Les entreprises et la baisse du prix des ordinateurs
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Les entreprises ont bénéficié de fortes baisses des prix des équipements informatiques dans les dernières décennies. L'objet de cet article est de mesurer l'effet de ces baisses sur un ensemble de caractéristiques de l'entreprise. Quelle est l'ampleur du choc d'offre associé ? Comment en sont modifiées les demandes des facteurs de production ? Travailleurs qualifiés et non qualifiés sont-ils en particulier affectés de manière identique ? La méthode adoptée repose sur l'estimation d'une fonction de production à partir de laquelle on calcule les élasticités du coût marginal de production, de la demande de travail agrégée et de la demande relative de qualification au prix des ordinateurs. Il apparaît d'abord que la baisse du prix des ordinateurs constitue un choc d'offre important, en termes de réduction du coût marginal de production. Une baisse de 15 % du prix des ordinateurs (moyenne annuelle sur longue période) induit ainsi une baisse du coût marginal de l'ordre de 0,7 %, les prix des autres facteurs étant fixés. On trouve ensuite des effets importants sur les demandes de facteurs. L'accumulation d'ordinateurs engendrée par la baisse de leur prix apparaît biaisée vers le capital au détriment du travail, et au sein de ce dernier, vers le travail qualifié au détriment du travail non qualifié. Une baisse de 15 % du prix des ordinateurs engendre une hausse de l'ordre de 3,5 % du ratio de l'emploi qualifié sur l'emploi non qualifié, les prix des autres facteurs étant fixés. Cet effet est spécifique au capital informatique : aucun effet analogue n'a pu être mis en évidence pour les autres biens de capital. La méthode traditionnelle d'estimation directe d'une demande de travail à capital quasi fixe fournit une évaluation du biais de qualification associé aux ordinateurs beaucoup moins forte que l'approche par la fonction de production développée ici. Enfin, les effets trouvés, tant sur le coût marginal que sur la demande relative de qualification,apparaissent...

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Langue Français

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ENTREPRISES
Les entreprises et la baisse
du prix des ordinateurs
Une analyse microéconomique
par la fonction de production
Pierre Biscourp, Bruno Crépon, Thomas Heckel et Nicolas Riedinger*
Les entreprises ont bénéficié de fortes baisses des prix des équipements informatiques
dans les dernières décennies. L’objet de cet article est de mesurer l’effet de ces baisses
sur un ensemble de caractéristiques de l’entreprise. Quelle est l’ampleur du choc d’offre
associé ? Comment en sont modifiées les demandes des facteurs de production ?
Travailleurs qualifiés et non qualifiés sont-ils en particulier affectés de manière
identique ? La méthode adoptée repose sur l’estimation d’une fonction de production à
partir de laquelle on calcule les élasticités du coût marginal de production, de la demande
de travail agrégée et de la demande relative de qualification au prix des ordinateurs.
Il apparaît d’abord que la baisse du prix des ordinateurs constitue un choc d’offre
important, en termes de réduction du coût marginal de production. Une baisse de 15 %
du prix des ordinateurs (moyenne annuelle sur longue période) induit ainsi une baisse du
coût marginal de l’ordre de 0,7 %, les prix des autres facteurs étant fixés. On trouve
ensuite des effets importants sur les demandes de facteurs. L’accumulation d’ordinateurs
engendrée par la baisse de leur prix apparaît biaisée vers le capital au détriment du
travail, et au sein de ce dernier, vers le travail qualifié au détriment du travail non
qualifié. Une baisse de 15 % du prix des ordinateurs engendre une hausse de l’ordre de
3,5 % du ratio de l’emploi qualifié sur l’emploi non qualifié, les prix des autres facteurs
étant fixés. Cet effet est spécifique au capital informatique : aucun effet analogue n’a pu
être mis en évidence pour les autres biens de capital.
La méthode traditionnelle d’estimation directe d’une demande de travail à capital quasi
fixe fournit une évaluation du biais de qualification associé aux ordinateurs beaucoup
moins forte que l’approche par la fonction de production développée ici. Enfin, les effets
trouvés, tant sur le coût marginal que sur la demande relative de qualification,
apparaissent plus forts dans l’industrie manufacturière que dans les services.
* Pierre Biscourp, Thomas Heckel et Nicolas Riedinger appartenaient à la division Marchés et stratégies d’entreprises de l’Insee au
moment de la rédaction de cet article. Bruno Crépon appartient au Crest-Insee.
Les noms et dates entre parenthèses renvoient à la bibliographie en fin d’article.
ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 355-356, 2002 3
epuis plusieurs décennies, les entreprises fixe. Dans cette approche, les stocks de capital et
ont pu bénéficier des progrès technologi- de capital informatique sont considérés commeD
ques continus réalisés dans les secteurs des donnés et on examine la sensibilité de la varia-
technologies de l’information et de la communi- ble d’intérêt à l’augmentation de l’un de ces fac-
cation. Ils se sont matérialisés à la fois par un teurs. Il est néanmoins préférable d’évaluer
accroissement considérable des services rendus directement l’effet de la baisse du prix des ordi-
par ces technologies et par une baisse de leur nateurs. En effet, cette baisse est pour les entre-
prix. prises l’évolution qui s’impose à elles et à
laquelle elles répondent de façons variées.
La baisse du coût des ordinateurs qui en a résulté L’objet de cet article est de développer une
peut être vue comme une évolution exogène méthode permettant de relier les évolutions de
trouvant son origine dans une vague d’innova- l’offre de biens et de la structure des qualifica-
tions technologiques (1). Les entreprises ont en tions à la baisse du prix des ordinateurs. On
conséquence massivement investi dans les équi- adopte ici une définition large des « non-
pements informatiques. Dans la plus grande par- qualifiés », fondée sur la catégorie socioprofes-
tie des pays de l’OCDE les investissements dans sionnelle, et englobant tous les ouvriers et tous
les technologies de l’information ont crû à un les employés. Par complément, la catégorie des
rythme annuel moyen de 15 % au cours des qualifiés comprend les dirigeants, les cadres et
années 1990 (Colecchia et Schreyer, 2001). Une les professions intermédiaires.
question importante est de mesurer l’ampleur du
choc d’offre associé à cette accumulation ainsi
Une évaluation fondée sur l’estimation que ses effets sur la demande de travail et la
d’une technologie de type translogcomposition de la main-d’œuvre.
Les études macroéconomiques ont largement L’identification et la mesure de l’effet de la
discuté l’ampleur du choc d’offre (Oliner et baisse du prix des ordinateurs sur les décisions
Sichel, 2000 et Gordon, 2000 sur données des entreprises sont néanmoins complexes. La
américaines ; Crépon et Heckel, 2000 et Mai- principale difficulté que l’on rencontre est que
resse et al., 2000, sur données françaises). Elles la baisse du prix des ordinateurs est la même
ont également montré que le développement du pour toutes les entreprises. On ne peut donc
commerce international n’était pas la première avoir recours aux traditionnelles équations de
cause de la baisse de la demande de travail non demande de facteurs dans la mesure où il
qualifié. Elles ont ainsi laissé par défaut ce rôle n’existe pas de variabilité dans les prix des ordi-
à l’adoption de nouvelles technologies et en par- nateurs d’une entreprise à l’autre. On développe
ticulier celles de l’information. Les études dans cet article une méthode originale fondée
microéconométriques ont de leur côté permis de sur l’approche dite primale permettant de con-
conclure à un effet positif de l’accumulation de tourner cette difficulté. (1)
capital informatique sur l’offre des entreprises
(Lehr et Lichtenberg, 1998) et sur la demande Cette méthode consiste à estimer une fonction
relative de qualification (Bresnahan, Brynjolfs- de production relativement flexible de type
son et Hitt, 2002). Elles ont aussi mis en évi- translog faisant intervenir deux qualifications,
dence que les entreprises qui adoptent les tech- le capital informatique et le capital usuel. On
nologies de l’information sont aussi celles qui déduit des paramètres de la technologie et des
se réorganisent le plus (Gollac et al., 2000 ; volumes des facteurs propres à chaque entre-
Cases et Rouquette, 2000). Ce lien est générale- prise la sensibilité de la demande des différents
ment expliqué par l’existence d’interactions facteurs à une baisse du prix des ordinateurs.
entre les effets de ces deux types d’innovations Les élasticités-prix des demandes de facteurs
(Brynjolfsson et Hitt, 2000, sur données sont reliées de façon univoque à la technologie
d’entreprises et Askenazy et Gianella, 2000, sur de production et aux volumes des facteurs. On
données sectorielles). explicite ces relations pour l’élasticité de la
demande de travail total de l’entreprise ainsi
Dans ces études, l’effet de l’informatisation est que pour chacune des deux qualifications que
appréhendé en examinant l’effet d’une accumu- l’on considère. Pour déterminer l’ampleur du
lation de capital informatique qu’il s’agisse de
l’offre ou de la structure des qualifications. La
1. Cette baisse du prix des ordinateurs a été parfois interprétéequestion du biais du progrès technique a ainsi
comme une manifestation de la loi dite de « Moore », l’un desété examinée en général en estimant des équa- fondateurs de Intel, qui prédisait en 1965 que le nombre de tran-
tions de demande de travail dites à capital quasi sistors par circuit intégré doublerait tous les 18 mois.
4 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 355-356, 2002
choc d’offre, on calcule suivant des raisonne- Ces paramètres permettent de quantifier l’effet
ments analogues la sensibilité du coût marginal d’une baisse du prix des ordinateurs sur le coût
de

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