La nouvelle économie et la mesure de la croissance
27 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

La nouvelle économie et la mesure de la croissance

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
27 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Dans le contexte de l'essor d'une nouvelle économie statistiquement difficile à mesurer, un doute a été jeté à la fois sur la croissance en Europe et sur sa comparabilité avec celle des États-Unis. On explore ici les problèmes de mesure en France. Les données à prix courants apparaissent fiables, même si l'information par type de produit devient de plus en plus délicate à élaborer. Contrairement à une idée bien établie, les différences dans la mise en application des fameuses méthodes hédoniques ont un impact faible sur données françaises. Il y a, en revanche, une différence de traitement entre la France et les États-Unis - et entre plusieurs pays européens et les États-Unis -, sur le partage entre dépenses finales et dépenses intermédiaires en produits informatiques. Les États-Unis comptabilisent plus de formation brute de capital fixe en logiciels, toutes choses égales par ailleurs, ce qui entraîne une croissance mesurée du PIB mécaniquement plus forte sur les dernières années. Cet écart pourrait résulter de processus industriels différents, mais on ne peut exclure qu'il pourrait ne provenir que de l'application d'une convention statistique différente. Dans ce cas, on pourrait parler d'un biais de comparabilité. La méthode utilisée majoritairement en Europe - qui préserve la comparabilité intra-européenne -, maintient une cohérence avec les résultats de la comptabilité privée, tandis que la méthode américaine s'en éloigne. L'utilisation du produit intérieur net au lieu de l'habituel produit intérieur brut améliore la comparabilité avec les États-Unis. À l'aune du produit intérieur net, le différentiel de croissance entre la France et les États-Unis est réduit d'un demi point en 1999.

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 31
Langue Français

Extrait

045-071 - Comparaisons 04/05/2001 13:44 Page 45
COMPARAISONS INTERNATIONALES
La nouvelle économie
et la mesure de la croissance
François Lequiller*
Dans le contexte de l’essor d’une nouvelle économie statistiquement difficile à mesurer,
un doute a été jeté à la fois sur la croissance en Europe et sur sa comparabilité avec celle
des États-Unis. On explore ici les problèmes de mesure en France. Les données à prix
courants apparaissent fiables, même si l’information par type de produit devient de plus
en plus délicate à élaborer. Contrairement à une idée bien établie, les différences dans
la mise en application des fameuses méthodes hédoniques ont un impact faible sur
données françaises.
Il y a, en revanche, une différence de traitement entre la France et les États-Unis – et
entre plusieurs pays européens et les États-Unis –, sur le partage entre dépenses finales
et dépenses intermédiaires en produits informatiques. Les États-Unis comptabilisent
plus de formation brute de capital fixe en logiciels, toutes choses égales par ailleurs, ce
qui entraîne une croissance mesurée du PIB mécaniquement plus forte sur les dernières
années. Cet écart pourrait résulter de processus industriels différents, mais on ne peut
exclure qu’il pourrait ne provenir que de l’application d’une convention statistique
différente. Dans ce cas, on pourrait parler d’un biais de comparabilité.
La méthode utilisée majoritairement en Europe – qui préserve la comparabilité intra-
européenne –, maintient une cohérence avec les résultats de la comptabilité privée,
tandis que la méthode américaine s’en éloigne. L’utilisation du produit intérieur net au
lieu de l’habituel produit intérieur brut améliore la comparabilité avec les États-Unis.
À l’aune du produit intérieur net, le différentiel de croissance entre la France et les
États-Unis est réduit d’un demi point en 1999.
*François Lequiller est chef du département des Comptes nationaux à l’Insee.
Les noms et dates entre parenthèses renvoient à la bibliographie en fin d’article.
45ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 339-340, 2000 - 9/10045-071 - Comparaisons 04/05/2001 13:44 Page 46
L’instabilité des produits TIC e nombreux économistes sont convaincusDque la nouvelle économie (1) a expliqué
Le récent rapport du Conseil National deen partie la croissance exceptionnellement
l’Information Statistique (Cnis) sur l’obser-soutenue, durable et non inflationniste de
vation statistique des Technologies de l’Infor-l’économie américaine des années 90. Le
mation et de la Communication (TIC) met débat s’est ensuite porté sur l’Europe. Allait-
en évidence le dilemme de la construction deelle aussi profiter d’un boom nouvelle écono-
séries statistiques qui supposent « un environ-mie ? Le présent article ne vise pas à répondre
nement stable » (Roussel et al., 2001). Or, l’éco-à cette question (2). Il vise à éclaircir un débat
nomie progresse en créant de l’instabilité :dans le débat, portant sur les insuffisances
disparitions/apparitions de produits, deéventuelles de la mesure de la nouvelle écono-
marchés, d’entreprises, fusions, absorptions,mie et sur l’impact de ces insuffisances sur la
modifications réglementaires, etc. Les produitsmesure de la croissance globale.
des TIC et la nouvelle économie en sont les
exemples récents les plus criants : startups,Ce débat sur la mesure n’est ni récent ni uni-
boom extraordinaire de la téléphonie mobile,quement français. Il a été sous-jacent à toutes
explosion des jeux vidéos, de l’Internet, de lales études sur la croissance et la productivité.
télévision par satellite, etc. Tout cela estAux États-Unis, il date au moins des années 80.
instable et particulièrement difficile à mesurer,Il a été relancé implicitement dans les années
car constitué de nouveaux produits et surtout90 par les conclusions de la commission
de nouveaux services, dont la quantité est tradi-Boskin qui critiquait la surestimation de l’in-
tionnellement toujours plus difficile à mesurer.flation (Boskin et al., 1996). En effet, qui dit
surestimation de la hausse des prix dit sous-
Doit-on pour autant renoncer à construire estimation de la croissance. Il est enfin revenu
des séries statistiques? Non, et l’Insee lesà la surface dans les dernières années aux
construit, y compris pour les TIC. Mais il seraitÉtats-Unis, avec les travaux sur la fin du para-
vain de nier que la statistique est mal à l’aisedoxe de Solow (3).
dans ce contexte car ses procédures reposent
sur la stabilité des unités (nomenclatures,
Ce débat a atteint l’Europe. Des économistes, pondérations, échantillons constants, etc.), ses
en France (Touati, 2000) et au Royaume-Uni réactions sont (parfois judicieusement) lentes
(Wadhwani, 2000a et 2000b), ont exprimé et ses moyens limités. L’exemple de l’indice
l’idée, largement reprise par la presse, d’un des prix à la consommation, largement utilisé
biais important sur la mesure de la croissance. en comptabilité nationale, illustre parfaite-
On a cité une sous-estimation de 0,4 ou 0,5 % ment la contradiction. Pour calculer un bon
par an, et jusqu’à 0,9 % par an. Comme la indice de prix, il faut comparer le prix de
Banque Centrale Européenne (BCE) et la produits identiques dans le temps alors que, en
Banque d’Angleterre ont des politiques pratique, il y a une multitude de produits qui
monétaires déterminées par des seuils absolus changent. Ainsi, pour prendre l’exemple de
(inflation inférieure à 2%) et que les ana- l’informatique, les statistiques de relevés de
lystes financiers comparent les croissances prix montrent que, de décembre d’une année à
américaines et européennes pour arbitrer sur décembre de l’année suivante, il n’y a aucun
les monnaies, le débat n’est pas purement micro-ordinateur identique dans le panier des
intellectuel. relevés de prix. Au contraire, la plupart des
relevés de prix sur les micro-ordinateurs ont
été changés deux fois et certains plus de troisCe débat a une forte composante de compa-
fois : le taux de « changement » des relevés deraison internationale. Si biais il y a, est-il plus
prix dépasse 300 % (Basher et Lacroix, 1999).ou moins important en Europe qu’aux États-
Unis ? Est-il plus ou moins important suivant
les pays européens ? Particulièrement intéres- 1. Voir la définition retenue dans la partie «L’instabilité des
produits TIC ».sant (4), ce développement implique des
2. Cette question est traitée, par exemple, dans Cette et al.comparaisons internationales très rigoureuses
(2001), Cohen et al. (2000), MINEFI (2000) et Schreyer (2000a).
qui, pour certaines, vont au-delà de cet article. 3. Cf. pour ces travaux Corrado et Slifman (1999), Fraumeni et al.
(1999), Griliches (1994), Gullickson et Harper (1999). Le para-L’Insee prépare pour la mi-2001 une compa-
doxe de Solow tenait dans la formule suivante : « On voit des
raison fouillée entre les données françaises ordinateurs partout sauf dans les statistiques ». En effet, les
statistiques, jusque dans les années récentes aux États-Unis, et américaines qui ira plus avant dans cette
ne montraient pas d’augmentation de la productivité liée à la
direction. Cependant, le présent article apporte généralisation des ordinateurs.
4. Cf. Deutsche Bundesbank (2000) et Grant (2000).des premiers éléments de réponse.
46 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 339-340, 2000 - 9/10045-071 - Comparaisons 04/05/2001 13:44 Page 47
Le défi de la statistique est justement de trouver et les deux autres à 1998. Les différences
une méthode pour continuer de comparer ces proviennent surtout du champ couvert. Pour le
données et d’en tirer des séries temporelles en chiffre du bas de la fourchette, les services
glissement annuel, même, et peut-être surtout, informatiques ont été exclus de la comparaison.
dans ces situations instables. La question d’un Le chiffre du haut de la fourchette correspond
biais de mesure de la croissance liée à l’explo- à une définition élargie, comprenant les activités
sion de la nouvelle économie est donc tout à audiovisuelles. L’estimation pour la France est
fait pertinente. plus convergente : d

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents