait compétence pour censurer des lois contraires aux droits et libertés
consacrés par la Déclaration de 1789 et le Préambule de 1946, bien qu'ils
aient été solennellement réaffirmés par le de 1958.
Heureusement ce n'était qu'une affirmation d'un des rédacteurs de la
Constitution et c

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