Réflexions sur les coutumes de droit privé en Afrique Noire et à Madagascar - article ; n°3 ; vol.4, pg 419-440
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Description

Revue internationale de droit comparé - Année 1952 - Volume 4 - Numéro 3 - Pages 419-440
22 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1952
Nombre de lectures 31
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

E.J. Guillot
Réflexions sur les coutumes de droit privé en Afrique Noire et à
Madagascar
In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 4 N°3, Juillet-septembre 1952. pp. 419-440.
Citer ce document / Cite this document :
Guillot E.J. Réflexions sur les coutumes de droit privé en Afrique Noire et à Madagascar. In: Revue internationale de droit
comparé. Vol. 4 N°3, Juillet-septembre 1952. pp. 419-440.
doi : 10.3406/ridc.1952.8434
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ridc_0035-3337_1952_num_4_3_8434RÉFLEXIONS SUR LES COUTUMES DE DROIT PRIVÉ
EN AFRIQUE NOIRE ET A MADAGASCAR*
PAR
K.-J. QTJILIjOT
Président de chambre a 1« Cour d'appel de Dakar
• iégeant à Bamako
II est difficile de préciser, dans les quelques mots d'un titre,
les limites qu'on entend donner à un exposé sur un sujet aussi vaste
que celui des coutumes de. droit privé en Afrique Noire et à, Madag
ascar. Aussi voudra is- je indiquer que cette communication portera
exclusivement sur les coutumes qui se sont transmises oralement, à
l'exclusion de celles qui s'appuient sur des écrits, comme le droit
coranique ou le droit merina des Hova à Madagascar.
Je m'abstiens de parler des coutumes musulmanes pour deux rai
sons. La première est que je ne les connais pas, ou mal. Pour parler
de coutumes, il faut avoir vécu dans le pays où elles sont observées.
C'est sa profonde connaissance de l'Afrique du Nord qui donne une
grande autorité aux travaux de M. le Professeur Milliot sur les cou
tumes musulmanes ; c'est parce que j'ai vécu longtemps en Afrique
Noire et à Madagascar, que je crois pouvoir vous entretenir des cou
tumes de leurs habitants. La deuxième raison est que les coutumes
musulmanes, comme les coutumes animistes, sont d'inspiration reli
gieuse. Bien que certains processus de la pensée juridique se retrou
vent dans les deux ordres de coutumes, leurs fondements spirituels
sont trop différents pour qu'on puisse les examiner ensemble.
Les coutumes avaient rarement un caratère contentieux ; elles
étaient des usages et des rites, peu à peu observés par les populat
ions, et plus ou moins acceptés par elles comme des règles de com
portement normal et correct au sein de leurs sociétés. Comme dans
les milieux qui n'ont pas de tribunaux, soit parce que ceux-ci sont
trop lointains, soit parce qu'il s'agit de hors-la-loi, c'est l'ensemble
de la collectivité qui se charge de se faire justice à sa manière, et
* Communication faite le 16 mai 1952 à une séance commune de l'Institut de droit com
paré de l'Université de Paris et de la Société de législation comparée, 420 RÉFLEXIONS SUR LES COUTUMES DE DROIT PRIVÉ
cela suffit généralement à forcer le respect de chacun pour la règle
commune. L'individu ne se sépare pas du corps social ; à la moindre
tentative de s'en distinguer, le corps social tout entier réagit pour
le ramener à ses devoirs, ou pour l'éliminer définitivement- II faut
dire, en outre, que la coutume n'était pas seulement un droit civil,
mais aussi un droit religieux, dont la violation entraînait des con
séquences surnaturelles très redoutées. Elle est loin d'ailleurs
d'avoir perdu ce caractère.
Avant d'aller plus loin, je veux vous avertir que je ne prétends
pas faire œuvre de doctrine. .Te me propose seulement de vous entre
tenir du point de vue du juge, dont le rôle est de trouver une solu
tion raisonnable aux litiges, en appliquant à des faits souvent mal
établis une coutume parfois incertaine.
Vouloir connaître toutes les coutumes des peuples de Madagasc
ar et du vaste continent noir est illusoire. Elles varient non seu
lement suivant la race, mais encore de tribu à tribu et de village à
village. Leur recherche et leur étude, dans la mesure où elles peu
vent être poursuivies, sont extrêmement utiles à l'ethnologue et au
sociologue ; je suis convaincu qu'elles aideraient le juge à comprend
re le sens et la portée de la coutume, dans l'état où elle se trouve
au moment où il prononce sa décision ; mais il ne faut pas, du point
de vue juridique, donner trop d'importance à la coutume primitive,
c'est-à-dire à celle qui était en usage quand, d'Europe, nous som
mes venus donner une impulsion nouvelle à l'Afrique et à Madag
ascar, et préparer leurs habitants à entrer dans le circuit mondial
des échanges économiques, culturels et sociaux. C'est la coutume
vivante, celle qui se forme actuellement qui présente un véritable
intérêt social.
Les coutumes primitives ont été rapidement déformées par l'I
slam ou l'Europe (je pense, par exemple, au recueil des coutumes
Agni, publié en 1904 et visiblement manqué déjà par notre influence).
Nous ne pouvons pas avoir de certitude scientifique sur l'authent
icité des coutumes que nous pourrions découvrir maintenant et
nous constaterions qu'elles ne comportent qu'un très petit nombre
de règles, applicables aux seules circonstances qui se rencontraient
dans la vie de peuples isolés.
Quelle foi, en effet, peut-on accorder à ceux qui nous rappor
tent en quoi consistait la coutume ?
Nous disposons de deux sources : les observations relevées jadis
par les premiers officiers, administrateurs, colons ou missionnaires
et, aujourd'hui, les dires d'autochtones.
La, première source, bien que sans aucun doute la meilleure, ue
fournit pas une documentation très abondante. Les uns et les autres
avaient autre chose à faire que de s'informer de la coutume, sauf
quand ils étaient appelés à trancher des litiges, et ils ont rarement
songé à, nous en laisser une constatation écrite. Enfin, il n'est pas
du tout certain qu'ils aient été correctement renseignés car ceux
auxquels ils s'adressaient pour être éclairés n'étaient souvent que
les hommes de paille des chefs et des notables. Ils ont été très EN AFRIQUE NOIRE ET .V MADAGASCAR 421
réticents à nous dévoiler leurs coutumes et peu enclins à corriger
nos erreurs.
De plus, les chefs ou notables, apparents ou véritables, n'étaient
capables de faire connaître la coutume qu'à l'occasion d'un fait
concret. L'abstraction est une faculté qui ne s'acquiert que par la
culture de l'esprit. Même actuellement, en dehors des élites for
mées dans nos écoles, il est très difficile de savoir quelle solution il
faudrait donner à un litige hypothétique, non actuel. C'est ce qui
se passe quand vous demandez à quelqu'un de vous enseigner un
jeu de cartes qu'il joue très bien. Neuf fois sur dix, il est incapable
de le faire dans l'abstrait et il vous dit : « Regardez la partie, vous
allez comprendre », et, sur le cas concret, il donne quelques expli
cations- C'est encore, le procédé qu'on emploie parfois dans les Facult
és pour enseigner un cas difficile de notre droit, quand le profes
seur, pour aider l'étudiant, met en jeu Primus et Secundus. Pour
dire la coutume, l'assesseur a besoin d'un procès dont il a matér
ialisé les parties et les circonstances de fait. La coutume s'appre
nait beaucoup plus comme des règles de bienséance et comme un
moyen de. ne pas attirer sur soi l'attention des esprits malfaisants
ou susceptibles que comme des règles imperatives pour le juge. En
outre, l'esprit des autochtones non cultivés n'est pas assez analy
tique pour dissocier les différentes règles applicables en même temps
à une situation complexe.
Enfin, pour connaître et comprendre la coutume, il aurait fallu
que nos officiers, administrateurs, colons et missionnaires pénétras
sent la vie profonde et intime des tribus. Or, ils n'en connaissaient
que la vie superficielle ; ils possédaient mal la langue, et il n'y a
pas toujours de mots dans la nôtre pour exprimer certaines concep
tions d'ordre juridique qu'ils croyaient discerner.
Quant aux assesseurs qui nous renseignent aujourd'hui, je suis
très éloigné de croire qu'ils soient capables d'accroître d'une ma
nière sensible les connaissances que nous devons à la première
source. Il suffit d'avoir siégé avec eux pour être persuadé qu'ils ont
sur la. coutume aneestrale des notions guère plus étendues que cel
les de l'homme de la rue sur le droit romain. Les anciens ont dis
paru, leur enseignement n'a plus été tra

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