Le rôle du droit public en droit international privé - article ; n°2 ; vol.38, pg 467-485
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Description

Revue internationale de droit comparé - Année 1986 - Volume 38 - Numéro 2 - Pages 467-485
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1986
Nombre de lectures 14
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Pierre Mayer
Le rôle du droit public en droit international privé
In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 38 N°2, Avril-juin 1986. pp. 467-485.
Citer ce document / Cite this document :
Mayer Pierre. Le rôle du droit public en droit international privé. In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 38 N°2, Avril-juin
1986. pp. 467-485.
doi : 10.3406/ridc.1986.2427
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ridc_0035-3337_1986_num_38_2_2427R.I.D.C. 2-1986
LE ROLE DU DROIT PUBLIC EN DROIT
INTERNATIONAL PRIVÉ
par
Pierre MAYER,
Professeur à l'Université de Paris-I
(Panthéon-Sorbonne)
Le phénomène de l'application par un juge d'une loi étrangère est
initialement apparu dans le domaine du droit privé. C'est à une époque
relativement récente — difficile à dater avec précision — que la possibilité
d'appliquer des règles de droit public étranger a été envisagée. Tout
d'abord, elle a été rejetée, au nom de la « stricte territorialité » du droit
public : celui-ci véhiculerait trop fortement la souveraineté de l'État dont
il émane pour que le juge d'un autre État participe à sa mise en œuvre.
Peu à peu, cependant, l'idée a été admise que, dans certaines circonstances
favorables, une application limitée, et en tout cas une prise en considérat
ion, étaient possibles. On en trouve des exemples dans la jurisprudence
ou la législation de nombreux pays, et notamment en France.
La doctrine, quant à elle, cherche à systématiser les solutions obser
vées ou souhaitables. Depuis quelques décennies de nombreux articles ou
thèses (1) ont été consacrés à ce sujet. L'Institut de droit international a
(1) Dans ce rapport sur le droit français, on se bornera à citer les monographies d'auteurs
français : FREYRIA, « La notion de conflit de lois en droit public », Travaux du Comité de droit international privé, 1962-1964, p. 103 et s. ; M. BAUER, Le droit public
étranger devant le juge du for, (thèse dactyl.) Paris II, 1977. Des travaux relatifs aux branches
particulières du droit public seront cités plus loin. 468 REVUE INTERNATIONALE DE DROIT COMPARÉ 2-1986
adopté, lors de sa session de 1975 tenue à Wiesbaden, une résolution
« concernant l'application du droit public étranger », et lors de sa session
d'Oslo en 1977, une résolution « concernant les demandes fondées par une
autorité étrangère ou par un organisme public étranger sur des dispositions
de son droit public ».
Cependant la matière, très complexe, demeure partiellement inexplo
rée, et est sujette à controverse. Ceci explique — sinon justifie — que le
présent rapport, principalement destiné, dans le cadre d'un colloque de
droit comparé, à exposer et éventuellement expliquer les solutions du droit
positif français, s'aventurera aussi dans une discussion qui est par nature
universelle. L'auteur de ce rapport a eu l'occasion d'exprimer ses vues
dans un article paru en 1979 (2). Il n'entend évidemment pas les répéter
ici, mais il ne peut faire abstraction des positions qu'il a adoptées. Cela
étant, l'essentiel restera l'exposé — parfois critique — du droit (principal
ement jurisprudentiel) français.
Après l'abandon du principe de la stricte territorialité du droit public,
on continue à observer l'absence d'application d'un secteur important du
droit public étranger (comprenant notamment le droit pénal), en raison de
la coïncidence dans ces matières de la compétence législative et de la
compétence juridictionnelle. Lorsque cette coïncidence ne se manifeste
pas (surtout lorsque la question de droit public est soulevée à titre incident
dans un litige de droit privé), il faut choisir un procédé de désignation du
droit public applicable ; la jurisprudence est fort confuse à cet égard, voire
contradictoire. Cette question ne doit pas être confondue avec celle du
domaine d'application des règles de droit public dans l'espace, qui concerne
seulement le domaine respectif de règles de sens opposé, appartenant à un
même ordre juridique. Même théoriquement applicable, le droit public
étranger est souvent évincé en raison de son contenu ou de ses buts,
quoique le juge français invoque rarement ce motif de façon ouverte.
Beaucoup plus indolore que l'application proprement dite, la simple prise
en considération de la loi étrangère est admise sans difficulté.
I. ABANDON DU PRINCIPE DE LA STRICTE TERRITORIALITÉ DES LOIS
DE DROIT PUBLIC
Qualifier une loi de strictement (ou absolument, ou formellement)
territoriale implique qu'elle est insusceptible d'être appliquée par les auto
rités, notamment judiciaires, de tout pays autre que celui dont elle
émane (3). Énoncer que les lois de droit public sont strictement territoria
les revient donc à dire qu'un juge n'appliquera jamais les lois de droit
public étrangères. Le droit français fait-il sienne une telle affirmation ?
(2) « Droit international privé et droit international public sous l'angle de la notion de
compétence », Rev. crû. dr. int. pr. 1979, 1, 349 et 357, spec. pp. 349 à 388 et pp. 562 à 582.
(3) V. JACQUET, « La norme juridique extraterritoriale dans le commerce internatio
nal », Clunet, 1985, 327, spec. p. 332. MAYER : DROIT PUBLIC ET DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ 469 P.
A. — Avant la seconde guerre mondiale
La territorialité de certaines lois de droit public a été affirmée par
quelques décisions antérieures à la seconde guerre mondiale, notamment
dans le domaine du droit monétaire. Cependant plusieurs décisions sont
citées à tort comme illustrant le dogme de l'inapplicabilité du droit public
étranger, car elles se bornent à assigner à la règle étrangère un domaine
territorial d'application dans l'espace (territorialité matérielle, infra, III).
Ainsi à propos de lois étrangères annulant des clauses-or insérées dans des
emprunts internationaux, le Tribunal civil de la Seine a énoncé à deux
reprises que « ces mesures, prises dans l'intérêt national, sont restreintes
au territoire de la nation qui les institue et ne suivent pas les valeurs
circulant à l'étranger ; elles ne sont donc pas opposables en matière de
paiement international » (4) . A contrario, dans la mesure où ces lois vise
raient des emprunts remboursables exclusivement dans le pays qui vient
prohiber la clause-or, elles seraient susceptibles d'être appliquées par un
tribunal français. La Cour d'appel de Paris en a ainsi décidé, en 1936, pour
les titres d'un emprunt payables uniquement à New York, tout en écartant
la loi américaine pour les titres du même emprunt offrant une option de
place (5).
Le contrôle des changes a cependant donné l'occasion à la jurispru
dence française d'émettre quelques affirmations très nettes. Ainsi la Cour
de Paris, en 1933, a vu dans une loi russe de 1917 « un texte d'une seule
portée politique et pénale dont l'application ne peut, par suite, qu'être
territoriale » ; ses dispositions, « n'ayant d'autre objet que de protéger la
monnaie nationale, demeurent sans effet devant une juridiction française,
même en cas de contestation entre ressortissants russes » (6). De même,
la Cour de Colmar a jugé qu'une loi allemande prohibant l'exportation de
devises est « purement politique par le but qu'elle s'est proposée et les
motifs qui l'inspirent, qu'elle est donc essentiellement territoriale et qu'elle
n'a aucune autorité en France » (7).
En droit fiscal, un arrêt de la Cour de cassation du 3 juillet 1928 (8)
a énoncé, à propos d'une taxe sur les plus-values édictée par le législateur
allemand, que « les lois fiscales sont strictement territoriales ». Le deman
deur était en l'espèce l'un des débiteurs solidaires de l'impôt, qui l'avait
acquitté en entier, et prétendait exercer l'action de in rem verso à rencontre
de ses codébiteurs. Seule une inapplicabilité de principe semble à première
vue pouvoir justifier la solution retenue. Cependant la lecture de l'arrêt
montre que la Cour de cassation a estimé être en présence d'une action

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