Loi divine, Loi humaine et droit dans l histoire juridique de l Islam - article ; n°3 ; vol.33, pg 767-786
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Description

Revue internationale de droit comparé - Année 1981 - Volume 33 - Numéro 3 - Pages 767-786
20 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1981
Nombre de lectures 37
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Mohammed El Shakankiri
Loi divine, Loi humaine et droit dans l'histoire juridique de l'Islam
In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 33 N°3, Juillet-septembre 1981. pp. 767-786.
Citer ce document / Cite this document :
El Shakankiri Mohammed. Loi divine, Loi humaine et droit dans l'histoire juridique de l'Islam. In: Revue internationale de droit
comparé. Vol. 33 N°3, Juillet-septembre 1981. pp. 767-786.
doi : 10.3406/ridc.1981.3168
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ridc_0035-3337_1981_num_33_3_3168LOI DIVINE, LOI HUMAINE ET DROIT DANS
L'HISTOIRE JURIDIQUE DE L'ISLAM *
par
Mohammed EL SHAKANKIRI
Professeur associé à l'Université de droit,
d'économie et de sciences sociales de Paris
Je me permets de commencer cette étude par deux observations :
l'une pour justifier la généralité de son titre, l'autre pour préciser son
objet.
1) Je voudrais d'abord justifier la généralité du titre choisi. Lorsque
j'ai pensé préparer un travail sur la loi dans la pensée juridique de l'Islam,
j'avais le choix entre deux possibilités : étudier cette notion dans une
période historique déterminée (époque dite « préclassique », dans
laquelle par exemple les compilations fondamentales du droit mulsuman
ont vu le jour, ou l'époque « classique » qui l'a suivie) ; ou essayer plutôt
de cerner la notion de loi pour l'étudier telle qu'elle est apparue dans
l'histoire générale du droit mulsuman.
La première solution a bien sûr l'avantage de la précision. Elle nous
permet de situer chacun des problèmes rencontrés dans son temps et dans
le contexte qui lui est propre. La seconde solution rend, sans doute, notre
recherche plus imprécise et moins erudite, mais elle a l'avantage de nous
aider à nous intéresser aux côtés vivants et dynamiques des problèmes, de
saisir la problématique de la loi juridique musulmane telle qu'elle se pose
pour l'ensemble de son histoire et non pour telle ou telle période. Cet
argument m'a fait pencher pour la dernière possibilité. Mais le choix que
je viens de faire m'obligerait à des vues trop rapides, à des affirmations
qu'il faudrait longuement étayer. Une fresque historique comporte
toujours une part de construction, qu'une analyse plus exhaustive de la
complexité des faits, appellerait à nuancer davantage.
* Conférence faite à la Société d'histoire de droit au mois de février 1980. 768 LOI DIVINE, LOI HUMAINE ET DROIT
2) Ma deuxième observation concerne le terme même de « loi ». Ce
mot a dans la pensée occidentale plusieurs sens :
— La loi, c'est la règle générale imperative établie par une autorité
souveraine (Dieu ou législateur) ;
— La loi est une règle indicative, une proposition qui indique la
nature d'un être, d'une fonction ou d'un acte, etc. ;
— La loi, c'est aussi l'affirmation d'un rapport constant entre un
antécédent et un conséquent. Elle exprime l'ordre d'après lequel les
choses seraient disposées, etc. ;
— Une loi peut aussi être formulée et connue, comme elle peut être
informulée et sa connaissance, historique, progressive, tâtonnante oblige
les sujets, en quelque sorte, à une recherche continuelle.
Cette enumeration n'est bien sûr pas exhaustive.
Or, les jurisconsultes de l'Islam connaissent tous ces sens ; ils
connaissent les choses mais ils n'utilisent pas le même terme pour les
exprimer.
Le mot même de loi n'a été utilisé dans l'Islam authentique que très
rarement. Il se traduit en arabe par deux termes : Namous et Kanoun.
Dans les sciences théologiques et juridiques, deux autres expressions
remplacent le mot loi ; ce sont : Sharia et Figh. Voyons le sens de ces
mots.
Namous : Les dictionnaires arabes (par exemple, Dozy II, p. 725)
contiennent deux mots entièrement différents : l'un est arabe, l'autre,
vient du grec Nomos. Le mot arabe signifie bourdonner, marmotter, dire
en secret, dire à l'oreille ; il signifie aussi moucheron, moustique, etc. Le
Namous, transcription du grec, signifie loi divine, parfois loi humaine, ou
loi naturelle. Il signifie aussi doctrine, coutume, manière d'agir, etc. Mais
ce mot n'a pas été, en principe, utilisé dans la construction juridique
musulmane.
Kanoun : Le mot Kanoun, d'origine également grecque signifie
règlement administratif ou ordonnance du souverain qui réglemente des
institutions nouvelles ou des matières dans lesquelles le droit musulman
tombe en désuétude. Le Kanoun pose des règles de substitution sans
prétendre remplacer le droit musulman. Il le complète simplement sur des
points particuliers. Ce mot désigne aujourd'hui, dans quelques pays
arabes, les lois édictées par le législateur. Mais même dans ce cas les
Kanouns ne prétendent pas se substituer au droit musulman qui reste à
l'arrière-fond des législations de ce pays (1).
Voilà le sens des deux premiers termes, qui n'ont pas été utilisés,
nous venons de le dire, pour exprimer la substance même du droit
(1) Louis MILLIOT écrit dans son « Introduction » à l'étude du droit musulman, Paris,
Sirey, 1971, pp. 179-180 pour expliquer le sens de ce mot « Kanoun » dans l'histoire de
l'Islam qu'il « introduit dans le droit musulman des principes nouveaux, auxquels les juges
nouveaux vont faire donner tous leurs effets, sans s'attacher à la lettre des textes de
l'Écriture Sainte ». Il ajoute que « le fond de droit demeure en substance dans les solutions
dégagées par les décisions des... « Fukaha », (jurisconsultes), mais les règlements expriment
les besoins sociaux et les tendances de l'opinion publique, auxquels le législateur et le juge se
sentent désormais soumis ». DANS L'HISTOIRE JURIDIQUE DE L'ISLAM 769
musulman. Nous allons donc les exclure du champ de nos investigations. Il
nous reste les deux autres mots : « Sharia » et « Figh ». C'est autour d'eux
que nous allons construire notre exposé.
Mais avant d'entrer dans le vif du sujet, essayons encore de
l'introduire par une recherche du sens des termes utilisés et par un essai
pour circonscrire les problèmes posés et établir la problématique qui va
nous occuper dans le cadre de cette étude.
1. LE LANGAGE DE L'ISLAM
OU LE SENS DES MOTS SHARIA ET FIGH
D'une façon générale, la Sharia, c'est le chemin clair qu'il faut suivre,
c'est le chemin que doivent suivre les croyants. « Comme terme
technique, écrit Joseph Schacht sous ce vocable dans l'Encyclopédie de
l'Islam (2), c'est l'ensemble des commandements d'Allah. »
A l'origine, la connaissance de la Sharia était puisée directement dans
le livre sacré de l'Islam et dans les traditions de son prophète — ce qui a
fait écrire à Louis Milliot que « la loi de l'Islam est un édifice dont chaque
pierre a été prise dans le Coran ». La Sharia, c'est d'abord la loi inspirée,
la loi révélée de l'Islam telle qu'elle a été exprimée dans le Coran et dans
les traditions du prophète (3).
Or, dès que l'on parle de révélation ou d'inspiration, une remarque
s'impose, concernant la différence entre le sens de ces expressions dans
l'Islam orthodoxe et dans la Chrétienté.
En chrétienté, l'auteur inspiré est considéré — sous la motion de
Dieu, cause première et origine de l'inspiration — pour reprendre
l'expression de Louis Gardet (4), comme « cause instrumentale libre ». Il
peut faire des recherches, se servir des documents, mais il garde sa
mentalité et son style propres. L'inspiré ou l'exégète chrétien est comme
sollicité à multiplier les recherches qui lui livreront toujours davantage la
vérité historique.
En Islam, on distingue par contre révélation et inspiration (Wahy et
Ilham). En ce qui concerne le Livre Sacré, c'est la révélation qui compte
et le prophète est, en l'occurrence, une « cause instrumentale serve ». Le
texte coranique a été non tant inspiré que « révélé » par Dieu dans son
mot à mot littéral tel qu'il existait en langue arabe. Il est descendu tel
quel. Le texte révélé est en quelque sorte, malgré les problèmes de

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