La tradition en tant que limite aux réformes du droit - article ; n°1 ; vol.31, pg 37-125
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Description

Revue internationale de droit comparé - Année 1979 - Volume 31 - Numéro 1 - Pages 37-125
89 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1979
Nombre de lectures 46
Langue Français
Poids de l'ouvrage 6 Mo

Extrait

Roger Granger
La tradition en tant que limite aux réformes du droit
In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 31 N°1, Janvier-mars 1979. pp. 37-125.
Citer ce document / Cite this document :
Granger Roger. La tradition en tant que limite aux réformes du droit. In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 31 N°1,
Janvier-mars 1979. pp. 37-125.
doi : 10.3406/ridc.1979.3348
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ridc_0035-3337_1979_num_31_1_3348LA TRADITION EN TANT QUE LIMITE
AUX RÉFORMES DU DROIT
par
Roger GRANGER
Professeur à l'Université de Perpignan
Directeur de l'Institut de recherches sociales
I — II peut paraître étrange, à notre époque, d'étudier les rapports du
Droit et de la Tradition. En tous pays le droit connaît des mutations accélé
rées. Les traditions ne sont-elles pas oubliées à l'âge du nucléaire, de l'info
rmatique, des télécommunications par satellites ? L'étonnement grandit
lorsqu'on s'aperçoit qu'il s'agit d'un thème que les juristes ont relativement
peu étudié.
II semble que deux âges de la pensée juridique se soient succédés à cet
égard. Pendant des millénaires le droit est fondé sur la tradition et son mode
principal d'expression est la coutume. Cela ne l'empêche d'ailleurs pas
d'évoluer mais son rythme de changement est lent. Depuis la fin du XIXe
siècle et surtout depuis la seconde moitié du XXe siècle, les choses se trans
forment. L'accélération de l'histoire entraîne le droit dans son sillage et la
tradition ne semble plus avoir de place dans le domaine juridique.
Cependant, après plus de trente ans de changement continu et rapide du
droit, on constate que la tradition est toujours présente et constitue une
importante limitation tant à l'élaboration qu'à l'application des réformes juri
diques. La présente étude a pour objet la recherche de ces limites pour le droit
français et pour le droit des pays du Tiers-Monde. Les circonstances ont donné
à l'auteur l'occasion de vivre plusieurs expériences de mise en place d'un droit
nouveau dans divers pays en voie de développement. De plus la comparaison
du phénomène Tradition-Droit dans une société technologique telle que la
France et dans les pays du Tiers-Monde se révèle singulièrement éclairante.
Le thème de la tradition en tant que limite aux réformes du droit se
révèle plus difficile à étudier qu'il n'y paraît au premier abord car les facteurs
juridiques interfèrent constamment avec les facteurs psychologiques, sociolo
giques, économiques et politiques et l'on peut hésiter entre plusieurs modes
d'approche pour traiter le sujet. De plus on ne peut recenser tous les exemples
et un choix s'impose.
Aussi est -il nécessaire en premier lieu de lever un certain nombre de
préalables épistémologiques (I). Ensuite une comparaison entre les rapports du
droit et de la tradition en France et dans les pays du Tiers-Monde sera LA TRADITION EN TANT QUE LIMITE AUX REFORMES DU DROIT 38
menée (II). Enfin on recherchera les formes et les causes de cette résistance de
la tradition aux réformes du droit (III).
L PREALABLES EPISTEMOLOGIQUES
2 — Le paragraphe avait été d'abord intitulé «préalables méthodologiq
ues». Une recherche plus poussée a montré qu'il s'agissait en fait d'opérer
une véritable critique épistémologique du sujet.
Il convient de remarquer que, dans l'ensemble, les juristes n'ont guère
approfondi les problèmes épistémologiques de leur discipline. Nous enten
dons ici par épistémologie, l'examen critique systématique des objets d'une
science, de ses limites, de ses méthodes, de ses concepts, de ses lois, de ses
théories et en dernière analyse, de la validité des connaissances obtenues. On
a philosophé, on a théorisé en droit, on a peu critiqué nos démarches d'étude.
La première raison parait se trouver dans la double acception du terme
«Droit». Pour s'en tenir à la définition classique, le droit est l'ensemble des
règles obligatoires de conduite sociale, sanctionnées par la contrainte publi
que. Le droit est alors une pratique sociale et un art de création et
d'application de normes. Il était normal que les juristes s'attachent d'abord à
cet aspect. Mais la notion de droit revêt une autre signification. Le droit dans
nos facultés est objet d'étude. Depuis quelques années les facultés de droit
se sont transformées en facultés des sciences juridiques, sans que cela change
grand chose à leurs activités. Or on y a exposé les règles de droit, théorisé et
philosophé sur elles, sans opérer une critique épistémologique de nos appro
ches. Peut-être est-ce un legs de la tradition des «juris-consultes» appelés à
dire le droit et ayant donc une fonction avant tout pratique.
Une autre raison est que les juristes, dans leur majorité, tendent à
demeurer enfermés dans leur discipline. Certes, la critique ne doit pas être
poussée trop loin. Il y a des juristes sociologues, philosophes, politicologues,
etc.. Mais à notre avis ces efforts demeurent trop marginaux. Or pour traiter
du sujet proposé, une approche interdisciplinaire est indispensable (1).
Remarquons que nous sommes déjà au centre du sujet car ce pro
blème épistémologique n'est-il pas un aspect du conflit entre la tradition
et la réforme ?
En ce qui concerne notre sujet, deux démarches épistémologiques préala
bles paraissent nécessaires. D'abord il faut préciser sur quels objets porte
l'étude. Ensuite il faut éprouver la valeur des approches ou méthodes propos
ées.
A. Définition des objets de la recherche
3 — Depuis G. Bachelard (2), l'épistémologie a bien mis en lumière la
constatation que le fait scientifique est un fait «construit» et ceci aussi bien
(1) V. infra nos 16 et s.
(2) G. BACHELARD, Le nouvel esprit scientifique, Paris, P.U .F. TRADITION EN TANT QUE LIMITE AUX REFORMES DU DROIT 39 LA
dans le domaine des sciences sociales que dans celui des sciences de la nature.
Le chercheur découpe dans le réel des objets qu'il conceptualise, combine,
explique, avant de retourner au réel. Il nous faut dans cette perspective analy
ser les principales notions du sujet étudié : la tradition, la limite, les réformes
du droit, le droit.
a) La tradition :
4 — On peut hésiter entre plusieurs significations de la notion de tradi
tion notamment entre la tradition juridique et les différents sens de la entendue largement. On doit noter dès l'abord que la tradition juridi
que est une notion qui est peu utilisée par les juristes et qui a été peu étudiée
en elle-même, fût-ce chez les historiens du droit. Cela est significatif car le
juriste est surtout un homme du présent, du droit positif. Dans le contexte du
sujet proposé, on peut adopter une notion étroite ou une notion large de la
tradition juridique.
Dans la conception étroite, l'accent sera mis sur le qualificatif «juridi
que». Il s'agira d'institutions du droit, constructions juridiques de base, consti
tutions ou lois fondamentales, jurisprudence constante, qui peuvent constituer
autant d'obstacles à l'évolution du droit. Dans un sens un peu plus large, on
considérera les règles juridiques qui traduisent l'idéologie nationale, la
Weltanschauung. Mais toutes ces hypothèses impliquent que l'objet central de
la tradition soit une institution juridique.
L'étude de la tradition juridique au sens étroit, comme limite aux réfor
mes du droit, permet plus de précision et est susceptible de conduire à des
résultats intéressants. Nous pensons cependant qu'une conception beaucoup
plus large de la tradition juridique est préférable. L'acceptation étroite se situe
surtout au niveau de la technique juridique et sur un terrain proche du positi
visme juridique.
Mais ce qu'il s'agit de déterminer est de savoir dans quels cas la tradition
peut mettre obstacle à une réforme du droit, soit en empêchant son
élaboration, soit en s'opposant à son application. Or les facteurs de résistance
ne se bornent pas à la technique juridique, ce seront des données sociologiques,
économiques, culturelles, idéologiques, etc., qui, à notre avis, ne sont pas des
facteurs m

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