Les modes alternatifs de règlement des conflits. Présentation générale - article ; n°2 ; vol.49, pg 325-345
22 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Les modes alternatifs de règlement des conflits. Présentation générale - article ; n°2 ; vol.49, pg 325-345

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
22 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Revue internationale de droit comparé - Année 1997 - Volume 49 - Numéro 2 - Pages 325-345
21 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1997
Nombre de lectures 144
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

M. Charles Jarrosson
Les modes alternatifs de règlement des conflits. Présentation
générale
In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 49 N°2, Avril-juin 1997. pp. 325-345.
Citer ce document / Cite this document :
Jarrosson Charles. Les modes alternatifs de règlement des conflits. Présentation générale. In: Revue internationale de droit
comparé. Vol. 49 N°2, Avril-juin 1997. pp. 325-345.
doi : 10.3406/ridc.1997.5434
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ridc_0035-3337_1997_num_49_2_54342-1997 R.I.D.C.
LES MODES ALTERNATIFS
DE RÈGLEMENT DES CONFLITS
PRÉSENTATION GÉNÉRALE
Charles JARROSSON *
1. On fait souvent allusion à l'ironie de l'histoire ; il existe également
une ironie de la géographie. C'est ici, à Damas, que saint Paul fit un
passage qui scella son destin. Or, quelques années plus tard, c'est ce
même saint Paul qui, dans la lettre qu'il leur adresse, fustige les chrétiens
de Corinthe, parce qu'ils s'avèrent incapables de trouver parmi eux un
sage qui puisse les aider à régler pacifiquement leurs litiges sans recourir
aux tribunaux païens 1. Nous voici, quelques siècles plus tard, toujours à
Damas, et pour nous poser la même question : comment les parties peuvent-
elles résoudre leur différend sans le soumettre aux tribunaux ?
2. Qu'on le constate ou qu'on le regrette, le développement des
échanges — spécialement économiques — s'accompagne d'un accroisse
ment des litiges. Accroissement quantitatif au regard de leur nombre ; et
qualitatif sous l'angle de leur complexité, c'est-à-dire de leur coût et de
leur durée.
Afin de réagir à cet état de fait, c'est assez naturellement que, menés
par le goût de la recherche ou par des considérations d'efficacité et
d'économie, les regards se tournent ailleurs, vers d'autres modes de règle
ment des litiges, parfois regroupés sous l'appellation de «justice douce ».
3. La naissance — ou le renouveau — des modes alternatifs de
règlement des conflits a d'abord pris corps dans les pays de Common
Law (aux États-Unis surtout), mais font l'objet d'une attention croissante
dans les pays de tradition romano-germanique. Cet essor va de pair avec
une certaine désaffection pour le droit et les solutions juridiques, comme
si le droit était moins qu'hier l'instrument privilégié de la recherche du
* 1 Épître Professeur aux Corinthiens, à l'Université 1. Paris 6,5. II (Panthéon-Assas). 326 REVUE INTERNATIONALE DE DROIT COMPARE 2-1997
juste. On souhaite parfois s'écarter non seulement du droit procédural,
mais également du droit substantiel. Dès lors, l'Occident ne rejoindrait-
il pas l' extrême-Orient dans sa méfiance traditionnelle à l'égard du droit
comme facteur de régulation sociale ? Se rapprocherait-il de la conception
japonaise de la justice qui ne consiste pas forcément à trancher entre deux
prétentions en vertu de la loi, mais à trouver un point d'équilibre, d'harmon
ie entre les intérêts 2 ?
Ce rapprochement serait pour une large part l'effet d'un trompe-
l'œil, car les modes alternatifs ne sont pas dans le non-droit ; au contraire,
ils se situent dans le droit, mais ils s'y meuvent ailleurs ou autrement que
les procédés juridictionnels classiques : le procès devant le juge étatique ou
l'instance arbitrale.
4. C'est d'abord dans la déception suscitée par les modes juridiction
nels de règlement des litiges qu'il faut chercher l'origine de l'engouement
pour ces autres modes de règlement des différends. Et ce n'est pas un
hasard si c'est au sein de la société qui connaît les plus grands excès
procéduriers, la société américaine, que le mouvement a pris le plus
d'ampleur. Cette constatation conduit de nombreux observateurs à considér
er que la greffe ne prendra pas dans la vieille Europe, car on n'y connaîtrait
pas les débordements constatés outre-Atlantique, notamment en raison de
la différence de procédure utilisée 3. Selon eux, les modes alternatifs de
règlement des litiges seraient un antidote inventé par ceux-là mêmes qui
ont produit le poison 4.
Cependant, une observation plus attentive révèle que dans les pays
de tradition romano-germanique, même si la pratique n'est encore guère
répandue5, un besoin est né, auquel ni le juge étatique ni l'arbitre ne
peuvent aujourd'hui répondre.
5. L'attente légitime des parties ne réside plus nécessairement dans
une solution juridique dont les termes échappent la plupart du temps aux
colitigants. Les parties, surtout lorsqu'il s'agit d'entreprises, veulent garder
la haute main sur le litige, qu'elles « gèrent » comme elles le feraient
d'une affaire commerciale ou financière. Elles n'abandonnent plus aussi
2 V. N. KOYAMA et I. KITAMURA, « La conciliation en matière civile et commerciale
au Japon », Journées de la Société de législation comparée, 1988, p. 255.
Les caractéristiques procédurales de la Common Law, telles que la discovery ou la
cross examination alourdissent considérablement la procédure, ce qui rend plus nécessaire
une « alternative ». Par ailleurs, la discovery a pour effet de permettre à chaque partie de
connaître précisément les éléments dont dispose son adversaire ; ainsi, les cartes étant
connues, la recherche d'une solution négociée est facilitée.
4 V. pour un exemple de ce débat, R. COULSON : « Will the growth of ADR in
America be replicated in Europe ? », Journal of International Arbitration, vol. 9, sept. 1992,
p. 39 et la réponse de J. WERNER, dans la même revue, vol. 10, dec. 1993, p. 45 : « Will
European brains be set on fire ? ».
Si l'on s'en tient aux institutions organisant la conciliation (Source : Bull. Cour
internationale d'arbitrage CCI, nov. 1994, p. 6), les chiffres, c'est une constante, incitent
à la modestie. Ainsi, pour la CCI, entre 1988 et 1995, 2 000 demandes d'arbitrage ont été
déposées ; dans le même temps, seulement 54 de conciliation l'ont été. Sur ces 54, 16 ont
été acceptées par l'autre partie et, sur ces 16, 5 succès ont été obtenus. Depuis 1996, les
résultats seraient meilleurs. Pour le règlement du CIRDI, depuis 1966, on dénombre trois
saisines de la Commission de conciliation, mais un seul succès. LES MODES ALTERNATIFS DE REGLEMENT DES CONFLITS 327
facilement leur différend aux seuls spécialistes du droit et souhaitent
éviter l'aléa inhérent à tout procès ; les arrangements présentent toujours
l'avantage de procurer aux parties la certitude de la solution.
Les grands contrats lient les parties à long terme ; celles-ci n'ont
donc pas les moyens de divorcer au cours de la réalisation de leur projet
commun, et ressentent la nécessité d'inventer les conditions d'intervention
d'un tiers, sorte de tuteur de l'exécution du contrat, qui aplanira les
difficultés au fur et à mesure qu'elles se présenteront. Ce tutorat doit
cependant éviter les écueils que dressent devant lui certaines règles, de
droit administratif notamment, lorsqu'il s'agit de contrats soumis à son
régime.
L'évolution des mentalités est loin d'être achevée. Certains craignent
encore que proposer de recourir à des modes alternatifs de règlement de
leur litige soit interprété comme un signe de faiblesse de leur part. Mais,
les modes alternatifs ne feront jamais disparaître le contentieux classique.
Qu'on se rassure : il restera toujours des Chicaneau et des Pimbesche
pour qui rien ne vaut un bon procès, ne serait-ce que parce que la passion
les aveugle et leur dissimule jusqu'à leurs propres intérêts. Par ailleurs
et d'un point de vue plus technique, tous les litiges ne s'accommodent
pas du recours à d'autres modes de règlement ; il est nécessaire qu'il existe
objectivement une marge de manœuvre au regard de la règle applicable ou
des termes du litige.
6. La pratique des nouvelles méthodes de règlement sur laquelle les
tables rondes à venir nous éclaireront, se heurte à des difficultés inédites.
Les esprits n'y sont guère préparés et la propension continentale à séparer
les spécialités ralentit la réflexion et la pratique e

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents