Faut-il travailler pour être heureux ?
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Plus d'un Français sur quatre déclare que le travail est une composante importante du bonheur. À la question : « Qu'est-ce qui est pour vous le plus important pour être heureux », 27 % des personnes interrogées invoquent dans leur réponse le « travail », soit directement (22 %), soit sous la forme d'un synonyme - « emploi », « boulot », « métier », « profession » ; (5 %). Cette proportion varie fortement selon la position sociale. Parmi les ouvriers de moins de 35 ans, au chômage ou n'ayant qu'un emploi temporaire, 65 % évoquent le travail ou ses synonymes dans la définition du bonheur. Ce n'est le cas que de 5 % des femmes au foyer. Infime est la proportion de ceux qui, se référant au travail dans leurs réponses, l'invoquent sous la forme négative d'un rejet (moins de 2 %).

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Langue Français

Extrait

N°560 DECEMBRE 1997
PRIX : 15 F
Faut-il travailler pour être heureux ?
Christian Baudelot, Ecole Normale supérieure
et Michel Gollac, Centre d‘étude de l’emploi
pas de la même façon pour les hommes etlus d’un Français sur quatre dé-
pour les femmes.clare que le travail est une compo-P sante importante du bonheur. A la
Le travail représente d’autant plus
question : “Qu’est-ce qui est pour vous le
le bonheur qu ’il fait défaut
plus important pour être heureux ?”, 27 %
des personnes interrogées inv oquent Pour les hommes, la situation sociale telle
qu’elle est mesurée par la catégorie socio dans leur réponse le “travail”, soit direc-
professionnelle (ouvrier ou non ouvrier) esttement (22 %), soit sous la forme d’un sy
déterminante ; le statut d’emploi ne l’est pas
nonyme - “emploi”, “boulot”, “métier”,
moins : les chômeurs (43 %) et les salariés
“profession” (5 %). Cette poporr tion varie à emploi temporaire (45 %) avancent beau
fortement selon la position sociale. Parmi coup plus souvent le travail comme une con
dition du bonheur que les titulaires d’emploisles ouvriers de moins de 35 ans, au chô-
stables (31 %). S’ils vivent en couple et sur mage ou n’ayant qu’un emploi temporaire,
tout s’ils ont des enfants, les hommes invo 65 % évoquent le tavair l ou ses sy nony-
quent moins, toutes choses égales par
mes dans la définition du bonheur. Ce
ailleurs, le travail comme une composante
n’est le cas que de 5 % des femmes au du bonheur.
foyer. Infime est la proportion de ceux qui,Par contre, chez les femmes, la profession
et le diplôme exercent peu d’influence sur lese référant au travail dans leurs réponses,
fait de citer le travail comme un élément dul’invoquent sous la forme négative d’un
bonheur. La valorisation du travail décroît aurejet (moins de 2 %).
contraire fortement chez les femmes dès
qu’elles vivent en couple et après 40 ans, à
profession exercée ou diplôme égal. On ne
peut pas savoir s’il s’agit d’un effet d’âge ouCe sont les catégories dont les conditions de
de génération.travail sont les plus pénibles, les rémunéra
Comment expliquer que les catégories donttions les plus faibles et les risques de chô
les conditions de travail sont les plus péni mage les plus forts qui font du travail l’une
bles et les moins gratifiantes associent plusdes conditions essentielles du bonheur (ta
fréquemment le bonheur au travail ? Le ré bleau 1). En raisonnant toutes choses éga
sultat est d’autant plus paradoxal que,les par ailleurs et en limitant l’investigation
d’après la même enquête, les ouvriers ne seaux actifs occupés et aux chômeurs, la pro
plaignent pas d’être mis à la retraite trop tôtbabilité de citer le travail comme une condi
tandis que, partant plus tard, les cadres sou tion ou un élément du bonheur apparaît
haitent plus souvent prolonger leur activitédépendre de deux types de variables. Les
professionnelle au delà de l’âge imposé. Depremières, nettement liées à la position de
même, alors que la proportion de cadres etl’individu à l’égard du travail, ont trait à la
de professions intermédiaires qui citent leprécarité et au risque, plus ou moins grand,
travail comme une composante du bonheurde se retrouver au chômage. Le mot “travail”
ne fléchit pas avec l’âge (30 % entre 25 etou l’un de ses synonymes est cité par 43 %
34 ans, 27 % entre 35 et 49 ans, 29 % aprèsdes ouvriers, contre 27 % des chefs d’entre
50 ans), employés et ouvriers sont beau prise, cadres et professions libérales. L’ana
coup moins nombreux, après cinquante ans,lyse ne permet pas de faire la part entre ce
à considérer le travail comme une conditionqui relève de la probabilité individuelle ou de
du bonheur (42 % entre 25 et 34 ans, 42 %la perception d’un risque collectif. Le fait que
entre 35 et 49 ans, mais 31 % après 50 ans).cette probabilité augmente à mesure que
La tendance ici exprimée chez les hommesl’origine sociale devient plus populaire tend
est de même sens chez les femmes. Pour à donner quelque consistance à l’hypothèse
quoi les cadres qui bénéficient de conditionsd’une représentation collective propre à un
de travail dans l’ensemble plus favorablesgroupe social. La deuxième dimension expli
sont ils moins nombreux que les ouvriers àcative relève de la position dans le cycle de
déclarer que le travail est une condition duvie et de la situation familiale. Elle ne joue
INSEE
PREMIEREbonheur alors même qu’ils éprouvent les plus privées de travail (les jeunes)certain nombre de ses conditions mi
plus de difficultés à le quitter ? et les plus exposées au chômage nimales de possibilité. Le travail est ici
(chômeurs, formes particulières d’em la clé qui permet d’accéder à d’autres
ploi et ouvriers) que culmine cet usagebiens (tableau 2).Les cadres ont du mal
du terme “travail”. Ces mêmes catégo à « décrocher »
ries parlent aussi d’ “emploi” et de Le boulot est la condition
L’explication la plus simple consiste à “boulot” : reprendre ainsi à son comp du bonheur, un métier n’en est
supposer qu’il en va du travail commete les appellations officielles ou une qu’une composante
de toutes les composantes du bon désignation péjorative traduit l’intério
heur : c’est son absence qui en fait lerisation d’un statut d’infériorité : le de Autre chose est d’évoquer le travail en
mieux mesurer la valeur, et cela d’au mandeur d’emploi est exposé aux termes de “métier”, de “profession”, de
tant plus que cette absence est subie. petits boulots et s’oppose au détenteur“vie professionnelle”, de le qualifier
Une analyse plus détaillée des répon d’un métier ou d’une profession. comme une source d’épanouissement
ses confirme cette explication tout en Qualifiés ou non, les ouvriers et, dans(“se sentir bien dans son travail”, “être
la nuançant. une moindre mesure, les employés es heureux dans son travail”, “avoir un tra
Les sens du mot “travail” et de ses sy timent que l’accès au bonheur est vail motivant”) ou comme l’une, parmi
nonymes varient fortement selon la d’abord suspendu à l’acquisition d’un d’autres, des multiples composantes du
position de ceux qui les invoquent. Ré certain nombre de ressources large- bonheur considéré comme une harmo
pondre “avoir du travail”, comme le ment dépendante d’aléas extérieurs. nie subtile entre diverses grandeurs.
font 46 % des personnes utilisant le Après la santé (43 % pour les ouvriersCes usages sont plus fréquents parmi
terme “travail” dans leur réponse, c’estet 40 % pour les autres) et la famille, les catégories les plus riches et les plus
tenir le travail comme un simple syno le “travail” est la première d’entre ellesdiplômées (4 % contre 1 % parmi les
nyme de l’emploi en privilégiant le sta suivi de “l’argent”et de ses synonymesemployés et ouvriers)( tableau 3).
tut social qu’il confère en même temps(salaire, revenus, finances) (23 % Le bonheur est moins souvent consi
que la source de revenu qu’il procure contre 15 %), du “logement” et de la déré par les membres de ces catégo
indépendamment de son contenu. Ré “maison”. Pour “être” heureux, il faut ries comme un état résultant de
pondre “le travail” (30 %) est déjà plusd’abord “avoir”. Ce n’est pas tant le conditions matérielles de base (travail,
ambigu. C’est du côté des catégories bonheur en soi qui est ici évoqué qu’un argent, maison...), mais plutôt comme
une construction bâtie à partir de dis
positions psychologiques favorablesQui associe le travail au bonhe ur ?
et de ressources matérielles et mora
Effet " toutes choses égales pailler aurs " les. Le recours à un registre de l’action
Modalités des variables Ensemble (“activité”, “faire”, “pouvoir”), de laHommes Femmes
des actifs
réussite (“réussir”, “réussite”) ou de
Homme + l’accomplissement (“se réaliser&#

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