Les effets à rebours de l âge de la retraite sur le taux d emploi des seniors
18 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Les effets à rebours de l'âge de la retraite sur le taux d'emploi des seniors

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
18 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Comment assurer la pérennité du système de retraite français par l'allongement de la vie active lorsque moins d'un salarié sur deux parvient aujourd'hui à prendre sa retraite sans passer préalablement par l'inactivité ou le chômage ? Une partie du problème de l'inactivité des travailleurs âgés avant 60 ans pourrait se trouver au contraire dans la faible incitation à travailler au-delà de l'âge normal de la retraite déterminé par l'âge du « taux plein ». L'âge de la retraite introduit une fin de cycle de vie active qui modifie les comportements de recherche d'emploi lorsque les agents se rapprochent de cet horizon, mais également le comportement des entreprises dans leur stratégie de recrutements et de licenciements. Au niveau international, le taux d'emploi des 55 à 59 ans semble ainsi positivement corrélé avec l'âge de retraite effectif. Sur données individuelles, la probabilité d'être en emploi apparaît liée à la distance à l'âge du taux plein de la retraite.

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 43
Langue Français

Extrait

RETRAITES
Les effets à rebours de l’âge
de la retraite sur le taux d’emploi
des seniors
Jean-Olivier Hairault*, François Langot**
et Thepthida Sopraseuth***
Comment assurer la pérennité du système de retraite français par l’allongement de la
vie active lorsque moins d’un salarié sur deux parvient aujourd’hui à prendre sa retraite
sans passer préalablement par l’inactivité ou le chômage ? Une partie du problème de
l’inactivité des travailleurs âgés avant 60 ans pourrait se trouver au contraire dans la
faible incitation à travailler au-delà de l’âge normal de la retraite déterminé par l’âge du
« taux plein ». L’âge de la retraite introduit une fi n de cycle de vie active qui modifi e les
comportements de recherche d’emploi lorsque les agents se rapprochent de cet horizon,
mais également le comportement des entreprises dans leur stratégie de recrutements et
de licenciements. Au niveau international, le taux d’emploi des 55 à 59 ans semble ainsi
positivement corrélé avec l’âge de retraite effectif. Sur données individuelles, la proba-
bilité d’être en emploi apparaît liée à la distance à l’âge du taux plein de la retraite.
* Université Paris-1 Panthéon-Sorbonne. Adresse : Centre d’Économie de la Sorbonne, 106 boulevard de l’Hôpital,
75013 Paris, France. Courriel : joh@univ-paris1.fr.
** Gains, Université du Maine, Cepremap et PSE Jourdan. Adresse : Cepremap, ENS - 48 boulevard Jourdan, 75014
Paris, France. Courriel : fl angot@univ-lemans.fr.
*** EPEE, Université d’Evry, Cepresse : EPEE, Université d’Evry, 4 boulevard F. Mitterrand,
91025 Evry Cedex, France. Courriel : tsoprase@univ-evry.fr.
Ce travail a bénéfi cié du fi nancement du Commissariat Général au Plan, rapport fi nalisé avec le Cepremap, décembre
2004. Nous remercions les deux rapporteurs anonymes ainsi que les participants aux colloque Théorie et Méthodes
de la Macroéconomie (2005), au congrès de l’Association française de Sciences économiques (2005), au séminaire
Fourgeaud (2006) pour leurs remarques. Nous demeurons seuls responsables des éventuelles erreurs et omissions.
ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 397, 2006 51e taux d’activité entre 55 et 59 ans est très des seniors (obsolescence du capital humain, L faible en France. Il n’atteint que 54 % alors usure et pénibilité du travail en fi n de carrière,
qu’il est de 60 % en Allemagne, de 68 % aux etc.), qu’il convient de ne pas sous-estimer, la
États-Unis, de 72 % au Japon et même de 78 % distance relativement à l’âge du taux plein, qui
en Suède (OCDE, 2003). Depuis les années détermine l’horizon des seniors, pourrait consti-
1970, le départ des seniors du marché du tra- tuer un facteur explicatif important. Si ce point
vail est facilité par le système des préretraites pouvait être étayé empiriquement, il donnerait
d’abord, puis par des dispositifs de dispense de un rendement inattendu aux stratégies de recul
recherche d’emploi. On peut considérer que ces de l’âge de la retraite : non seulement le taux
dispositifs ne font que répondre à une demande d’inactivité des seniors n’en constituerait pas
conjointe des employeurs et des employés. Les une limite, mais elles seraient en elles-mêmes
entreprises préfèrent embaucher des travailleurs en mesure de contribuer à l’augmentation de
plus jeunes, licencient en priorité les seniors et l’emploi des seniors (3). La réforme de 1993
proposent moins de formation à leurs travailleurs (dite « réforme Balladur ») n’a pas augmenté de
âgés (1). Le progrès technique, qui tend à ren- façon signifi cative l’âge de la retraite, les géné-
dre obsolètes les compétences, et la progression rations concernées atteignant en général le taux
des salaires à l’ancienneté pourraient expliquer plein avant 60 ans. Ce n’est que progressivement
cette situation (2). que l’âge de la retraite va augmenter sous le jeu
de l’accroissement de la durée de cotisation de
Mais une partie des problèmes des seniors référence et de l’augmentation de l’âge d’entrée
pourrait également venir du fait que la fi n de dans la vie active. (1) (2) (3)
vie active crée en elle-même un horizon court,
rendant tout investissement non rentable. Le La distance à la retraite est-elle un facteur
faible taux d’emploi des seniors ne serait alors explicatif du taux d’emploi des seniors ? Notre
pas un problème pour la prolongation d’acti- travail vise donc à apporter des réponses empi-
vité. Au contraire, ce serait l’anticipation d’une riques à cette question (4). Nous ne cherchons
retraite très proche qui tendrait à diminuer le pas à distinguer les facteurs d’offre des fac-
taux d’emploi entre 55 et 59 ans. Quelle inci- teurs de demande, ce qui explique que nous
tation a une entreprise ou un travailleur pour privilégions le taux d’emploi comme variable
engager une formation coûteuse lorsque la explicative. Nous présentons deux séries d’es-
retraite se profi le de façon certaine à l’horizon ? timation. La première est fondée sur la relation
Quelle incitation existe-t-il à rechercher un tra- entre le taux d’emploi des 55-59 ans et l’âge de
vail, si l’on sait que le niveau de la pension retraite effectif au niveau international. Plus ce
sera similaire, que l’on retrouve un emploi ou dernier est éloigné, plus le taux d’emploi est
que l’on reste en inactivité ? Comment imagi- élevé. Cette simple observation macroéconomi-
ner que les entreprises avec un horizon si court que en coupe transversale sur un échantillon de
vont rechercher un travailleur âgé et accepter pays, sans correction de l’infl uence éventuelle
des coûts de recherche qu’elles n’auront pas d’autres variables, n’est bien sûr qu’une pre-
le temps de rentabiliser ? Face à des diffi cultés mière étape. Notons que nous prenons bien le
passagères, une entreprise préfère licencier des taux d’emploi avant l’âge de la retraite, pour
seniors dont la durée de vie dans l’entreprise est bien mettre en avant les effets à rebours de l’âge
de toute façon réduite, et garder les plus jeunes
pour éviter des coûts de recherche lorsque la
1. La contribution Delalande adoptée en 1987 a tenté de frei-conjoncture se sera améliorée. Autrement dit,
ner cette dynamique défavorable aux seniors en instaurant
l’horizon court qui est créé par la proximité de des coûts de licenciement plus élevés pour les travailleurs de
plus de 55 ans. Behaghel et al. (2004) montrent en particulier la retraite tendrait à rendre tout investissement
que la contribution Delalande dissuaderait les embauches, les
des et dans les seniors non profi table. Offre entreprises évitant l’embauche de travailleurs âgés, afi n de ne
pas risquer d’être redevables ultérieurement de cette taxe. Les et demande de travail se conjugueraient pour
décisions de licenciement des entreprises seraient en revanche
expliquer la faiblesse du taux d’emploi à proxi- peu sensibles aux fortes variations du barème de la contribution
Delalande.mité de l’âge de la retraite.
2. L’estimation de la productivité des travailleurs âgés se heurte à
des diffi cultés empiriques (Aubert et Crépon, 2004). Cependant,
il semble que les seniors souffrent d’obsolescence de leurs qua-Depuis le début des années 1980, compte tenu
lifi cations dans certains secteurs où apparaissent de nouvelles
de la durée de cotisation minimale requise technologies (Neuman et Weiss, 1995) et des changements
organisationnels (Aubert et al., 2004).pour atteindre le taux plein, 60 ans est devenu
3. Hairault et al. (2006) proposent un modèle de recherche d’em-l’âge « normal » de la retraite, au sens où il est ploi avec cycle de vie pour illustrer ce point.
4. Il n’existe pas à notre connaissance de travaux empiriques sur devenu une norme sociale, façonnant les com-
cette question. Bettendorf et Broer (2003) et Benitez-Silva (2005) portements des acteurs bien avant cet âge. Au-
proposent dans la lignée de Seater (1977) une approche théori-
delà des explications usuel

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents