Enjeux et défis en santé publique - article ; n°2 ; vol.7, pg 83-90
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Santé, Société et Solidarité - Année 2008 - Volume 7 - Numéro 2 - Pages 83-90
Malgré plusieurs gains faits au cours des dernières années au Québec concernant l’évolution de la santé de la population, force est de constater que d’importants défis demeurent eu égard aux inégalités sociales de santé, au fardeau des maladies chroniques, aux risques liés aux épidémies et aux menaces environnementales, aux problèmes psychosociaux. En outre, la gouverne du système de santé et de services sociaux est particulièrement mise à l’épreuve. Le Québec dispose de plusieurs leviers nécessaires pour relever ces défis qui demandent d’investir davantage en prévention afin d’agir sur les déterminants de la santé. De fait, au fil des réformes, des efforts ont été réalisés pour intégrer la prévention dans le système, qui a d’ailleurs comme particularité d’intégrer le social et la santé dans les services de la première ligne. Le Québec s’est doté d’une Loi sur la santé publique incluant l’ensemble des fonctions essentielles de santé publique, basé sur un réseau d’acteurs de santé publique aux divers paliers de gouverne, d’un Programme national de santé publique (2003-2012) déterminant des objectifs et cibles d’action prioritaires, d’un Institut national de santé publique qui regroupe de l’expertise de référence et, plus récemment, d’une École de santé publique mise en place à l’Université de Montréal
Despite several gains made in Quebec over recent years with regard to the health of the population, it must be recognized that important challenges still lie ahead with respect to social inequalities affecting health, the burden of chronic diseases, the risks related to epidemics and environmental threats, and psychosocial problems. Moreover, governance of the health and social services system is under particular strain. Quebec has at its disposal the many levers needed to meet these challenges which will require greater investment in prevention in order to act upon the determinants of health. In fact, through recent reforms, efforts have been made to integrate prevention into the system, one innovation of which is to include both social services and health services in its provision of front-line services. Quebec now has among its arsenal a Public Health Act including all of the essential responsibilities related to public health based on a network of public health actors at the various levels of government, a Quebec Public Health Program (2003-2012) which sets out objectives and targets for priority actions, a National Public Health Institute (Institut national de santé publique) which brings together reference expertise, and, finally, a School of Public Health, which was recently set up at
Université de Montréal
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Publié le 01 janvier 2008
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Langue Français
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LO R G A N I S A T I O N
dossierBilan des réformes des systèmes de santé
Enjeux et défis en santé publique
Richard MasséQUÉBEC Directeur de l’École de santé publique, Université de Montréal
Josée MorissetQUÉBEC Coordonnatrice à la planification et à l’évaluation, Institut national de santé publique du Québec
Malgré plusieurs gains Résumé faits au cours des der-nières années au Québec concernant l’évolution de la santé de la population, force est de constater que d’importants défis demeurent eu égard aux inégalités sociales de santé, au fardeau des maladies chroniques, aux risques liés aux épidémies et aux menaces environnementales, aux problèmes psychosociaux. En outre, la gouverne du système de santé et de ser-vices sociaux est particulièrement mise à l’épreuve. Le Québec dispose de plusieurs leviers nécessaires pour relever ces défis qui demandent d’investir davantage en prévention afin d’agir sur les déterminants de la santé. De fait, au fil des réformes, des efforts ont été réalisés pour intégrer la prévention dans le système, qui a d’ailleurs comme particularité d’intégrer le social et la santé dans les services de la première ligne. Le Québec s’est doté d’une Loi sur la santé publique incluant l’ensemble des fonctions essentielles de santé publique, basé sur un réseau d’acteurs de santé publique aux divers paliers de gouverne, d’un Programme national de santé publique (2003-2012) déterminant des objectifs et cibles d’action prioritaires, d’un Institut national de santé publique qui regroupe de l’expertise de référence et, plus récemment, d’une École de santé publique mise en place à l’Université de Montréal.
Despite several gains Abstract made in Quebec over recent years with regard to the health of the population, it must be recognized that important challenges still lie ahead with respect to social inequalities affecting health, the burden of chronic diseases, the risks related to epidemics and environmental threats, and psychosocial problems. More-over, governance of the health and social services system is under particular strain. Quebec has at its disposal the many levers needed to meet these challenges which will require greater investment in prevention in order to act upon the determinants of health. In fact, through recent reforms, efforts have been made to integrate prevention into the system, one innovation of which is to include both social services and health services in its provision of front-line services. Quebec now has among its arsenal a Public Health Act including all of the essential responsibilities related to public health based on a network of public health actors at the various levels of government, a Quebec Public Health Pro-gram (2003-2012) which sets out objectives and targets for priority actions, a National Public Health Institute (Institut national de santé publique) which brings together ref-erence expertise, and, finally, a School of Public Health, which was recently set up at Université de Montréal.
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lusieurs facteurs affectent la santé des populations. Certains se rap-d’aPutres concernent la collectivité. Les portent à l’individu, à ses prédispo-sitions biologiques et génétiques, habitudes de vie et autres comportements adoptés quotidiennement, le style de vie, exercent une influence majeure sur l’état de santé. Les conditions de vie et les milieux de vie (l’école, la famille, le travail, etc.), l’envi-ronnement physique et l’organisation des services sociaux et de santé jouent également un rôle déterminant. Par ailleurs, les com-portements de santé relèvent non seulement de choix individuels, mais sont également influencés de façon significative par les envi-ronnements physiques, sociaux et culturels dans lesquels vivent les gens (Cohenet al., 2000), sans oublier les politiques publiques adoptées par les gouvernements ou les municipalités.
Par des actions sur les déterminants (voir encadré 1), aux niveaux de la population et des systèmes qui la régissent (MSSS, 1992a ; 1997 ; 2003), la santé publique vise à préve-nir la maladie, à protéger et promouvoir la santé des populations, et à protéger la vie. Par ailleurs, malgré les efforts investis au cours des dernières décennies pour agir sur ces déterminants de la santé, plusieurs phénomènes posent des défis majeurs à la santé publique contemporaine. Cet article propose une lecture des principaux enjeux et défis pour la santé publique et suscite une réflexion sur les leviers nécessaires pour y faire face, considérant les efforts de struc-turation et d’organisation réalisés jusqu’ici au Québec.
e n c a d r é
1
Les déterminants de la santé
£ Prédispositions biologiques et génétiques £ Habitudes de vie et autres comportements reliés à la santé £ Conditions de vie et milieux de vie £ Environnement physique £ Organisation des services sociaux et de santé
Source : Programme national de santé publique, 2003-2012
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Des enjeux pour la santé publique contemporaine
À l’instar d’autres pays occidentaux, plusieurs gains ont été faits au cours des dernières années concernant l’évolution de la santé de la population québécoise. En 2005, l’espé-rance de vie chez les hommes était de 78 ans et de 83 ans chez les femmes (MSSS, 2007b). Entre 1981 et 2005, l’espérance de vie s’est accrue de plus de cinq ans, soit un gain moyen d’une année tous les cinq ans. En matière de longévité moyenne à la nais-sance, le Québec se classe au septième rang chez les hommes et au neuvième rang chez les femmes sur le plan international (INSPQ, 2006). De plus, le Québec occupait, en 2000-2001, le premier rang parmi les provinces canadiennes en ce qui concerne l’espérance de vie en santé (MSSS, 2007b ; INSPQ, 2006).
Malgré les efforts investis pour améliorer l’état de santé de la population, on constate un accroissement persistant des écarts sociosanitaires entre les pays, les régions, les groupes sociaux et même à l’intérieur de ceux-ci (Kickbusch, Payne, 2004 ; McGinnis, 2006). Au Québec, par exemple, l’écart était de dix années de moins pour les hommes et de sept années pour les femmes de milieux défavorisés (INSPQ, 2006). Par contre, depuis dix ans, le nombre d’enfants et de jeunes de moins de 18 ans vivant sous le seuil de faible revenu a diminué. Les indices disponibles démontrent aussi que la situa-tion face à la pauvreté chez les jeunes de moins de 19 ans au Québec est meilleure que partout ailleurs au Canada. L’impor-tance de l’aide gouvernementale québécoise en faveur des familles et des enfants expli-querait en bonne partie sa performance, mais il reste beaucoup à faire pour égaler celle de certains pays européens sur le plan de la pauvreté des enfants (MSSS, 2007a).
En outre, les maladies chroniques cons-tituent de plus en plus un fardeau important (OMS, 2006). D’ailleurs, selon certains, le fardeau lié aux maladies chroniques pour-rait s’accentuer encore, notamment à cause du vieillissement de la population et du changement des habitudes de vie, et com-promettre les gains enregistrés jusqu’ici en ce qui concerne l’espérance et la qualité de vie. Ce phénomène exercera également une
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grande pression sur le système de soins et de services de santé (Lévesque, Bergeron, 2003 ; Brownson, Kreuter, 1997), ainsi que sur la population active qui devra concilier avec de nouvelles réalités liées au monde du travail (main-d’œuvre productive réduite), de nouvelles charges familiales et un fardeau accru pour les aidants naturels.
La santé des populations est constam-ment menacée par des épidémies qui, dans plusieurs cas, s’étendent d’un continent à l’autre. Depuis le début des années 1980, la pandémie de sida a été particulièrement dévastatrice. Malgré les efforts soutenus consacrés à la prévention et le développement de nouvelles technologies pour détecter les infections au VIH et les traiter (trithérapie), ce problème de santé publique persiste, notamment dans certains groupes plus vulné-rables, et s’amplifie dans plusieurs régions du monde. L’accessibilité aux soins et services pose particulièrement problème pour les pays en voie de développement, les plus affectés par cette maladie (McGinnis, 2006), et menace l’intégrité de communautés entières ainsi que la pérennité des systèmes de santé.
Au niveau international, la crise du SRAS en 2003 et, plus récemment, celle du Clos-tridium difficile au Québec, sont des évé-nements qui rappellent l’importance des épidémies liées aux infections en milieu de soins (les infections nosocomiales), comme menaces à la santé des populations. Malgré les avancées de la médecine dans la pré-vention et le traitement des infections, l’identification de nouvelles souches d’infec-tions résistantes aux antibiotiques et le retour de maladies que l’on croyait pourtant contrôlées (par exemple la tuberculose) posent de nouveaux défis au contrôle des maladies infectieuses (Koplan, Fleming, 2000). SelonThe Institute of Medicineaux États-Unis, plus de vingt nouveaux patho-gènes ou nouvelles maladies infectieuses ont été ainsi identifiés au cours des vingt dernières années, incluant le risque de pan-démie de grippe aviaire (H5N1) (IOM, 2001).
À ces menaces pour la santé s’ajoutent des épidémies sociales, comme le tabagisme et l’obésité (Kickbusch, Payne, 2004). L’usage
du tabac, la mauvaise alimentation et la sédentarité sont parmi les habitudes de vie les plus nocives pour la santé et sont des causes de décès évitables en termes de maladies chroniques. Des gains importants ont été faits au Québec en ce qui concerne la proportion de fumeurs qui est passée de 34 % (1990) à 24 % (2005) (INSPQ, 2006), voire même à 20 % selon les données les plus récentes. Si la situation du Québec est enviable sur le plan international, l’habi-tude tabagique demeure néanmoins nette-ment plus répandue au Québec que dans l’ensemble du Canada (INSPQ, 2006).
La fréquence de l’obésité est en augmen-tation un peu partout dans le monde si bien que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a qualifié la situation d’épidémique. Cette situation est préoccupante car l’obésité contribue à augmenter le fardeau des mala-dies chroniques à l’échelle mondiale (OMS, 2000). En conséquence, le Québec vient de rendre public un plan d’action gouverne-mental de promotion des saines habitudes de vie et de prévention des problèmes liés au poids (2006-2012). Les mesures promues dans ce plan constituent des enjeux de société relatifs aux actions à entreprendre pour agir tant sur les facteurs environne-mentaux (interventions en milieux familial, scolaire ou du travail…) que sur les facteurs individuels reliés au poids (apport alimen-taire et dépense énergétique) (MSSS, 2006).
Les phénomènes de violence (Koplan, Fleming, 2000), de dépression, de suicide et les maladies occupationnelles sont égale-ment préoccupants pour la société québé-coise. Les dernières données du portrait de santé indiquent que le suicide est plus répandu au Québec que dans les autres provinces canadiennes et que dans la plu-part des autres pays (INSPQ, 2006). Pour les maladies occupationnelles, les troubles psychologiques et mentaux sont ceux qui occasionnent le plus de jours d’indemnisa-tion par la Commission de la santé et de la 1 sécurité au travail (CSST) .
Des menaces environnementales posent également des défis importants à la santé publique. Les émissions atmosphériques
1. La CSST est l’organisme auquel le gouvernement du Québec a confié l’administration du régime de santé et de sécurité du travail.
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générées par les industries et le transport routier sont de plus en plus importantes, et ce, malgré les efforts amorcés dans le cadre du protocole de Kyoto auquel le Canada a refusé jusqu’à présent d’adhérer. Beaucoup de problèmes de santé liés à l’environne-ment sont encore peu ou pas documentés. On connaît encore peu, par exemple, les conséquences des changements climatiques et de l’épuisement des ressources naturelles (Fielding, 1999) sur la santé et la biodi-versité au niveau de la planète. À cet effet, un plan d’action en faveur du développe-ment durable est actuellement mis en place au Québec.
Face aux contraintes financières toujours croissantes, la gouvernance du système de soins et de services de santé est particulière-ment mise à l’épreuve. L’efficience du système de santé québécois est identifiée comme le principal défi à relever pour assu-rer sa pérennité (Commission d’étude sur les services de santé et les services sociaux, 2000). Pour certains, l’amélioration de l’effi-cience du système doit passer notamment par une meilleure intégration de la santé publique à la production des services de santé (Fielding, 1999). Une politique forte et dynamique en matière de prévention est l’axe à privilégier dans le contexte actuel de croissance rapide du coût de la santé et d’accélération du vieillissement de la popu-lation (Groupe de travail sur le financement du système de santé, 2008).
Pour relever ces défis inhérents à la gou-vernance des systèmes de santé, il faudrait privilégier des politiques qui traduisent l’importance d’agir et d’investir non seule-ment sur les déterminants individuels de la santé (les habitudes de vie), ce qui est encore beaucoup le cas, mais aussi sur ceux qui contribuent, plus globalement, à améliorer l’état de santé de la population (Fielding, 1999) (le capital social et les disparités socio-économiques, par exemple). En ce e sens, le plus grand défi, pour leXXIsiècle, consistera à améliorer simultanément l’envi-ronnement, les conditions sociales et écono-miques et le potentiel humain, dont la santé (Kickbusch, Payne, 2004 ; Hankock, 1999). De plus, la responsabilité de la santé étant partagée entre l’individu et la communauté, ainsi que l’entreprise privée et l’État, il ne
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faudrait certes pas négliger le rôle majeur du citoyen comme un acteur clé de la dyna-mique des changements (Venne, 2005). Persiste donc la question de la participation citoyenne, non seulement comme acteur ultime de sa santé, mais aussi comme déci-deur concernant la gouvernance des soins et des services, de même que vis-à-vis des multiples politiques publiques ayant un impact sur sa santé.
Plus que jamais, la dimension « éthique » en santé publique prendra de l’importance, puisqu’il faudra trouver un équilibre entre les droits et intérêts individuels et ceux de la communauté et de la société (Fielding, 1999). Des questions éthiques se posent lorsqu’il s’agit de faire appel à de nouvelles technologies comme la génomique (par exemple le clonage humain) ou aux sys-tèmes d’information pour faciliter l’accès et le traitement de données (Eng, 2004). Elles se posent aussi quant à l’utilisation des ressources dans le système de soins et de services de santé (accès aux services de santé, etc.). L’intervention de plus en plus fréquente de la santé publique dans les sphères d’activités autres que le système de santé, en vue de créer des environnements favorables à l’adoption d’un mode de vie sain par exemple, en appelle également à cette dimension éthique.
Jusqu’ici, grâce à l’épidémiologie, plu-sieurs avancées méthodologiques ont permis une meilleure compréhension des processus liés aux maladies et des moyens pour y faire face. Cependant, les méthodes épidémio-logiques ignorent souvent les déterminants de la santé à l’échelle de la communauté, conduisant à une formulation parfois sim-pliste des multiples facteurs de risque influençant les maladies chroniques et autres problèmes qui affectent la santé des populations (McKinlay, Marceau, 2000 ; Hancock, 1999 ; Fielding, 1999). Plusieurs défis méthodologiques sont à relever afin de permettre une meilleure compréhension des interactions entre les déterminants de la santé. Les approches et méthodes de dif-férentes disciplines, notamment dans le champ social (économie, anthropologie, sciences politiques, etc.), devront être mises à profit pour le développement de ces nou-velles méthodologies (Fielding, 1999). La
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recherche interdisciplinaire est donc à pro-mouvoir dans ce contexte (Hallet al., 2006).
Finalement, pour accroître la capacité d’action sur les déterminants de la santé, la santé publique devra pouvoir s’appuyer sur une main-d’œuvre qualifiée (Tulchinsky, Bickford, 2005). Contrairement à d’autres professions, la formation de base des spé-cialistes en santé publique n’est pas uni-disciplinaire (Brownson, Kreuter, 1997). Nous devrons donc pouvoir compter sur le milieu académique pour former cette main-d’œuvre, en tenant compte de la plu-ridisciplinarité des professionnels et de la complexité des défis de la « nouvelle santé publique ».
Des leviers pour la santé publique contemporaine
Le Québec s’est doté de plusieurs leviers pour agir sur les déterminants de la santé et veiller à ce que les fonctions essentielles de santé publique soient prises en compte dans le système global de la santé.
Au cours des années 1970 et 1980, le Québec a mis en place un système de soins et de services de santé caractérisé notam-ment par la mise en place d’un réseau de première ligne intégrant la santé et le social, les centres locaux de services communau-taires (CLSC). De plus, en vue de s’attaquer aux problèmes qui affectent le plus la popu-lation, le Québec se dotait d’une Politique de santé et de bien-être (1992-2002) préci-sant 19 objectifs de réduction des problèmes de santé et des problèmes sociaux et six stratégies vers lesquelles ses efforts devaient converger dans les dix ans (MSSS, 1992b). Le ministère de la Santé et des Services sociaux n’a cependant pas jugé pertinent de renou-veler cette politique sectorielle après sa date de péremption, compte tenu de l’impact limité de celle-ci sur ses priorités et de la mise en place au même moment d’un Programme national de santé publique.
Les responsabilités de santé publique ont été reprécisées en 2001 avec la révision de la Loi sur la santé publique (remplaçant la
Loi sur la protection de la santé) pour inclure l’ensemble des fonctions essentielles de santé publique. Cette loi contribue éga-lement à mieux définir les rôles et mandats, à préciser les liens d’imputabilité entre les niveaux de gouverne (national, régional et local) et à augmenter la capacité d’action des acteurs de santé publique. L’article 54 de la loi prévoit que le ministre est le con-seiller du gouvernement concernant toute question de santé publique. Il donne aux autres ministres tout avis qu’il estime oppor-tun pour promouvoir la santé et adopter des politiques aptes à favoriser une amélioration de l’état de santé et de bien-être de la popu-lation. En outre, un comité d’éthique a été institué pour encadrer, entre autres, les pro-jets de plans de surveillance et d’enquêtes sociosanitaires qui lui sont soumis par le ministre et les directeurs régionaux de santé publique.
Conjointement à cette loi, le Québec s’est ainsi doté d’un Programme national de santé publique 2003-2012 (PNSP) qui détermine des objectifs et des cibles d’action prioritaires, et identifie des straté-gies et des cibles d’interventions favorables à la santé. Il oriente le travail des équipes de santé publique autour de sept grandes fonctions et six domaines d’intervention (voir encadré 2). La responsabilité de mise en œuvre de ce programme est principale-ment confiée aux instances régionales, tout en étant dorénavant partagée avec les ins-tances locales, comme les centres de santé 2 et de services sociaux (CSSS) .
De plus, le Québec s’est doté d’un Institut national de santé publique (INSPQ) en 1998, pour soutenir le ministre et les autorités régionales dans le développement et la mise en œuvre du PNSP et pour four-nir des services de laboratoire d’expertise aux établissements du réseau de la santé. La formulation d’avis d’expertise, la recherche, le développement des compétences par des activités de formation continue, le transfert des connaissances, de même que la collabo-ration internationale font également partie de la mission de base de l’INSPQ.
2. Les nouveaux centres de santé et de services sociaux (CSSS) intègrent les missions des anciens centres locaux de services communautaires (CLSC), des centres d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD) et, même certains, des centres hospitaliers.
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Les grandes fonctions et les domaines d'intervention et d'expertise
Les sept grandes fonctions de
santé publique
Les fonctions essentielles : 1. Surveillance continue de l’état de santé de la population ; 2. Promotion de la santé et du bien-être ; 3. Prévention des maladies, des problèmes psychosociaux et des traumatismes ; 4. Protection de la santé ; Les fonctions de soutien : 5. Réglementation, législation et politiques publiques ayant des effets sur la santé ; 6. Recherche et innovation ; 7. Développement et maintien des compétences.
Les six domaines d’intervention et d’expertise des équipes de santé publique 1. Développement, adaptation et intégration sociale ; 2. Habitudes de vie et maladies chroniques ; 3. Traumatismes non intentionnels ; 4. Maladies infectieuses ; 5. Santé environnementale ; 6. Santé en milieu de travail.
Source : Programme national de santé publique, 2003-2012
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En plus des efforts d’organisation et de structuration du réseau québécois de la santé publique, le Québec adoptait en 2003 le projet de loi sur les agences de développe-ment des réseaux locaux de services de santé et de services sociaux et, plus récemment en 2005, le projet de loi 83 qui transforme la gouvernance de même que les relations entre les acteurs régionaux et locaux de la santé et des services sociaux. Avec l’adop-tion du projet de loi 83, les instances locales (les CSSS) sont investies d’une « responsa-bilité populationnelle ». Ces nouveaux CSSS doivent se porter garants de l’accessibilité et de la continuité des services de santé et des services sociaux pour l’ensemble de la popu-lation de leur territoire. Pour ce faire, ils doivent mettre sur pied des réseaux locaux de services (RLS) qui font appel à des parte-naires publics, privés et communautaires. Ces réseaux sont articulés sur la base de besoins de soins et de services jugés prioritaires,
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nommément les « projets cliniques et orga-nisationnels ». À cette fin, les CSSS doivent développer des ententes formelles de services avec les différentes ressources concernées par la prévention, la dispensation de soins et de services généraux ou spécialisés et la réadaptation. Ainsi, les CSSS partagent avec d’autres acteurs du milieu (l’école, la municipalité, les services de loisirs, etc.), une responsabilité populationnelle à l’égard de la santé de la population et doivent se concerter avec eux en vue d’agir sur les déterminants de la santé.
Par ailleurs, des besoins significatifs se font sentir en ce qui concerne le développe-ment de compétences pour soutenir la mise en œuvre des actions de santé publique dans le contexte de la nouvelle gouvernance et des mandats confiés aux instances régionales et locales. La capacité de comprendre les déter-minants de la santé, de conceptualiser des programmes, de les mettre en œuvre et d’éva-luer leur implantation, de planifier et de gérer le changement, sont parmi les compétences nécessaires à développer pour accompagner les acteurs locaux et leur permettre de jouer leur nouveau rôle.
Perspectives pour la santé publique de demain
Nous assistons depuis plusieurs années à une globalisation des enjeux face à la santé, que ce soit dans les domaines plus classiques des maladies infectieuses ou de l’environne-ment ou encore, de plus en plus, concernant les habitudes de vie, les conditions socio-économiques et les autres déterminants sociaux de la santé, ou même dans le secteur de l’organisation des soins et des services de santé.
Pour répondre à ces enjeux, nous devrons avoir une vision axée sur la promotion de la santé et la réduction des inégalités, donc aller bien au-delà d’une approche trop unidimen-sionnelle, basée principalement sur la modi-fication des habitudes de vie par l’éducation sanitaire. Créer des milieux favorables à la santé et développer des politiques publiques saines seront donc des composantes straté-giques centrales dans cette vision de la « nouvelle santé publique ». Sa mise en œuvre ne pourra être qu’intersectorielle et parte-nariale. Plusieurs expertises plus ou moins
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présentes actuellement en santé publique devront se conjuguer pour y parvenir, notam-ment en sciences sociales, économiques et politiques. Plusieurs approches et méthodo-logies différentes seront nécessaires, tant quantitatives que qualitatives, pour accroître, par exemple, l’évaluation des interventions et des stratégies d’implantation, ce qui ne se fait pas encore assez, et développer l’éva-luation de l’impact sur la santé. La liaison avec le secteur académique et les interve-nants terrain des niveaux local ou régional prendra une dimension encore plus prépon-dérante. Au Québec, l’Institut national de santé publique du Québec et l’École de santé publique de l’Université de Montréal pour-ront jouer un rôle moteur à cet effet, non seulement pour créer un lieu d’échange et de partage d’expertises, mais aussi pour former les intervenants et les gestionnaires du réseau de santé, et éventuellement leurs partenaires, tout en facilitant la diffusion des connaissances et le partage des compétences entre tous ces acteurs qui créent la santé.
L’amélioration de la santé pour tous les groupes d’âges et pour les personnes vulné-rables nécessitera que cette vision soit partagée au plus haut niveau des gouverne-ments. L’approche sectorielle devra faire place de plus en plus à une réelle collabo-ration intersectorielle touchant tous les
secteurs de la société : public, privé et com-munautaire. En ce sens, l’abandon de la Politique de la santé et du bien-être du Québec est une opportunité manquée de la faire évoluer afin qu’elle puisse soutenir cette vision stratégique globale nécessaire pour améliorer la santé et le bien-être de la population. En 2008, la Commission sur les déterminants sociaux de la santé, mise en avant par l’Organisation mondiale de la santé, remettra ses recommandations aux pays membres et nous pouvons d’emblée nous attendre à ce que cette stratégie inter-sectorielle soit un élément central dans leur rapport.
Plusieurs gouvernements provinciaux ou nationaux voulant placer le développement de la santé au cœur de leurs préoccupations, et ce de façon distincte de l’organisation des soins et services aux personnes malades, ont créé des ministères de la promotion de la santé ou encore placé ces enjeux en lien direct avec le bureau du premier ministre lui donnant ainsi cette plate-forme intersec-torielle essentielle. Cependant, quelque soit la structure retenue, c’est d’abord cette volonté qui doit se manifester à tous les niveaux pour que le développement de la santé et le développement social soit au cœur non seulement des enjeux, mais aussi des priorités de notre société.
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dossierBilan des réformes des systèmes de santé
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N° 2, 2008
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