Les pouvoirs du Président des Etats-Unis et l arrêt de la Cour suprême relatif à la saisie des aciéries - compte-rendu ; n°4 ; vol.4, pg 735-751
18 pages
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Les pouvoirs du Président des Etats-Unis et l'arrêt de la Cour suprême relatif à la saisie des aciéries - compte-rendu ; n°4 ; vol.4, pg 735-751

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Revue internationale de droit comparé - Année 1952 - Volume 4 - Numéro 4 - Pages 735-751
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1952
Nombre de lectures 24
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

M. André Tunc
Les pouvoirs du Président des Etats-Unis et l'arrêt de la Cour
suprême relatif à la saisie des aciéries
In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 4 N°4, Octobre-décembre 1952. pp. 735-751.
Citer ce document / Cite this document :
Tunc André. Les pouvoirs du Président des Etats-Unis et l'arrêt de la Cour suprême relatif à la saisie des aciéries. In: Revue
internationale de droit comparé. Vol. 4 N°4, Octobre-décembre 1952. pp. 735-751.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ridc_0035-3337_1952_num_4_4_6947LES POUVOIRS DU PRÉSIDENT DES ÉTATS-UNIS
ET L'ARRÊT DE LA COUR SUPRÊME
RELATIF A LA SAISIE DES ACIÉRIES
On se souvient peut-être des graves incidents politiques qui, durant
le mois d'avril 1952, ont accompagné, aux Etals-Unis, la grève des ouvriers
de l'aciérie.
Les difficultés auxquelles donnait lieu le renouvellement d'un contrat
collectif avaient conduit, le syndicat des United Steelworkers of America,
C. I. 0., à ordonner, le 4 avril, une grève nationale effective à partir du
9 avril au matin. Quelques heures avant que l'ordre de grève ne prenne
effet, le Président Truman prit une ordonnance {executive order). Consi
dérant qu'une ordonnance antérieure avait proclamé l'existence d'une
situation de crise nationale {national emergency) exigeant un réarmement
aussi rapide que possible, qu'en fait, des troupes américaines et des trou
pes d'autres nations des Nations Unies étaient engagées dans un combat
et qu'elles avaient besoin d'armes et de munitions dans la fabrication des
quelles entre l'acier, que, de même, l'acier était indispensable à l'exécu
tion du programme de la Commission de l'Energie Atomique et aux besoins
de l'économie nationale, que, par conséquent, la grève aurait mis en péril
les troupes engagées au combat et la nation tout entière, il prescrivait au
Secrétaire au Commerce de prendre possession des usines et de les maint
enir en activité. Le lendemain, il envoyait au Congrès un message dans
lequel il rendait compte de son action. Il expliquait qu'il ne pouvait tolé
rer la grève non plus qu'un lock-out patronal et que, pour éviter une large
augmentation du prix de l'acier, qui aurait mis en danger le programme
de stabilisation économique, il n'avait eu d'autre ressource que celle de
la saisie. Il proposait cependant que le Congrès prenne une décision, qui
pourrait être différente ou préciserait les modalités de la saisie, et il s'en
gageait à coopérer loyalement aux mesures qui seraient prises. Il envoya
un nouveau compte rendu douze jours plus tard. Le Congrès, cependant,
resta purement passif.
Les sociétés d'aciéries, au contraire, protestèrent contre la mesure. Non
contentes de répondre par des émissions radiodiffusées au discours radio
diffusé par lequel le Président avait précédemment expliqué son action à
la Nation, elles s'adressèrent au tribunal civil fédéral de première instance
de Washington {U. S. District Court for the District of Columbia) pour lui
demander d'interdire, par voie d'injonction et en raison de leur inconsti-
tutionnalité, l'exécution de l'ordonnance présidentielle et des arrêtés pris
par le Secrétaire au Commerce. Elles affirmaient que le Président avait
dépassé ses pouvoirs en prenant une action que ne permettaient ni la Cons- •
ACTUALITÉS ET INFORMATIONS 736
titution ni aucune loi (1). Devant Judge Pine, le juge unique désigné pour
connaître de l'affaire, le Gouvernement fonda l'action du Président sur
deux théories classiques : la théorie des pouvoirs inhérents — selon laquelle
le Président possède, en tant que titulaire du pouvoir exécutif, des pouvoirs
qui ne sont pas expressément énoncés dans la Constitution — et la théorie
de l'urgence — selon laquelle le Président peut, en cas d'urgence ou de
crise (emergency), prendre des mesures qu'il ne pourrait prendre en pé
riode normale. Le Gouvernement plaida, au surplus, le manque de pouvoirs
du tribunal pour émettre une injonction alors qu'aucun dommage irrépa
rable ne menaçait les sociétés d'aciéries. Le tribunal fit droit aux préten
tions des demanderesses, rejetant sur tous ces points la thèse du Gouver
nement (2). Un juge unique interdisait donc que l'on continue d'exécuter
les ordres du Président et de son Secrétaire, rappelant ainsi, malgré « la
fin du gouvernement des juges » (3), l'importance politique et les pouvoirs
que conservent les tribunaux américains (4).
Rendue le 29 avril, la décision de première instance fut immédiatement
frappée d'appel et réformé le îour même. La Cour d'appel (U. S. Court
of Appeals for the District of Columbia Circuit), considérant que l'injonc
tion est une voie de droit extraordinaire, dont l'emploi dépend de l'a
ppréciation arbitraire de la juridiction saisie, et qu'elle était en l'espèce
inopportune, ordonna la suspension de l'injonction jusqu'au vendredi 2 mai
à 16 h. 30, étant entendu que, si les parties saisissaient la Cour Suprême
avant cette date, la suspension serait prolongée jusqu'à ce que cette der
nière juridiction décide d'accepter ou de refuser l'examen du dossier et
que, si la Cour Suprême refusait l'examen du dossier, la suspension serait
prolongée jusqu'à nouvelle décision de la Cour d'appel. A leur tour, les
aciéries demandèrent immédiatement à la Suprême de se saisir de
l'affaire. Celle-ci l'accepta le 3 mai, entendit la cause le 12 et rendit sa dé
cision le 2 juin (5).
A la majorité de six magistrats contre trois, la Cour Suprême, réfor
mant la décision de la Cour d'appel, confirma purement et simplement le
jugement de première instance. La décision semble n'avoir été inspirée par
aucune pensée politique, puisque la majorité est composée de magistrats
d'opinions très diverses : Mr. Justice Black, aui rédige la sentence de la
Cour. MMrs Justice Frankfurter. Douglas, Jackson, et Burton, qui approu
vant la sentence de Mr. Justice Black, mais aioutent chacun une sentence
sénarée, et Mr. Justice Clark, aui approuve au fond la décision de la Cour,
mais pour des raisons un peu différentes de celles de Mr. Justice Black.
La voix de la minorité est exprimée par Mr. Chief Justice Vinson, à la sen-
lence dumiel concourent Mr. Justice Reed et Mr. Justice Minton.
Le thème général des sentences de la majorité est très simple. Les pou-
(1) Sur les pouvoirs du Président, v. en particulier Edward S. Cor-win, The
President, Office and Powers (3e éd. 1948) ; E. lv. Gooch, Les pouvoirs du Prési
dent des Etats-Unis d'Amérique, leur évolution récente, cette Revue, 1950, p. 481
et s.
(2) Youngstown Sheet and Tube Co. et al. v. Sawyer (D.C. 1952), 103 F. Supp.
569.
(3) Cf. Koger Pinto, La crise de l'Etat aux Etats-Unis, 1951, ch. IV : La fin du
Qouvernement des juges.
(4) Sur l'importance que conserve le pouvoir judiciaire aux Etats-Unis, v.
notre chronique sur Les tendances récentes de la Cour Suprême des Etats-Unis en
matière de libertés publiques, Rev. dr. puhl. et se. pol,, 1952, p. 421 et s.
(5) Youngstown Sheet and Tube Co. et al. v. Sawyer (1952), 343, XL S. 579. ACTUALITÉS ET INFORMATIONS 737
voirs du Président ne peuvent avoir leur origine que dans une loi ou dans
la Constitution. En l'espèce, aucune loi ne permettait au Président de pro
céder à une saisie des aciéries. Au contraire, c'est volontairement que, lors
de l'élaboration du Taft-Hartley Act de 1947, le Congrès avait refusé au
Président le pouvoir de procéder à une saisie en cas de conflit du travail.
On ne peut non plus soutenir que le pouvoir de procéder à une saisie résulte
implicitement de l'ensemble des pouvoirs dévolus au Président par la Const
itution., ni qu'il soit un pouvoir du Président en tant que Commandant en
Chef des armées, ni qu'il soit autorisé par l'état de crise internationale.
L'ordonnance présidentielle est donc inconstitutionnelle ou, d'une manière
plus précise, et puisqu'il n'appartient qu'au Congrès, par une loi, de saisir
une propriété privée, contraire à la doctrine de la séparation des pouvoirs.
On remarquera que, malgré l

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