La rédaction de la décision de justice en France - article ; n°3 ; vol.50, pg 841-852
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Description

Revue internationale de droit comparé - Année 1998 - Volume 50 - Numéro 3 - Pages 841-852
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1998
Nombre de lectures 91
Langue Français

Extrait

M. Jean-Pierre Ancel
La rédaction de la décision de justice en France
In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 50 N°3, Juillet-septembre 1998. pp. 841-852.
Citer ce document / Cite this document :
Ancel Jean-Pierre. La rédaction de la décision de justice en France. In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 50 N°3,
Juillet-septembre 1998. pp. 841-852.
doi : 10.3406/ridc.1998.984
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ridc_0035-3337_1998_num_50_3_984R.I.D.C. 3-1998
LA RÉDACTION DE LA DÉCISION
DE JUSTICE EN FRANCE
Jean-Pierre ANCEL
L'intitulé-même du sujet (la rédaction de la décision de justice)
implique que la décision de justice soit écrite. C'est bien le cas, en effet,
en droit français (du moins dans la matière civile, conçue globalement) :
la décision de justice est toujours énoncée sous la forme d'un écrit, qui
est l'œuvre du juge.
Cette décision constitue l'expression écrite de la fonction du juge,
que l'on pourrait définir comme rationnelle et normative, consistant à
attribuer à chacun ce qui lui est dû, en fonction du droit et en considération
du bien commun.
C'est pourquoi il apparaît utile — avant d'aborder les questions
techniques liées à la rédaction proprement dite — de partir de l'analyse
de cette fonction du juge, et d'envisager ensuite les phases préparatoires
qui caractérisent la gestation de la décision judiciaire (le délibéré, les
rapports du juge avec les faits et avec le droit).
L'analyse de la fonction du juge révèle son caractère multiple :
* fonction symbolique : le juge seul dispose du pouvoir d'ordonner,
d'imposer sa décision (il faut renvoyer ici à la classification de Jean
Carbonnier, qui distingue, historiquement, le juge magique, intercesseur
auprès de la divinité, puis le juge charismatique, seigneur ou notable dont
la parole s'impose à tous comme expression de la clémence et de l'équité,
enfin le juge moderne, qualifié de juge logique, « mémorisant et rationnali-
sant » — il faudrait ajouter, parfois « innovant » — , s'exprimant par de
« brefs motifs », au sein d'une « collégialité opaque ») l.
* fonction de régulation sociale : le juge fabrique de la paix sociale
en réglant les conflits par une décision en principe — par sa nature et
la légitimité de la personne qui la prononce — acceptée par tous.
* 1 J. Conseiller CARBONNIER, à la Cour Flexible de cassation. droit, LGDJ, 1971. 842 REVUE INTERNATIONALE DE DROIT COMPARE 3-1998
* fonction de recours : dans les situations de crise, de détresse inten
ses, l'appel au juge est l'ultime recours pour rétablir ce qui est considéré
— et vécu — comme juste et bon.
(Cela pose, d'ailleurs, la question importante des limites d'un tel
recours : Peut-on tout demander au juge ? Et il faut évoquer des questions
telles que le transsexualisme, ou la maternité de substitution — dont nous
reparlerons).
Cette fonction plurielle du juge va donc trouver son expression dans
la décision de justice.
La décision — et sa rédaction — sont, évidemment, préparées par
la phase essentielle du délibéré, celle de la prise de décision, qui est au
cœur de notre propos, puisqu'il s'agit rien moins que de l'acte de juger,
dont le jugement ne sera que l'expression formelle.
Revenons-y un instant pour tenter de l'analyser.
Cela peut être simple, lorsque le sont les faits, et la règle juridique
applicable. Prenons l'exemple d'une procédure de divorce pour faute,
lorsque l'adultère d'un époux est établi, ou celui d'un dommage résultant
d'un comportement manifestement fautif. L'application du droit ne pré
sente alors, en principe, aucune difficulté.
Tout n'est pas cependant toujours aussi simple, bien entendu, et il
y a, le plus souvent, place au doute. Au point, même, que le doute est,
pour le juge qui délibère, un élément de sa méthode de réflexion ; le
doute sera donc provoqué, apprivoisé, surmonté enfin pour parvenir à
l'énoncé d'une décision (ce qui a fait dire au professeur F. Terré, lors
d'un récent colloque consacré à ce sujet, que l'activité du juge pouvait
se résumer dans cette formule : « Je doute, puis je décide, donc je suis »
— Citons également la de M. Truche, actuel Premier président
de notre Cour de cassation, selon laquelle le jugement serait fait « d'un
tiers de doute et de deux tiers de probabilités »).
Il faut donc admettre pour règle générale, dans l'éthique du juge,
que le doute l'accompagne. Le juge doit d'abord le subir, dans son rapport
avec les preuves, qui peuvent être insuffisantes (pas de preuve, pas de
droit, alors que, peut-être, le droit revendiqué existe) ou pléthoriques
(comment discerner la preuve déterminante ? question lancinante et tou
jours renouvelée. Rappelons le mot prêté au peintre Georges Braque :
« les preuves fatiguent la vérité »).
Les instruments du délibéré — propres à permettre au juge de sortir
du doute pour prendre une décision — sont bien connus (l'analyse critique
des données du litige, la recherche juridique, la réflexion, pour construire
une décision logique, l'appréciation de sa portée, de ses conséquences
juridiques, sociales, humaines, tout cela dans la confrontation des points
de vue propre à la collégialité, qui demeure la règle en droit français).
Mais, au-dessus de tout cela — dans ce qui détermine le juge pour
la prise de décision — ne faut-il pas se demander si ce qui guide le juge,
plus profondément encore, n'est pas le sentiment de ce qui est juste, de
ce qui doit être pour le bien commun ?
Cela revient, bien entendu, à introduire une dimension subjective
dans la fonction du juge. Mais peut-on y échapper ? N'est-ce pas, après J.-P. ANCEL : REDACTION DE DECISION EN FRANCE 843
tout, l'office du juge que de faire coïncider la justice et le droit ? Et
qu'est-ce, au fond, que « la justice », sinon le sentiment profond de ce
qui est juste et bon au regard du droit, dans une situation humaine donnée
(qu'il ne faut pas confondre avec l'équité, qui est un simple sentiment
subjectif) ?
Si le juge doit parfois faire appel à ce sentiment de justice, il lui
revient de procéder à l'application du droit, tel qu'il lui est donné, dans
la diversité de ses sources (loi, jurisprudence, coutume).
Les relations du juge avec le droit sont, en principe, simples : le
juge doit appliquer le droit — et pas seulement la loi, car la règle qui
s'impose à tous n'est pas nécessairement d'origine législative. Ainsi il
existe en droit français une règle, d'origine coutumière, consacrée par la
jurisprudence depuis un arrêt de la Cour de cassation de 1870, selon
laquelle, en droit des contrats, le silence ne vaut pas acceptation (nous
en reparlerons à propos de la motivation de la décision).
Le juge, donc, applique le droit. Sa décision doit s'appuyer sur des
raisons juridiquement fondées. Cette obligation est particulièrement stricte,
car elle protège le justiciable de l'arbitraire du juge qui se prononcerait
hors de tout cadre juridique.
Le juge applique le droit. Cela peut signifier pour lui l'obligation
de l'interpréter. Il peut se trouver dans la situation d'avoir à rechercher
la signification exacte de la règle de droit qu'il doit appliquer, sa portée,
sa finalité profonde.
Exemple de la notion de « courte citation » dans le droit de la propriété
littéraire et artistique. Le Code de la propriété intellectuelle fait de l'auteur
d'une œuvre de l'esprit le seul titulaire du droit d'exploitation de cette
œuvre, mais une disposition (art. L. 122-5, 3°, a) fait exception au profit
des courtes citations justifiées par le caractère de l'œuvre à laquelle elles
sont incorporées. La question posée était de savoir si pouvait être assimilée
à une courte citation autorisée la présentation rapide, dans une émission
de télévision, d' œuvres d'un peintre ornant les salons d'un théâtre parisien.
Fallait-il n'y voir qu'une citation, en raison de la fugacité de la représentat
ion, ou une véritable représentation de l'œuvre, relevant du monopole
d'exploit

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