Les divergences d évolution des marchés du travail allemand et européens
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Depuis 1993, dernier creux conjoncturel, le taux de chômage de l'Allemagne a sensiblement augmenté et la situation du marché du travail s'est dégradée, alors qu'elle s'améliorait chez ses partenaires européens. Les problèmes du marché du travail se sont concentrés sur les actifs les moins qualifiés, et le chômage de longue durée a progressé, au contraire de presque toute l'Europe des 15. Ces divergences tiennent pour une part à la faiblesse de la croissance liée à la resynchronisation de la conjoncture allemande après le « boom » de l'unification. Pour une autre part, le fonctionnement du marché du travail s'est détérioré. En effet, l'économie allemande a dû faire face à plusieurs chocs de coûts au cours de la première moitié des années 90 : fortes hausses salariales jusqu'en 1993, hausses successives de cotisations sociales, passage de 36 à 35 heures dans la métallurgie en 1995 avec pleine compensation salariale. L'effort d'ajustement qu'a mené l'industrie après 1995 pour faire face à ces chocs a appauvri la croissance en emplois : sur le dernier cycle économique, le seuil au-delà duquel l'économie allemande crée des emplois a été supérieur à 2 %, contre environ 1,25 % en France. Cet effort de productivité s'est accompagné de plusieurs années de modération salariale, si bien que fin 1999, l'Allemagne avait regagné douze points sur les vingt de compétitivité-coût perdus entre 1987 et 1995. Ainsi, la résorption des chocs de coût a principalement émané des acteurs privés, des entreprises et des syndicats. Jusqu'en 1999, l'État n'a pas enrayé la montée des taux de cotisations sociales, n'a traité que partiellement le problème de l'emploi faiblement qualifié, et a introduit des mesures de flexibilité de façon limitée. En revanche, le gouvernement actuel souhaite dans le cadre de l'UEM renforcer les conditions internes nécessaires à une stabilité durable des prix. Il a aussi revitalisé la tradition de « pactes pour l'emploi », mais en y introduisant des ...

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Langue Français

Extrait

COMPARAISONS INTERNATIONALES
Les divergences d’évolution des
marchés du travail allemand
et européens
Marceline Bodier*
Depuis 1993, dernier creux conjoncturel, le taux de chômage de l’Allemagne a
sensiblement augmenté et la situation du marché du travail s’est dégradée, alors qu’elle
s’améliorait chez ses partenaires européens. Les problèmes du marché du travail se sont
concentrés sur les actifs les moins qualifiés, et le chômage de longue durée a progressé,
au contraire de presque toute l’Europe des 15.
Ces divergences tiennent pour une part à la faiblesse de la croissance liée à la
resynchronisation de la conjoncture allemande après le « boom » de l’unification. Pour
une autre part, le fonctionnement du marché du travail s’est détérioré. En effet,
l’économie allemande a dû faire face à plusieurs chocs de coûts au cours de la première
moitié des années 90 : fortes hausses salariales jusqu’en 1993, hausses successives de
cotisations sociales, passage de 36 à 35 heures dans la métallurgie en 1995 avec pleine
compensation salariale. L’effort d’ajustement qu’a mené l’industrie après 1995 pour faire
face à ces chocs a appauvri la croissance en emplois : sur le dernier cycle économique, le
seuil au-delà duquel l’économie allemande crée des emplois a été supérieurà2%, contre
environ 1,25 % en France. Cet effort de productivité s’est accompagné de plusieurs années
de modération salariale, si bien que fin 1999, l’Allemagne avait regagné douze points sur
les vingt de compétitivité-coût perdus entre 1987 et 1995.
Ainsi, la résorption des chocs de coût a principalement émané des acteurs privés, des
entreprises et des syndicats. Jusqu’en 1999, l’État n’a pas enrayé la montée des taux de
cotisations sociales, n’a traité que partiellement le problème de l’emploi faiblement
qualifié, et a introduit des mesures de flexibilité de façon limitée. En revanche, le
gouvernement actuel souhaite dans le cadre de l’UEM renforcer les conditions internes
nécessaires à une stabilité durable des prix. Il a aussi revitalisé la tradition de « pactes pour
l’emploi », mais en y introduisant des discussions sur les salaires. Ces évolutions ont mené
à la signature de textes non contraignants qui, au vu des accords salariaux signés depuis le
début 2000, semblent ouvrir la voie à une modération salariale plus durable.
* Marceline Bodier appartient à la direction de la Prévision.
Les noms et dates entre parenthèses renvoient à la bibliographie en fin d’article.
ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 332-333, 2000-2/3 65n 1999, avec 8,7 %, le taux de chômage de Encore favorablement située dans la moyenne de la
El’Allemagne unifiée (harmonisé par Eurostat) zone euro, la situation du marché du travail alle-
est légèrement inférieur à la moyenne de la zone mand s’est cependant dégradée dans les années 90.
euro (1) (10,0 %) (cf. graphique I). Cette moyenne En témoignent tout d’abord les signes d’essouffle-
pour l’ensemble du pays résulte de situations régio- ment du système de « formation duale » : depuis
nales très contrastées : alors qu’avec 16,5 %, le 1993, l’Allemagne est l’un des pays de la zone
taux de chômage dans les Länder de l’ex-Alle- euro, avec l’Italie, la Belgique et le Luxembourg,
magne de l’Est est, avec celui de l’Espagne, très où le taux de chômage des jeunes de moins de 25
nettement au-dessus de tous les autres pays, celui ans a augmenté. De plus, le taux de chômage des
de l’Allemagne de l’Ouest n’atteint que 6,7 %. jeunes Allemands a davantage progressé que celui
de la moyenne de la population.
À l’instar de l’ensemble de la population, le taux de
chômage des jeunes est nettement plus bas en Alle- Ensuite, la déformation de l’emploi au profit des
magne que dans la zone euro (cf. tableau 1) ; plus qualifiés, commune à tous les pays européens
d’après Eurostat, le taux de chômage des moins de (le coût du travail peu qualifié s’étant davantage
25 ans était de 9,0 % en 1999, soit moins de la moi- accru que sa productivité avec l’augmentation des
tié de celui de la zone euro (19,0 %) et de celui de la exigences requises par le développement tech-
France (23,6 %). L’importance du système nique), est particulièrement prononcée en Alle-
d’apprentissage continue, en effet, de protéger les magne (FMI, 1999). Ainsi, le taux de chômage
jeunes du chômage : la « formation duale », un des (issu des données du microrecensement) des
piliers du système de allemand, alterne non-qualifiés était en 1997 de 26,9 %, contre
les périodes d’apprentissage en entreprise et de 11,3 % en moyenne (cf. graphique II) ; par rapport à
cours théoriques, et favorise l’insertion des jeunes 1993, il s’était accru de 6,6 points, alors qu’il n’avait
dans la vie professionnelle. progressé que de 2,2 points en moyenne, et qu’il
avait même reculé de 0,5 point pour les titulaires
d’un diplôme d’enseignement technique supérieur
Tableau 1 (Fachhochschule) (Reinberg et Rauch, 1998).
Taux de chômage des jeunes de moins de 25
ans, harmonisés par Eurostat Enfin, en 1998, plus de la moitié des chômeurs
allemands étaient sans emploi depuis au moinsEn %
douze mois, part un peu plus forte que dans l’Union1993 1999 1993-1999
France 27,3 23,6 - 3,7
Allemagne 7,9 9,0 1,1
Allemagne de l’Ouest 6,5 8,2 1,7
1. La zone euro regroupe onze pays, France, Allemagne, Italie,
Allemagne de l’Est 13,3 12,0 - 1,3
Belgique, Pays-Bas, Luxembourg, Irlande, Espagne, Portugal,
Zone euro 22,2 19,0 - 3,2 Autriche, Finlande. Ainsi, le Royaume-Uni, le Danemark, la Grèce
et la Suède sont les quatre autres pays de l’Union européenne qui
n’en font pas partie.Source : Eurostat.
Graphique I
Taux de chômage harmonisés d’Eurostat en 1999
%
Moyenne dans la zone euro
Source : Eurostat.
66 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 332-333, 2000-2/3européenne, et encore plus qu’en France (cf. dénombre, puis convertit le nombre de bénéficiai-
tableau 2). De plus, l’Allemagne est, avec res des mesures en équivalents temps plein, ce qui
l’Autriche, le pays où le chômage de longue durée permet de mesurer l’« allégement du marché du
s’est le plus développé depuis 1995, évolution travail » (principalement à l’Est) qu’elles provo-
d’autant plus défavorable qu’en moyenne dans quent (Collectif d’auteurs, 1998).
l’Union européenne, il s’est stabilisé.
D’après l’IAB, l’ensemble de ces mesures concer-
nait 1,2 million de personnes en 1998, dont
Des mesures de politique active 700 000 à l’Est. Ce nombre permet un « allégement
du marché du travail très présentes substantiel » du marché du travail : l’emploi aidé
représente l’équivalent de plus de 400 000 emplois
Les mesures de politique (2) active du travail sont à temps plein, soit 1,2 % de l’emploi total ; le
très présentes en Allemagne, notamment à l’Est, où nombre de personnes placées dans une mesure qui
elles ont été massivement transposées au moment les sort de la population active représente
de l’unification, pour y limiter l’effondrement de
l’emploi. Pour un tiers des programmes environ, 2. Conformément à l’optique adoptée par l’étude de l’IAB sur
laquelle se base ce paragraphe (Collectif d’auteurs, 1998), il s’agitles mesures sont des aides au maintien en activité :
ici des mesures de politique active du marché du travail, visant à
chômage partiel, indemnités d’intempéries dans le
créer des emplois aidés ou à aider des chômeurs à se réinsérer
BTP, programmes « ABM » de travaux d’intérêt sur le marché du travail, mais également, dans un sens plus large,
de l’ensemble des mesures qui aboutissent à réduire le nombre decollectif (Arbeitsbeschaffungsmaßnahmen, littéra-
chômeurs.
lement « mesures de créations d’emplois »), sub- 3. Les Sages sont un groupe de cinq économistes qui rédigent
chaque année en novembre un rapport sur la situation écono-ventions aux coûts salaria

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