Disparités institutionnelles et flexibilité des marchés du travail dans l UE
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La comparaison des institutions du marché du travail dans les pays de l'Union européenne fait ressortir une grande diversité de fonctionnement et de régulation. Celle-ci constitue une source potentielle de divergence entre pays européens. À ce titre, elle pourrait être un obstacle au bon fonctionnement de l'Union Économique et Monétaire et nécessiter une certaine harmonisation. Toutefois, cette disparité institutionnelle doit pour cela effectivement conduire à des différences dans la formation des salaires et de d'emploi. Or, l'analyse empirique de l'ajustement des salaires et de l'emploi au niveau macro-économique donne une vision a priori plus homogène des situations entre pays. En outre, les différences d'ajustement entre pays européens ne recoupent pas les disparités institutionnelles. En particulier, des marchés du travail aux fonctionnements très différents, comme par exemple ceux du Royaume-Uni et des Pays-Bas, sont caractérisés par des réponses similaires des salaires et de l'emploi à l'environnement économique.

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Langue Français

Extrait

COMPARAISONS INTERNATIONALES
Disparités institutionnelles
et flexibilité des marchés
du travail dans l’UE
Loïc Cadiou, Stéphanie Guichard et Mathilde Maurel*
La comparaison des institutions du marché du travail dans les pays de l’Union
européenne fait ressortir une grande diversité de fonctionnement et de régulation.
Celle-ci constitue une source potentielle de divergence entre pays européens. À ce titre,
elle pourrait être un obstacle au bon fonctionnement de l’Union Économique et
Monétaire et nécessiter une certaine harmonisation. Toutefois, cette disparité
institutionnelle doit pour cela effectivement conduire à des différences dans la formation
des salaires et de d’emploi. Or, l’analyse empirique de l’ajustement des salaires et de
l’emploi au niveau macro-économique donne une vision a priori plus homogène des
situations entre pays.
En outre, les différences d’ajustement entre pays européens ne recoupent pas les
disparités institutionnelles. En particulier, des marchés du travail aux fonctionnements
très différents, comme par exemple ceux du Royaume-Uni et des Pays-Bas, sont
caractérisés par des réponses similaires des salaires et de l’emploi à l’environnement
économique.
* Loïc Cadiou et Stéphanie Guichard appartiennent au CEPII et Mathilde Maurel est membre du ROSES-CNRS et du CEPR.
Les noms et dates entre parenthèses renvoient à la bibliographie en fin d’article.
ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 332-333, 2000-2/3 49vec l’Union Économique et Monétaire Les dispositions institutionnelles du marché du
A(UEM), les possibilités de mener des politi- travail sont particulièrement nombreuses. En faire
ques nationales se trouvent réduites en faveur de la synthèse est délicat. Elles sont abordées ci-après
politiques communes. Depuis le lancement de sous quatre grandes rubriques : le cadre de la négo-
l’euro, la politique monétaire est décidée par la ciation des salaires, la législation sur l’emploi, les
seule banque centrale européenne. Le pacte de sta- revenus de remplacement et les politiques actives
bilité et l’euro 11 (1) encadrent les politiques bud- d’emploi. Sur la base de modèles théoriques du
gétaires des pays participant à la monnaie unique. marché du travail, chacune d’elles influence la
Le succès de l’UEM tiendra à la capacité des insti- fixation des salaires et de l’emploi. La négociation
tutions et organisations nouvelles à jouer pleine- collective avec des syndicats forts augmente le
ment leur rôle. Or, celui-ci est rendu d’autant pouvoir des travailleurs ayant un emploi, ce qui
moins difficile que les pays ont des structures et peut conduire à des hausses de salaire plutôt qu’à
des comportements économiques proches les uns des embauches. Les salaires sont alors rigides et
des autres. La mise en œuvre de la politique moné- peu sensibles au chômage. Mais si les négociations
taire européenne sera facilitée si les évolutions sont centralisées et convenablement coordonnées
conjoncturelles sont assez semblables dans la zone aux différents niveaux (national, régional, secto-
euro. Les politiques budgétaires seront également riel, entreprise), il est possible que les salaires réels
plus faciles à coordonner. La question des diver- soient plus sensibles aux conditions macro-écono-
gences entre les économies européennes est donc miques et en particulier au chômage.
au centre des préoccupations des institutions euro-
péennes. Dans les domaines où des différences La législation sur l’emploi encadre la relation de
entre pays sont jugées profondes et durables travail, offrant a priori une certaine protection aux
(c’est-à-dire « structurelles »), une harmonisation salariés contre la perte d’emploi et les fluctuations
ou au moins une coopération peut éventuellement des rémunérations. Mais elle peut rendre plus diffi-
être nécessaire pour permettre un fonctionnement cile l’ajustement de l’emploi et des salaires au
efficace de l’UEM. cours du cycle d’activité et conduire les entreprises
à réduire durablement le niveau d’emploi. Surtout,
Parmi les sources de disparités entre pays euro- la législation sur l’emploi augmente le pouvoir de
péens, celles relatives au marché du travail sont négociation des salariés ayant un emploi, ce qui
étudiées ici. Avec la disparition des ajustements peut avoir le même effet que des syndicats forts.
des taux de change nominaux entre les pays partici- Enfin, les revenus de remplacement (assurances
pant à l’euro, les évolutions des salaires et de chômage, allocations sous condition de ressources,
l’emploi deviennent les déterminants essentiels de minima sociaux) peuvent également jouer le même
la compétitivité, via les coûts salariaux unitaires. rôle en rendant moins pénalisante une éventuelle
S’il s’agit là d’une source de flexibilité potentielle perte d’emploi. Ces revenus peuvent aussi réduire
des économies entre elles, le fonctionnement des l’incitation de leurs destinataires à chercher un
marchés du travail constitue d’abord une source emploi et les rendre (pendant un temps au moins)
de divergence. En effet, depuis le début de la plus exigeants dans leur recherche.
construction européenne, le marché du travail est
resté un domaine réservé des États membres. Seules Chacune des quatre caractéristiques institution-
les lignes directrices établies lors du sommet de nelles étudiées est susceptible d’agir sur l’ajuste-
Luxembourg de 1997 reflètent un effort de coopé- ment des salaires et de l’emploi, suivant des méca-
ration au niveau européen, mais il se limite essen- nismes qui, selon Bean (1994), varient avec le
tiellement aux politiques de l’emploi. Or, les modèle retenu. Les études empiriques n’ont pas
différences de fonctionnement du marché du tra- permis jusqu’ici de lever les ambiguïtés.
vail, très importantes en Europe, sont susceptibles de
rendre très dissemblables les ajustements des salaires La description des marchés du travail européens
et de l’emploi. On oppose traditionnellement les porte sur le secteur marchand, pour lequel il est
modèles britannique et nordique. De même, il est possible de réunir des éléments de comparaison
fréquent de souligner le caractère très réglementé entre pays avec un détail suffisant, et qui
des relations d’emploi dans les pays d’Europe du concerne la majorité des travailleurs. L’informa-
Sud. La question est donc de savoir si l’hétérogé- tion disponible provient essentiellement de la
néité des institutions sur les marchés du travail peut Commission européenne (DGV), de l’OCDE et du
expliquer les différences de sensibilité des salaires Bureau international du travail. Pour en intégrer la
et de l’emploi aux variations de l’activité, et si cette dimension parfois qualitative, on a attribué des
diversité pourrait conduire à des réactions différen-
tes des pays participant à l’UEM face à un choc, 1. Il s’agit des réunions des 11 pays participant à la monnaie
unique, qui précèdent les conseils Ecofin.même symétrique.
50 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 332-333, 2000-2/32. L’OCDE effectue plutôt des « notes » (2) aux différents pays selon une métho- Grèce (note de 10) et décentralisées au Royaume-Uni
classements de pays, qui ne tien- dologie présentée de manière détaillée dans Cadiou (note de 0) (cf. tableau 1-A). De même, les con-
nent pas compte des « distances »
et Guichard (1999). Il est ainsi possible de compa- traintes sur les licenciements sont fortes au Portu-entre pays. Or, celles-ci sont gé-
néralement disponibles pour les rer facilement les différents pays. Par exemple, les gal (note de 9,2) et faibles en Finlande et en
éléments de base (durée de préa-
négociations salariales sont très centralisées en Allemagne (cf tableau 1-B).vis, indemnités de licenciement).
Tableau 1
Comparaison des marchés du travail européens
A – Les cadres des négociations salariales
Coopé-
Taux de cou- Salaire Extension
Centralisa- ration Nombre de
Taux de syn- verture des minimum administra- Importance
tion et coor- entre les jours perdus
dicalisation conventions (% du tive des des comités
dination des parte- pour grève
(% des sala- collectives (% salaire conventions d’entreprise
négociations naires ou lock-out
riés) (3) des salariés) médian) collectives (6)
(1) sociaux (3)
(3) (4) (5)
(2)
Allemagne 7,5 7,5 29 90 55 7,5 10,0 16
Autriche 10,0 10,0 41 98 62 5,0 7,5 6
Belgique 9,5 7,5 52 90 60 5,0 2,5 33
Danemark 10,0 1

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