L argent de poche versé aux jeunes : l apprentissage de l autonomie financière
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L'argent de poche versé aux enfants constitue une toute première forme de transfert intergénérationnel. L'enquête Éducation 1992 révèle que, pour la France, les trois quarts des enfants scolarisés âgés de 6 à 25 ans reçoivent de l'argent de leurs parents pour un montant moyen de plus de 3 000 francs (460 euros) par bénéficiaire au cours de l'année scolaire, qu'il s'agisse de versements réguliers ou non. Ces aides augmentent très nettement avec l'âge de l'enfant et surtout avec son niveau de scolarité, en particulier lors des passages en sixième, en seconde et dans l'enseignement supérieur. L'autonomie financière des enfants progresse avec l'âge. Cette progression s'accompagne d'une plus grande régularité des versements d'argent de poche et une interaction complexe s'opère avec les revenus gagnés par l'enfant. Ce processus d'autonomie varie selon les milieux sociaux et selon le type d'études poursuivies. Les enfants reçoivent davantage d'argent de poche lorsque leurs parents disposent de revenus importants et appartiennent à des catégories sociales élevées. Dès le plus jeune âge, ces aides sont incitatives de la part des parents et relèvent d'une forme de réciprocité dans les relations entre générations : 18,2 % des familles qui ont versé des aides ponctuelles l'ont fait pour inciter les enfants à travailler à l'école, 18,5 % pour rémunérer des travaux faits à la maison. Les motivations des parents n'apparaissent donc pas seulement fondées sur l'altruisme.

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Langue Français

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051-072 Barnet-Wolff 26/07/2001 07:40 Page 51 Alain-PAO 2 pao:PAOENCOURS:Insee eco et stats 343:051-072 Barnet-Wolff:
JEUNES
L’argent de poche versé
aux jeunes : l'apprentissage
de l'autonomie financière
Christine Barnet-Verzat et François-Charles Wolff *
L'argent de poche versé aux enfants constitue une toute première forme de transfert
intergénérationnel. L'enquête Éducation 1992 révèle que, pour la France, les trois quarts
des enfants scolarisés âgés de 6 à 25 ans reçoivent de l'argent de leurs parents pour un
montant moyen de plus de 3 000 francs (460 euros) par bénéficiaire au cours de l’année
scolaire, qu'il s'agisse de versements réguliers ou non. Ces aides augmentent très nettement
avec l'âge de l'enfant et surtout avec son niveau de scolarité, en particulier lors des
passages en sixième, en seconde et dans l'enseignement supérieur.
L’autonomie financière des enfants progresse avec l'âge. Cette progression s’accom-
pagne d’une plus grande régularité des versements d'argent de poche et une interaction
complexe s'opère avec les revenus gagnés par l'enfant. Ce processus d’autonomie varie
selon les milieux sociaux et selon le type d'études poursuivies. Les enfants reçoivent
davantage d'argent de poche lorsque leurs parents disposent de revenus importants et
appartiennent à des catégories sociales élevées.
Dès le plus jeune âge, ces aides sont incitatives de la part des parents et relèvent d'une
forme de réciprocité dans les relations entre générations : 18,2 % des familles qui ont
versé des aides ponctuelles l'ont fait pour inciter les enfants à travailler à l'école, 18,5 %
pour rémunérer des travaux faits à la maison. Les motivations des parents n’apparais-
sent donc pas seulement fondées sur l'altruisme.
* Christine Barnet-Verzat appartient au LEN-CEBS de la Faculté des sciences économiques de l’Université de Nantes et à l’Ined.
François-Charles Wolff apparersité de Nantes, à la Direction des
recherches de la CNAV et à l’Ined (Wolff@sc-eco.univ-nantes.fr).
Les noms et dates entre parenthèses renvoient à la bibliographie en fin d’article.
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nature, le temps d’éducation et la garde deses échanges entre les générations s’organi-
petits-enfants (1). La diffusion de chacune deLsent suivant deux circuits distincts, l’un de
ces formes de transfert apparaît significativenature privée par l’intermédiaire de la famille,
entre les générations (Attias-Donfut, 1995;l’autre de nature publique à travers la protec-
Crenner, 1999), mais cette multiplicité entravetion sociale et ses différents prélèvements et
la mesure précise de l’effort financier desredistributions. Parallèlement à l’avènement
parents à l’égard de leur progéniture.de l’État-providence et aux crises qui ont pu
l’affecter, les liens intergénérationnels ont fait
Les échanges monétaires viennent rythmer l’objet d’une redécouverte récente (Segalen,
les différents âges de la vie, avec chronologi-1995). Les changements démographiques de
quement de l’argent de poche, des dons ponc-ces dernières années ont, en effet, modifié de
tuels, des aides à l’acquisition du logement, desmanière fondamentale les relations entre les
donations et enfin des héritages. Les différentesgénérations.Avec l’allongement de la durée de
études statistiques se sont d’abord consacréesvie, la colongévité des générations successives
aux transferts reçus le plus tardivement dansqui en résulte a de profondes incidences sur le
le cycle de vie, héritages et donations, en rai-potentiel de solidarité au sein de la famille,
son de l’importance de ces sommes d’argenttant dans la vie quotidienne que dans les
dans le patrimoine des ménages (Accardo,périodes de crise, avec une multiplication des
1997 ; Accardo et al., 1996 ; Laferrère, 1988).échanges qui concernent désormais au moins
Plus récemment, Arrondel et Wolff (1998a) trois générations successives (Attias-Donfut,
et Laferrère (1997) se sont intéressés aux1996).
déterminants des différentes aides versées
aux enfants, sous forme de contributions pourAutrefois largement ascendantes, ces solida-
le logement, d’argent, de prêt et de caution.rités privées circulent aujourd’hui principa-
lement dans le sens descendant, à l’inverse des
Ces deux premiers types d’aides apportéestransferts publics qui sont dans une large
pendant la période de formation des enfantsmesure destinés aux plus âgés avec les
s’apparentent le plus souvent à des investis-retraites. L’enjeu de ces mécanismes de redis-
sements dans le capital humain des enfants.tribution familiale s’avère d’importance
Les prêts et les cautions correspondent davan-compte tenu de leur incidence dans le débat
tage à des transferts qui peuvent être expli-sur l’avenir des retraites, sur les inégalités
qués par le fait que les jeunes bénéficiairessociales et de manière plus large sur les ques-
sont souvent contraints par la liquidité, c’est-tions d’équité intergénérationnelle (Masson,
à-dire qu’ils ne peuvent emprunter librement1999).
sur les marchés financiers. Globalement, plus
de 40% des ménages qui ont des enfantsL’ordre de grandeur dont on dispose pour la
vivant hors du domicile parental leur ont déjàFrance atteste de l’ampleur de ces transferts
apporté au moins une aide et près d’un tiersfamiliaux. En 1994, les transferts monétaires
des jeunes de plus de 18 ans et non corésidentsinter vivos représenteraient ainsi près de
déclarent avoir reçu un don ponctuel en135milliards de francs par an et les trois-
argent des parents au cours des cinq dernièresquarts de ces flux financiers sont dirigés des
années, pour un montant moyen global d’envi-ascendants vers les descendants (de Barry et
ron 37 000 francs (Arrondel et Wolff, 1998a ;al., 1996); à ce montant s’ajoutent près de
Wolff, 2000a).200milliards de francs par an sous forme
d’héritages et de donations. Encore ne s’agit-il
En se limitant à des transferts organisés entrelà que de la partie facilement mesurable des
des unités générationnelles non corésidentes,transferts privés, les aides en nature et en
les études précédentes font l’impasse surtemps posant de sérieux problèmes d’évalua-
d’autres formes de solidarités qui semblenttion monétaire.
pourtant essentielles pour les jeunes sur le
plan économique. Il s’agit en particulier deLes évaluations précédentes sous-estiment
l’hébergement des enfants par les parents, quisans doute largement le poids du soutien fami-
lial en France. Ces échanges peuvent prendre
des formes diverses (Marpsat, 1991 ; Kessler et
al., 1991) : les aides des parents aux enfants
1. La liste n’est pas exhaustive : il convient également de prendreregroupent notamment les héritages et dona-
en compte les cadeaux de fin d’année qui représentent près de
tions, les aides financières, les prêts avanta- deux tiers du budget cadeaux des ménages (Herpin et Verger,
1996).geux, les dépenses d’éducation, les aides en
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a augmenté de manière sensible sur les 15 der- questions relatives à ce thème n'ont pas fait
nières années car leur départ se réalise de plus l'objet d'une investigation empirique précise.
en plus tardivement et sur une période plus Les analyses économiques se sont surtout
longue (Galland, 1995 ; Laferrère, 2000), ainsi intéressées à des transferts financiers entre
que de l’argent de poche. Lorsque les jeunes adultes, le soutien aux enfants étant exclusive-
sont étudiants et ce, quel que soit leur lieu de ment abordé dans sa dimension d'investis-
résidence, dans un logement propre ou au sement en capital humain. Cette étude s'inscrit
domicile parental, Herpin et Verger (1997) donc dans la réflexion récente sur la nature
rappellent que l’essentiel de leurs charges est des solidarités entre les générations et leur
assuré fi

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