Quel(s) droit(s) applicable(s) à la « guerre au terrorisme » - article ; n°1 ; vol.48, pg 81-102
23 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Quel(s) droit(s) applicable(s) à la « guerre au terrorisme » - article ; n°1 ; vol.48, pg 81-102

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
23 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Annuaire français de droit international - Année 2002 - Volume 48 - Numéro 1 - Pages 81-102
22 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2002
Nombre de lectures 73
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Mme le Professeur Hélène
Tigroudja
Quel(s) droit(s) applicable(s) à la « guerre au terrorisme »
In: Annuaire français de droit international, volume 48, 2002. pp. 81-102.
Citer ce document / Cite this document :
Tigroudja Hélène. Quel(s) droit(s) applicable(s) à la « guerre au terrorisme ». In: Annuaire français de droit international, volume
48, 2002. pp. 81-102.
doi : 10.3406/afdi.2002.3693
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/afdi_0066-3085_2002_num_48_1_3693ANNUAIRE FRANÇAIS DE DROIT INTERNATIONAL
XLVIII - 2002 - CNRS Éditions, Paris
QUEL(S) DROIT(S) APPLICABLE(S)
À LA « GUERRE AU TERRORISME » ?
Hélène TIGROUDJA
1. Les premières réactions suscitées par les attentats du 11 septembre 2001 1,
après l'indignation légitime face à l'ampleur et à la gravité des actes commis, ont
convergé pour souligner les conséquences de ces événements sur le droit
international: «the violence of September 11 has challenged the law»2. Le
international du terrorisme est d'abord visé. On en souligne depuis longtemps les
lacunes et les imperfections3 et les attentats n'ont fait que les accentuer. C'est
pourtant le droit international dans son ensemble qui a été ébranlé par les
attentats, au point que l'on parle déjà d'un 'avant' et d'un 'après' 11 septembre 2001.
2. Cette impression de rupture peut être doublement justifiée.
En premier lieu, les attentats révèlent un nouveau visage de l'individu. Depuis
1945 et le développement des instruments et mécanismes internationaux de
protection des droits de l'homme, l'idée dominante est qu'il faut protéger la
personne privée de l'arbitraire de l'État. Les potentialités de coercition et de
souffrances que l'État peut infliger à l'individu sont tellement vastes qu'il a fallu
élaborer, en dehors de l'ordre juridique national, des mécanismes suffisamment
puissants pour encadrer cette brutalité. Le mal que l'un peut infliger à l'autre a
toujours été pensé, en philosophie politique comme en droit, en un sens unilatéral :
l'État contre le particulier. Dès lors, l'avènement de ce dernier, ainsi que de la
« société civile », au plan international est le plus souvent accueilli en termes de
progrès. Or, comme le professeur Stern le souligne, les attentats du 11 septembre
ont montré que « l'individu peut être un monstre encore plus froid que l'État » 4.
Cela ne doit évidemment pas conduire à remettre en cause les avancées
remarquables qui sont faites depuis plus de cinquante ans en matière de protection
des droits de l'homme, ni sous-estimer ce qui reste à faire 5, mais cette irruption
(*) Hélène TlGROUDJA, Maître de conférences à l'Université Paris II (Panthéon-Assas).
1. Sur la chronologie des événements, voy. supra pp. 27 et s.
2. Parmi de nombreuses réactions, voy. R. WEGWOOD, « Tribunals and the Events of September
11th », ASIL Insights, décembre 2001 [http://www.asil.org/insights/insights80.htm]. Voy. aussi
L. CONDORELLI, « Les attentats du 11 septembre 2001 et leurs suites : où va le droit international ? »,
RGDIP, 2001, pp. 829 et ss.
3. G. GUILLAUME, « Terrorisme et droit international », RCADI 1989-III, tome 215, pp. 295 et s. et
Y. DAUDET « International action against State terrorism », in R. HlGGINS et M. FLORY (edts), Terrorism
and International Law, London/New- York : LSE/Routledge, 1997, pp. 201 et s.
4. B. STERN, « Le contexte juridique de Taprès' 11 septembre 2001 », in Le droit international face
au terrorisme, Paris, Pédone, 2002, p. 5.
5. C'est d'ailleurs pour atténuer la logique retributive qui sous-tend la recherche et la poursuite des
auteurs d'actes de terrorisme que de nombreuses organisations internationales se sont efforcées de rap
peler que la lutte contre le terrorisme ne devait pas conduire à une violation des droits fondamentaux
des auteurs des comportements prohibés. Voy. par exemple le rapport annuel de l'Union européenne sur
les droits de l'homme (2001-2002), pp. 82 et s. et le rapport spécial de la Commission interaméricaine des
droits de sur le terrorisme (OEA/Ser.L/V/11.116 Doc 5 rev. Corr., 22 octobre 2002). 82 QUEL(S) DROIT(S) APPLICABLE(S) À LA « GUERRE AU TERRORISME » ?
d'une « société incivile » pour reprendre l'expression de B. Stern va obliger le droit
international à repenser les rapports entre l'État et la personne privée, autrement
qu'en termes d'obligations du premier et de créances de la seconde ou en termes de
pouvoir de coercition et de violence de l'État à l'encontre de l'individu.
L'autre élément qui atteste de l'ébranlement du droit international est
d'ordre plus conceptuel : les catégories, les concepts, les normes existants en droit
international sont devenus impuissants à rendre compte des événements en eux-
mêmes et des réactions qu'ils ont provoquées. Jusqu'à présent, même si le droit présentait des lacunes et des insuffisances, il était désigné comme
le cadre le plus adéquat pour lutter contre les formes transnationales du
terrorisme 6. Or, rarement un seul événement aura suscité autant de questions
portant sur les aspects essentiels du droit international : les États-Unis ont-ils
été « agressés » ? ; ont-ils réellement mené leur action militaire en Afghanistan
sur le fondement de la légitime défense telle qu'elle est définie à l'article 51 de la
Charte des Nations Unies 7 ? ; les actes de terrorisme peuvent-ils être qualifiés de
crimes de guerre ou de crimes contre l'humanité 8 ? Toutes ces questions sont
posées et trouvent des réponses plus ou moins convergentes. À cela s'ajoute le fait
que les attentats et leurs conséquences ont fait naître de nouvelles expressions
qui résultent parfois de la dénaturation de concepts existants : la « guerre globale
au terrorisme » ou la « guerre préventive » en sont des exemples.
3. Or, l'utilisation du vocabulaire issu du droit des conflits pour décrire les
attaques du 11 septembre et la situation juridique qui en est née n'est pas anodine,
mais traduit plutôt, du moins du côté américain, un changement de paradigme : la
lutte contre le terrorisme ne s'inscrit plus dans un contexte juridique de paix, mais
plutôt dans celui de la guerre. Cela revient alors à rejeter l'application des règles
du droit commun, pour y substituer un droit dérogatoire9, mais qui n'est même
pas fixé lui- même puisque « l'agression terroriste » à laquelle il s'agit de répondre
et de faire face n'entre pas dans les catégories classiques du droit des conflits (I).
Compte tenu de l'inadéquation de cette branche du droit au contexte de Taprès
11 septembre', le droit de la paix semble être un point de départ plus juste pour
déterminer le droit applicable à la situation juridique nouvelle (II).
I. - LA REMISE EN CAUSE DES FRONTIERES CONCEPTUELLES
ENTRE LA GUERRE ET LE TERRORISME
4. Chaque nouveau conflit ou chaque nouvelle forme de violence a pour
conséquence de remettre en cause l'état du droit existant et notamment le droit
6. Sur ce thème, voy. par exemple M. FLORY, « International Law : an Instrument to Combat
Terrorism », in R. HlGGlNS et M. FLORY (edts), Terrorism and law, op. cit., pp. 30 et s.
7. Sur le jus ad bellum, voy. supra, l'étude de J. VERHOEVEN.
8. Y. JUROVICS, « Les controverses sur la question de la qualification du terrorisme : crime de droit
commun, crime de guerre ou crime contre l'humanité ? », m Le droit international face au terrorisme, op.
cit., pp. 95 et s.
9. Comme l'écrivent P. DAILLIER et A. PELLET (Droit international public, 7e éd., Paris, LGDJ,
p. 967, §576), « le droit des conflits armés internationaux proprement dit ne s'applique qu'une fois le
conflit déclenché. Son objet essentiel est de réglementer, dans le cadre de l'état de guerre substitué à
l'état de paix, deux séries de rapports, ceux entre combattants et ceux entre combattants et non-combatt
ants. On se trouve en présence d'un effet considérable de la souveraineté : par un acte unilatéral, la par
tie qui a décidé de recourir aux armes provoque une 'novation du régime juridique international tout
entier" réalisée par le passage du 'droit

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents