Commentaire : Les méthodes de testing permettent-elles d identifier et de mesurer l ampleur des discriminations ?
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Commentaire : Les méthodes de testing permettent-elles d'identifier et de mesurer l'ampleur des discriminations ?

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Description

Parmi les méthodes utilisées pour détecter la présence de phénomènes discriminatoires, les expériences de terrain de type testing font aujourd'hui l'objet d'un intérêt tout particulier. La mesure de ces phénomènes à l'aide des sources statistiques usuelles soulève en effet un certain nombre de difficultés auxquelles le testing est présumé apporter une réponse simple et efficace. Il était donc tout naturel qu'Économie et Statistique ouvre ses colonnes à cette approche et l'article de Yannick L'Horty, Emmanuel Duguet, Loïc du Parquet, Pascale Petit et Florent Sari est une très bonne occasion de le faire. Comme c'est souvent le cas pour ce type de travail, les résultats obtenus sont relatifs à un terrain particulier, mais ils sont intéressants par la tentative de croiser différentes sources potentielles de discrimination et d'analyser leur interaction. Et leur article est surtout une introduction concrète très utile à la méthodologie du testing, avec une présentation détaillée du protocole suivi et de ses justifications. Pour autant, il importe de rappeler que cette méthodologie n'est pas sans limites, et que ses résultats doivent donc être considérés avec précaution. Le présent commentaire ne va pas reprendre point par point les différents aspects du travail de L'Horty et de ses co-auteurs, mais il va s'efforcer de rappeler les principaux éléments du débat dont les méthodes de testing sont actuellement l'objet.

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Langue Français

Extrait

COMMENTAIRE
LES MÉTHODES DE TESTING PERMETTENT-ELLES D’IDENTIFIER ET DE MESURER
L’AMPLEUR DES DISCRIMINATIONS ?
Romain Aeberhardt*, Denis Fougère** et Roland Rathelot***
Parmi les méthodes utilisées pour détecter la Le premier grand type de méthode consiste à
présence de phénomènes discriminatoires, construire un modèle de fonctionnement d’un
les expériences de terrain de type testing font marché (marché du logement, du travail, etc.)
aujourd’hui l’objet d’un intérêt tout particu- caractérisé par l’existence de comportements
lier. La mesure de ces phénomènes à l’aide des discriminatoires et d’estimer, en utilisant des
données non-expérimentales, les paramètres sources statistiques usuelles soulève en effet
de ce modèle. Parmi ces paramètres, certains un certain nombre de diffcultés auxquelles
sont relatifs à la discrimination. Cette méthode le testing est présumé apporter une réponse
a deux avantages : elle s’appuie sur des hypo-simple et effcace. Il était donc tout naturel
thèses clairement énoncées et la validation du qu’Économie et Statistique ouvre ses colonnes
modèle est fondée sur l’analyse statistique de à cette approche et l’article de Yannick L’Horty,
grands échantillons constitués de données non-Emmanuel Duguet, Loïc du Parquet, Pascale
expérimentales. Dans le cas malencontreux, Petit et Florent Sari est une très bonne occasion
mais probable, où le modèle est par trop réduc-de le faire. Comme c’est souvent le cas pour ce
teur, ce type d’approche peut fournir des résul-type de travail, les résultats obtenus sont relatifs
tats fortement biaisés.à un terrain particulier, mais ils sont intéressants
par la tentative de croiser différentes sources
Une autre méthode consiste à comparer les situa-potentielles de discrimination et d’analyser leur
tions auxquelles font face le groupe de person-interaction. Et leur article est surtout une intro-
nes potentiellement discriminées et le groupe de duction concrète très utile à la méthodologie du
celles qui ne le sont pas. Pour être acceptable, testing, avec une présentation détaillée du pro-
une telle comparaison doit évidemment tenir tocole suivi et de ses justifcations.
compte des différences de caractéristiques entre
les deux groupes.
Pour autant, il importe de rappeler que cette
méthodologie n’est pas sans limites, et que Par exemple, que reste-t-il de l’écart de taux
ses résultats doivent donc être considérés avec d’emploi entre les Français dont les parents
précaution. Le présent commentaire ne va pas sont immigrés et les Français de parents nés
reprendre point par point les différents aspects en France, une fois que l’on a tenu compte du
du travail de L’Horty et de ses co-auteurs, mais fait que les premiers sont plus jeunes et moins
il va s’efforcer de rappeler les principaux élé- diplômés ? Cette méthode, qui est facile à met-
ments du débat dont les méthodes de testing tre en œuvre et qui utilise comme la précédente
sont actuellement l’objet. des données non-expérimentales, a un inconvé-
nient majeur : l’écart non expliqué par les dif-
férences de caractéristiques observables, telles Le testing : la seule méthode permettant
que l’âge, le niveau d’éducation, la commune de détecter la discrimination ?
ou le quartier de résidence, etc., ne peut être
imputé avec certitude à de la discrimination. On
Les expériences de testing sont-elles les seules
ne peut jamais exclure totalement que les écarts
méthodes empiriques permettant de mettre en
inexpliqués soient au moins partiellement dus à
évidence l’existence de discrimination ? Dans
des différences qui n’ont pas pu être prises en
la littérature économique, deux autres types
compte dans l’analyse statistique.
de procédures statistiques sont utilisées pour
détecter la présence de discriminations à l’en- Le testing serait de ce fait la seule méthode per-
contre d’un groupe de personnes (ce groupe mettant de détecter directement l’existence de
pouvant être défni par son genre, son âge, son
origine géographique ou nationale, son appa-
rence physique, ou son orientation sexuelle) et
* Dares et Crest.sur un marché particulier : marché du travail, du
** CNRS, Crest, LIEPP (Sciences PO Paris), CEPR et IZA.
logement, ou encore du crédit bancaire. *** Crest et Insee.
ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 447, 2011 97comportements discriminatoires. Néanmoins, sion qui ne s’apparente pas directement à un
comme le rappellent Duguet et al. (2009), pro- comportement discriminatoire. Deux exemples
céder à un testing est long et coûteux puisqu’une permettent d’illustrer ce problème.
telle procédure oblige à concevoir et mettre sur
pied une expérimentation et ensuite à recueillir Commentant les résultats obtenus par Bertrand
des données spécifques. En outre, les résultats et Mullainathan (2004) à l’issue d’un testing par
d’une telle expérience n’ont souvent qu’une por- envoi de CV, Fryer et Levitt (2004) ont mon-
tée limitée ; il n’est pas possible de les extrapoler tré que les prénoms choisis pour signaler aux
au-delà du contexte particulier de moment, de recruteurs qu’ils ont affaire à des candidats
lieu, de marché, etc., au sein duquel s’est dérou- Afro-américains sont généralement des pré-
lée l’expérience. Une troisième limite, inhérente noms qui sont non seulement plus souvent por-
aux expériences de testing reposant par exemple tés par des Afro-américains, mais également par
sur l’envoi de CV, est de se limiter à la première des personnes par ailleurs plus désavantagées
étape de la sélection des candidats, en ce cas à que la moyenne (ayant une mère plus pauvre,
la convocation à un rendez-vous d’embauche fait moins d’études, etc.). Dans ce cas, les écarts
ou à un entretien. Mais ces limites ne sont pas mesurés entre les deux groupes ne distinguent
les seules et plusieurs précautions doivent donc pas le désavantage lié à l’ethnicité de celui lié
être prises par les chercheurs au moment de la à une origine sociale plus défavorisée. Cette
conception du protocole de l’expérience et lors critique s’applique-t-elle au cas français ? Les
de l’analyse statistique de ses résultats. Français d’origine maghrébine portant un pré-
nom moins « typé » (Inès, Sofa, etc.) ont-ils des
origines sociales, géographiques, etc., différen-
Ce que l’on veut tester n’est pas toujours tes de ceux dont le prénom est plus caractéristi-
ce que l’on teste que (Aicha, Fatima, etc.) ? Pour répondre à cette
question, il serait donc utile, avant de procéder
à un testing, d’examiner la corrélation empi-Lorsque la caractéristique qui est source poten-
rique entre la fréquence des prénoms et l’ori-tielle de discrimination (l’âge, l’origine sociale
gine sociale ou géographique des personnes du ou ethnique, le genre, etc.) n’est pas directe-
groupe considéré.ment identifable dans le dossier, le CV ou l’ap-
parence de l’acteur qui participe au testing, les
chercheurs doivent faire des hypothèses implici- Le deuxième exemple, extrait d’un article
tes sur la manière dont les agents qui choisissent d’Heckman et Siegelman (1993), est celui d’un
un candidat (employeurs, propriétaires, agences protocole où des acteurs participent à des entre-
de location, organismes de crédit, etc.) inter- tiens d’embauche pour tester l’existence éven-
prètent l’information effectivement transmise. tuelle d’une discrimination ethnique à l’embau-
Par exemple, puisqu’il n’est pas courant que les che. Sauf cas exceptionnel, les acteurs sont peu
personnes postulant à un emploi mentionnent nombreux et jouent chacun un rôle bien déter-
sur leur CV leur origine ethnique, l’hypothèse miné : ainsi, un acteur Noir ne peut pas prendre
souvent faite est que les employeurs déduisent la place d’un acteur Blanc. Même si ces acteurs
du nom ou du prénom des candidats leur origine sont censés être les plus comparables possibles
na

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