Productivité du travail : la fin du processus de convergence ?
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Entre 1950 et 1973, un processus de convergence des niveaux de productivité du travail était observable entre les États-Unis, considérés comme le leader technologique du monde, et les pays d’Europe de l’Ouest et le Japon. Mais ce processus s’est progressivement atténué pour disparaître complètement depuis 1995. Cette étude vise à expliquer les raisons de l’interruption de ce processus de convergence. À cette fin, elle utilise les tests économétriques développés par Bai et Perron pour déterminer les dates de rupture des tendances. Aux États-Unis, la croissance de la productivité du travail accélère à partir de 1992, tandis qu’elle ralentit dans la plupart des pays européens. Le progrès technologique, lié au développement des technologies de l’information et de la communication (TIC), explique une partie du regain de la productivité du travail aux États-Unis, mais en revanche, il ne cadre pas avec le ralentissement de la croissance de la productivité du travail en Europe. En effet, même si son taux d’investissement en TIC est en retrait par rapport à celui des États-Unis, il s’est accru considérablement. Une explication essentielle tient à l’intensité du contenu en emplois de la croissance. Alors qu’il diminue nettement aux États-Unis, il s’accroît sensiblement en Europe où il permet de réduire le chômage de masse. Les données les plus récentes, pour l’année 2008, confirment le diagnostic de non-convergence des tendances de productivité du travail.

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Langue Français

Extrait

ÉCONOMIE
Productivité du travail :
la fn du processus de convergence ?
Clément Bosquet* et Michel Fouquin**
Entre 1950 et 1973, un processus de convergence des niveaux de productivité du tra-
vail était observable entre les États-Unis, considérés comme le leader technologique du
monde, et les pays d’Europe de l’Ouest et le Japon. Mais ce processus s’est progressi-
vement atténué pour disparaître complètement depuis 1995. Cette étude vise à expliquer
les raisons de l’interruption de ce processus de convergence. À cette fn, elle utilise les
tests économétriques développés par Bai et Perron pour déterminer les dates de rupture
des tendances. Aux États-Unis, la croissance de la productivité du travail accélère à par-
tir de 1992, tandis qu’elle ralentit dans la plupart des pays européens. Le progrès techno-
logique, lié au développement des technologies de l’information et de la communication
(TIC), explique une partie du regain de la productivité du travail aux États-Unis, mais en
revanche, il ne cadre pas avec le ralentissement de la croissance de la productivité du tra-
vail en Europe. En effet, même si son taux d’investissement en TIC est en retrait par rap-
port à celui des États-Unis, il s’est accru considérablement. Une explication essentielle
tient à l’intensité du contenu en emplois de la croissance. Alors qu’il diminue nettement
aux États-Unis, il s’accroît sensiblement en Europe où il permet de réduire le chômage
de masse. Les données les plus récentes, pour l’année 2008, confrment le diagnostic de
non-convergence des tendances de productivité du travail.
* Greqam Université Aix Marseille
** Directeur adjoint du Cepii ; michel.fouquin@cepii.fr
Nous remercions Gilbert Cette, Agnès Benassy-Quéré et deux rapporteurs anonymes pour leurs remarques ainsi que
les participants à l’atelier productivité du 10 Décembre 2008.
ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 419-420, 2008 125ntre 1950 et 1973, un processus de conver- plus récente de 1995 à 2003 (cf. graphique II). E gence en niveau de la productivité du tra- Le processus de rattrapage n’existe plus ; il est
vail entre les États-Unis, considérés comme les vrai aussi que les écarts de niveau du PIB par
leaders technologiques du monde, et les pays employé sont beaucoup plus faibles au cours de
d’Europe de l’Ouest, du Japon et de la Corée la dernière période qu’au cours de la première
était observable. Depuis le milieu des années (du simple au double en 1995, contre du simple
11990, la productivité apparente du travail des au quintuple en 1950).
pays développés a évolué de façon très contras-
tée. Des retournements de tendance sont apparus
tant aux États-Unis que dans une grande partie
Les ruptures de tendancedes autres pays développés.  Il y a eu une accé-
lération des gains de productivité du travail et de
la productivité globale des facteurs aux États- ’observation précédente conduit à recher-
Unis et dans quelques autres pays comme la L cher l’existence et la date d’éventuelles
Suède, alors que ces deux indicateurs ont ralenti ruptures de tendance de la croissance de la pro-
dans de nombreux pays d’Europe de l’Ouest, en ductivité. Les changements observés sont-ils
Corée du Sud et au Japon. Deux explications ont durables ou correspondent-ils à de simples fuc -
prévalu jusqu’au début des années 2000 pour tuations conjoncturelles ? À cette fn, on recourt
rendre compte de ces transformations : d’une à une série de tests statistiques (cf. encadré 2).
part, l’émergence de la « nouvelle économie »
aux États-Unis et le retard pris dans ce domaine Plusieurs études ont été réalisées sur ce sujet.
par d’autres pays et d’autre part, les réformes L’une des plus complètes et des plus récentes a
économiques en Europe, notamment celles été menée par Maury et Pluyaud (2007) dont on
concernant le marché du travail pour favoriser le rappelle ici les principaux résultats. Sur le très
retour à l’emploi. Dans quelle mesure ces diver- long terme, les ruptures dans les séries de crois-
gences apparues depuis 1995 s’expliquent-elles sance de productivité du travail par employé,
ainsi, et sont-elles durables ? apparaissent peu nombreuses. Dans le cas de
l’économie américaine - qui est la mieux connue
Pour essayer de répondre à cette interrogation, statistiquement et dont l’histoire politique est la
plusieurs bases de données sont mises à contri- moins troublée - deux ruptures de la produc-
bution : celle de Heston et al. (2006) est utilisée tivité par employé interviennent entre 1890 et
pour les séries longues commençant en 1950, 2002 (sur données annuelles). La première cor-
celles de l’OCDE pour les séries trimestrielles respond à une accélération après 1922 (ou 1933
les plus récentes, de même que pour les taux selon le test utilisé) de 1,3 % à 2,5 %, la seconde
d’emploi, et la durée du travail. Enfn c’est la est un ralentissement intervenant après 1967 (ou
base élaborée par le consortium EU KLEMS (cf. 1973) de 2,5 à 1,3 %. En utilisant des données
encadré 1) qui a principalement servi aux ana- trimestrielles, ces auteurs trouvent une troisième
lyses de contribution des facteurs de production rupture, à la hausse cette fois, correspondant à
et pour les données sectorielles. une accélération après 1995 de la croissance de
2la productivité horaire de 1,4 % à 2,2 %.
Pendant la période 1950-1970, la croissance de
la production par employé (1) dans 21 pays de En France, entre 1890 et 2002, une première
l’OCDE apparaît d’autant plus élevée que le rupture survient à la hausse pour la croissance
niveau de départ était faible (cf. graphique I). de la productivité par employé après 1945 (2),
Plus le point de départ est faible, plus la crois- de 0,6 % à 5,4 % par an, accélération qui se
sance du PIB par employé est forte, ce qui cor- maintient jusqu’en 1970. En données trimes-
respond bien à l’idée de convergence. Le taux de trielles, une deuxième rupture apparaît au troi-
croissance est compris entre 2 % pour les États- sième trimestre 1973, à la baisse, la croissance
Unis, le pays le plus avancé du groupe, et 8 % ralentissant de 5 % à 2,1 % par an. Une troi-
pour le Japon qui est le pays le moins avancé sième rupture de nouveau à la baisse se produit
en 1950. Cette corrélation n’est cependant pas après le troisième trimestre 1995, les gains de
vérifée en dehors de l’Europe, sauf pour les
pays d’Asie de l’Est, où elle n’apparaît toutefois
clairement qu’à partir des années 1970.
1. La durée du travail par employé, pour laquelle on ne dispose
que de données très parcellaires sur cette période ancienne, ten-
dant à se réduire, la productivité horaire devait en moyenne être Cependant cette corrélation s’affaiblit pro-
proche de 4 % par an.gressivement au fl du temps, et elle disparaît
2. Les auteurs utilisent une interpolation simple pour évaluer les
même complètement au cours de la période la données couvrant les années de guerre.
126 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 419-420, 2008productivité du travail se limitant à 1,1 % par an à prix constant au total des emplois - qui sont les
(Maury et Pluyaud, 2007). plus longues et couvrent la période 1960-2007
(cf. tableau 1-A). Une deuxième série de tests
est faite sur les mêmes données mais sur la
La rupture du premier choc pétrolier, période 1975-2007 (cf. tableau 1-B).
1973-1974
10 pays sur 18 connaissent une rupture au
Des tests sont effectués tout d’abord pour moment du premier choc pétrolier entre 1972 et
18 pays de l’OCDE sur les séries de producti- 1974, rupture qui correspond en moyenne à une
vité par employé - soit le rapport du PIB mesuré très forte réduction, proche de 60 % de la crois-
Graphique I Graphique II
Croissance annuelle moyenne entre 1950 et Croissance annuelle moyenne entre 1995 et
1970 et niveau du PIB par employé en 1950, 2003 et niveau du PIB par employé en 1995,
dans les pays développés dans les pays développés
En % En %
7 7
6 6
5 5
4 4
y = - 0,000001x + 2,1792

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