L’environnement social de la maladie. Le rôle des organismes communautaires et associatifs : partenariat ou aide formelle. La relation avec les proches. Comment mieux les intégrer ? - article ; n°1 ; vol.9, pg 129-136
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L’environnement social de la maladie. Le rôle des organismes communautaires et associatifs : partenariat ou aide formelle. La relation avec les proches. Comment mieux les intégrer ? - article ; n°1 ; vol.9, pg 129-136

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Santé, Société et Solidarité - Année 2010 - Volume 9 - Numéro 1 - Pages 129-136
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Publié le 01 janvier 2010
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Langue Français

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FORUM« LE CANCER AU QUOTIDIEN»
Débats en présence des représentants gouvernementaux
L’environnement social de la maladie. Le rôle des organismes communautaires et associatifs : partenariat ou aide informelle. La relation avec les proches. Comment mieux les intégrer ?
Christian SaoutFRANCE Collectif interassociatif sur la santé
Je répondrai à la question de l’intégration de la contribution des organismes communau taires à la lutte contre le cancer en évoquant, d’une part, nos attentes au regard de la situation française et en formulant, d’autre part, quelques remarques visàvis du prochain Plan cancer à la veille d’entrer en vigueur.
Pour comprendre la situation française, il faut d’abord savoir qu’elle se caractérise par une tradition de bienveillance « reléguante » à l’endroit du tissu associatif auquel on s’en remet pour s’occuper du social, de la col lecte des ressources – en particulier pour la recherche – et, plus généralement, pour tout ce qui déborde les soins. La situation française se distingue encore par une grande préférence pour l’hôpital, laissant à la méde cine de ville, moins préparée, composer de son mieux avec l’explosion des maladies chro niques. On a vu se développer une lente, mais positive évolution à l’occasion de crises ou de mobilisations très fortes (toujours une clé du changement dans mon pays) visàvis le Sida, les maladies nosocomiales, les mala dies rares et, plus récemment, envers le cancer. Cette évolution a opéré récemment d’une manière significative par un événement important dans l’histoire de la santé en France, les États généraux de la santé qui ont appelé à la mise en place d’un système de santé cen tré:sur le patient. Il faut le dire tout de suite il subsiste entre cette volonté politique et la réalité de terrain un écart considérable. On en trouve un exemple avec l’axe numéro 7 de l’actuel Plan cancer relatif à l’accompagne ment social des malades qui ne promeut pas le renforcement des capacités individuelles et collectives des personnes, mais se cantonne dans une vision, de notre point de vue, trop
tutélaire. On préfère « mieux faire pour faire avec ». C’est pourtant cette différence quel’on aimerait bien voir s’établir dans notre pays.
Quelles sont plus exactement nos attentes, les changements que nous espérons ? J’en nommerai quatre.
Premièrement, que l’on intensifie la lutte contre les inégalités de santé, notamment par rapport au cancer. La nouvelle loi de santé publique devrait consacrer le cancer comme une priorité de la politique de santé publique. Cette plus grande reconnaissance par les autorités publiques du formidable défi que représente le cancer favoriserait sans doute la mobilisation stratégique de la société civile sur la route de la lutte contre les inégalités de santé.
Nous souhaitons ensuite que la lutte contre le cancer place la promotion et l’éducation à la santé au cœur de son action. Ce qui pour rait inspirer les autres combats pour la santé dans notre pays. Il faut que s’imposent ces nouvelles références à côté de la tradition curative qui caractérise trop souvent encore le système de santé français.
Notre troisième attente consiste à voir se réaliser une plus grande synergie entre les différents plans santé thématiques existant en France. Ces plans, au moins une cin quantaine, devraient être mieux coordonnés et plus cohérents. Les actions de lutte contre le cancer devraient en particulier mieux s’arrimer au Plan national nutrition santé n° 2 et au Plan national santé environ nement n° 2.
Notre quatrième défi important concerne la continuité et la coordination des soins, notamment entre l’hôpital et la médecine de ville : entre l’annonce du diagnostic, le plan
Christian Saout
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personnalisé, les soins de support, la sortie, la feuille de route. L’accompagnementsocial des personnes souffre aussi d’un déficit majeur de stratégies. Plutôt que d’aller vers les personnes, on attend qu’elles viennent vers les services. Il faut souhaiter encore une meilleure reconnaissance sociale de la per sonne malade dans une approche de la « vie bonne », comme en parlaient les philoso phes grecs. Vivre avec la maladie, ce n’est pas être condamné à une vie brisée ; cette vie conserve bien des potentialités dont il faut savoir disposer.
Mes remarques visàvis des dispositions du Plan cancer à la veille d’être déposé sont au nombre de six.
La première, le Plan envisage de faire du médecin traitant le pivot de la prise en charge. C’est faire peu de cas des aléas de notre démographie médicale et, surtout, du mode de tarification en vigueur qui n’encou rage pas particulièrement la continuité de la prise en charge. La seconde, mobiliser les professionnels et les services : le nouveau Plan prévoit à cet égard de diffuser les expéri mentations en cours là où, de notre point de vue, il y a assez d’éléments probants pour procéder à une généralisation. La troisième, on prévoit l’exercice d’un nouveau métier, celui de coordonnateur de soins, malgré le risque que ce nouvel acteur vienne concur rencer le médecin traitant. Ces nouveaux mécanismes de prise en charge permet trontils en outre l’intégration ou la prise en compte de la dimension sociale des besoins des personnes atteintes de cancer ? La ques tion se pose. La quatrième, le nouveau Plan cancer met l’accent sur le développement des qualités humaines des soignants ; un sujet souvent évoqué, remis encore une fois à l’ordre du jour, dont on est quitte pour attendre les résultats. La cinquième, pour mieux informer, un site web est envisagé qui sera un site de référence. Estce que ce sera suffisant ? Ne devraiton pas aussi en faire un site de lecture critique ou d’apprentis sage à la lecture critique dans un monde où les multiples références sont la norme ? Ma sixième et dernière remarque, l’Organisation mondiale de la santé recommande de lutter contre les inégalités en matière de cancer « en sortant du cadre des gouvernements ». La France ne pourrait pas, en tout cas,
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servir de modèle à cet égard. Pourtant, le défi des inégalités en matière de lutte contre le cancer ne sera certainement pas relevé sans le développement d’alliances stratégiques multisectorielles.
En conclusion, il sera nécessaire de chan ger d’échelle pour que la vie avec la maladie soit une « vie bonne ». Le chantier devra être prioritairement en France un chantier de lutte contre les inégalités. Cela suppose un changement de culture qui nous fera évo luer vers des alliances d’acteurs pour prévenir, éduquer à la santé et promouvoir la santé ; là où le système français de la santé n’est pas encore rendu.
Suzanne DuboisQUÉBEC Société canadienne du cancer
Je vais m’intéresser pour ma part au rôle des organismes communautaires et à leur collaboration avec les pouvoirs publics. Laissezmoi d’abord présenter la Société canadienne du cancer et illustrer mon pro pos à l’aide de partenariats que la Société établit déjà.
La Société canadienne du cancer est un organisme national dont l’action bénévole s’articule autour de cinq grands secteurs d’activité. Notre priorité est la recherche, dans laquelle sont investis huit millionsde dollars au Québec seulement. Vient ensuite l’information. Notre service téléphonique sur le cancer fournit de l’information issue de l’Encyclopédie canadienne du cancer– qui, je le souligne, jouit d’une belle réputation en France ; l’Institut national du cancer vient d’ailleurs d’en faire l’acquisition. Nous produisons en outre différentes brochures et des statistiques canadiennes sur le cancer. Le soutien aux personnes est aussi très important. Nous offrons différents services d’aide financière et matérielle aux personnes atteintes de cancer les plus démunies. Au chapitre de la prévention, nous gérons, en partenariat avec le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), la ligne télé phonique « J’arrête », qui favorise l’arrêt tabagique. D’autres activités enfin sont déployées dans la défense de l’intérêt public. Je précise que la plupart de nos actions sont menées en collaboration avec la Direction de la santé publique du MSSS.
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Permettezmoi de rappeler les princi pales données sur le cancer. Cette maladie est la première cause de décès au Québec. D’ici quelques années, un Québécois sur deux aura souffert ou souffrira d’un cancer. L’accroissement de la population et la hausse du taux de survie ont déjà entraîné une augmentation de la prévalence du cancer. On peut en déduire que la demande et la pression sur le système de santé, mais aussi sur les organismes de soutien comme le nôtre, seront bientôt si fortes qu’elles ne pourront être absorbées qu’avec des ressources adéquates dont l’ampleur aura été prédéterminée. S’il faut se réjouir, par ailleurs, de l’existence au Québec d’un très grand nombre d’organismes de services – environ 500 appuient la lutte contre le cancer –, il faut en même temps déplorer le chevauchement des efforts et la pénurie de formes d’aide dans certaines régions. Nous faisons beaucoup ; nous pourrions faire encore plus en faisant mieux. Dans sa présentation en table ronde, le r D Carrier a évoqué l’existence de deux planètes en parlant de l’univers de la lutte contre le cancer. Il a oublié, j’en ai bien peur, une troisième planète : celle des organismes non gouvernementaux communautaires et bénévoles. Mais c’est exact que le Pro gramme québécois de lutte contre le can cer et les orientations stratégiques qui s’y trouvent concernent principalement l’appa reil de soins. Pour faire contrepoids, je fais trois propositions. Premièrement, que le MSSS et les orga nismes non gouvernementaux (ONG) conviennentdes éléments d’un plan d’action qui intégrerait la contribution de ces derniers à l’offre de soins. C’est une priorité. Les parte nariats existants et à venir devraient en outre faire l’objet d’ententes formelles. Un seul partenariat par secteur d’activité entre le milieu communautaire et le secteur public contribuerait à limiter à tout le moins les dédoublements. Ce partenariat, mieux défini, en précisant la contribution des uns et des autres, mettrait fin à la concurrence en
matière d’offre de services qui est trop souvent observée entre les organismes communau taires. Nous pensons le temps venu pour cette concertation structurée et pour une coordina tion améliorée. Le gouvernement devrait en prendre l’initiative.
Il est, ensuite, impératif de revoir le finan cement offert aux organismes bénévoles et communautaires. Une meilleure allocation des ressources éviterait l’éparpillement des deniers publics en même temps que la dupli cation des services et, surtout, permettrait d’investir davantage au profit des populations dans le besoin.
Un dernier élément nous interpelle : la coordination des efforts en soutien aux pro fessionnels. Nous pensons que la mise en service d’une ligne téléphonique sans frais pour le Québec permettrait à tous les citoyens de mieux connaître les ressources et les services offerts dans leur région. Des personnesmieux orientées supporteraient mieux l’impactdu cancer.
Enfin, en appui au ministère et au réseau des services de santé et des services sociaux, la Société canadienne du cancer est dispo sée à rendre ses ressources accessibles, par exemple ses lignes d’information et de sou tien et son localisateur de services sur Internet, qui est actuellement sousutilisé. Nous souhaitons partager notre savoirfaire et contribuer ainsi à accélérer le processus d’implantation du partenariat dont j’ai fait la promotion.
En terminant, je rappelle que le cancer fait irrémédiablement partie de la vie et ébranle de très nombreux aspects de l’existence des personnes qui en souffrent directement et indirectement. C’est pourquoi la Société canadienne du cancer propose que nous convenions d’un objectif commun : celui de faire en sorte qu’aucune personne touchée par le cancer ne soit privée de services par ignorance de leur existence ou par manque de concertation de la part des organismes pourvoyeurs de services.
Suzanne Dubois
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Martine Bungener
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Experts M artine BungenerFRANCE Centre de recherche médecine, sciences, santé et société
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J’aimerais ouvrir sur une autre dimension le débat qui a dominé depuis hier posant que le système de soins, et notamment les médecins, ne considère pas suffisamment les patients dans la diversité de leurs besoins et de leurs attentes. On a, ce matin encore, suggéré différentes façons de corriger cette situation.
J’aimerais pour ma part souligner que la médecine et les médecins sont parties prenantes de la société. On ne peut pas les considérer comme faisant partie d’un autre monde. On peut en ce sens penser que ce qui leur est reproché peut l’être à la société ellemême et que leur attitude dépend en partie de celle de la société. Les médecins n’adopteraientils pas par rapport à la mala die chronique qu’est le cancer l’attitude que la société et, avec elle, tous ses membres entretiennent à l’égard des malades chro niques ? Dit autrement, c’est l’attitude de la société tout entière qui doit être question née pour mieux penser la place et l’intérêt de tous les malades chroniques au regard de dimensions comme le travail, l’insertion dans la vie sociale et tous les autres aspects de la vie de ces personnes et de leurs proches.
C’est d’abord la question politique de l’acceptabilité sociale réservée aux personnes atteintes de cancer, qui doit être posée. Cette question ne doit alors pas être formulée uni quement à l’intérieur, mais également à l’extérieur du système de soins.
Il s’agit alors, plus précisément, de rompre avec les formes d’évitement social qui, encore trop souvent, ostracisent et mettent à l’écart les malades chroniques, dont les malades cancéreux. Cet état de fait est dû à des pré jugés et attitudes discriminatoires, mais aussi au silence et au nondit qui entourent cer tains aspects non médicaux de la vie avec une maladie chronique et qui se manifestent tant au sein du système de soins qu’en dehors. Ce silence et cette négation empêchent de considérer certaines des dimensions sociales ou psychologiques des personnes atteintes de cancer, et donc de concevoir des réponses adaptées. Et amènent, par exemple, selon le lieu où l’on se trouve, à leur refuser cer tains services et prestations, tels des prêts bancaires, même après la maladie.
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Ces formes d’évitement social qui discri minent les malades chroniques et leur refusent le contrôle qu’ils réclament sur le déroulement de leur vie, constituent d’un point de vue politique et philosophique, une situation extrêmement paradoxale dans la mesure où nos sociétés développées en appellent fermement à l’autonomie et à la responsabilité de toutes les personnes. Même si la question mérite d’être posée aux acteurs du système de soins, elle doit sur tout être débattue sur les plans collectif et politique. Cette question de la prise en compte et de la considération apportée à l’ensemble des besoins des malades chro niques renvoie donc au rôle souhaitable d’autres intervenants et d’acteurs commu nautaires bien audelà dumonde médical, si l’on veut réduire ces formesd’évictions sociales.
Toutefois, considérer la responsabilité de la société dans son ensemble ouvre sur cette autre interrogation aujourd’hui peu audible. Collectivement, ne reportonsnous pas trop, voire tout, sur les médecins et la médecine au travers de notions très ambiguës comme celles de l’information des malades ou de la formation du personnel à améliorer encore et encore ? Ne demandonsnous pas plus notamment aux médecins, mais aussi à l’ensemble des personnels soignants, que ce que la plupart d’entre eux peuvent donner ? Plus largement, la question renvoie à quelle médecine voulonsnous et comment peuton y prétendre ? Ce qui suppose en amont, de réfléchir collectivement sur la responsa bilité sociale et collective de la société et sur les contours du mandat donné à cette médecine. Encore faudratil désigner quels acteursdoivent contribuer à la pratique de cette médecineet prévoir, surtout, les moyens matériels et financiers nécessaires ? Cette dimension, en particulier, a été peu abordée depuis hier.
Mon message, en définitive, est le suivant : c’est aussi au niveau politique, et non plus seulement technique et local, que les grands principes d’intégration des malades chroniques doivent être énoncés. Et il faut réaffirmer fortement les mesures nécessaires au plan macro social, au moment où l’on construit ou révise des plans de lutte contre le cancer.
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Hinda GoodmanQUÉBEC Hôpital général juif On l’a dit, le cancer est aujourd’hui la prin cipale cause de mortalité au Québec, avec environ 44 200 nouveaux cas prévus pour 2009. Outre les dommages infligés aux indi vidus et à leur famille, cette maladie et les effets secondaires des traitements imposent à la société des coûts psychologiques, sociaux et économiques exorbitants. C’est pour cela que les organisations commu nautaires ont un rôle essentiel à jouer. C’est le cas de l’organisme que je représente, L’espoir c’est la vie, en anglais Hope and Cope. Au sein de l’organisme, je suis responsable des consultations individuelles et je coordonne le programme d’oncologie.
Dès le début, nous avons compris que cette maladie ébranlait profondément la vie non seulement des patients, mais aussi des membres de leur cercle immédiat : celle de leurs parents, de leurs amis, des aidants naturels, des voisins, des collègues. C’est pour quoi nous avons mis l’accent sur l’importance de traiter la personne dans son intégralité, de la replacer dans son milieu en écoutant attentivement tous les besoins exprimés. Au Québec, nous avons bâti un modèle de sou tien exemplaire qui est maintenant reconnu à l’échelle nationale et internationale comme chef de file en soins psychosociaux faisant appel à l’expérience des pairs.
Également, grâce à notre programme de recherche, toutes nos activités et tous nos services ont été élaborés pour répondre aux besoins de la population, et leur pertinence, leur qualité et leur efficacité en matière de coûts sont constamment évalués. C’est un autre moyen d’apporter notre contribution en fait de nouvelles connaissances dans ce domaine en constante évolution. Disons tout de suite que notre place en tant qu’acteur principal tant dans le domaine des soins que de la recherche a reçu sa consécration lors de la création de la chaire d’oncologiepsycho sociale à l’Université McGill à l’automne 2008.
L’espoir c’est la vie est un organisme basé sur le bénévolat, géré par des professionnels, qui a pour objectif d’aider les gens à faire face au cancer à tous les stades de son évolution. Fondé en 1981 par madame Sheila Kussner, honorée par l’Ordre du Canada et l’Ordre national du Québec, L’espoir c’est la vie a
été conçu dès l’origine comme un centre de recherche où l’on offrirait gratuitement un soutien psychosocial aux patients atteints du cancer et à leur famille. Au moment de sa création, ce concept était unique en son genre au Québec, de même que l’approche qui consistait à s’appuyer d’abord sur des bénévoles formés par nous et qui avaient vécu l’épreuve du cancer, comme patients ou comme soignants. Aujourd’hui, guidés par notre personnel qualifié, nos 400 bénévoles expérimentés aident les gens à regagner une certaine capacité de retrouver le bienêtre, à briser l’isolement et à ramener l’espoir. Nous faisons partie intégrante du Centre du cancer Segal à l’Hôpital général juif et nous sommes recon nus comme l’un des meilleurs centres de soins du Québec. Notre travail a été reconnu par le Programme québécois de lutte contre le can cer, qui lui a attribué une cote exceptionnelle. Les deux raisons d’être de L’Espoir c’est la vie sont le soutien par les pairs et l’infor mation. C’est pourquoi nos groupes sont animés par des bénévoles qui ont vécu l’expé rience du cancer et qui agissent à tous les stades de l’évolution de la maladie : celui s’étendant du diagnostic jusqu’à la rémission, la phase terminale avec les soins palliatifs et finalement le deuil. Voici les programmes et les services que nous offrons : £ Le mentorat par des pairs, appelé jume lage en France, associe patients et béné voles ayant subi le même type de cancer. £ Le programme de « Navigateurs » permet d’établir le contact avec les nouveaux patients : par des appels téléphoniques, on répond aux questions de base pour réduire l’anxiété. £ À l’initiative des membres de la commu nauté, un nouveau programme, « En famille », va débuter à l’été 2009. Il propose d’aider les familles avec de jeunes enfants dont un parent est atteint de cancer. £ Des bénévoles sont présents dans toutes les cliniques vouées au cancer. Enfin, sur un plan plus pratique, nous donnons : £ De l’aide financière provenant d’un fonds de compassion, administré par nous.
Hinda Goodman
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£ De l’aide pour des recherches sur Inter net et pour toute information pertinente grâce à une médiathèque diversifiée, avec brochures et guides. £ De l’aide pour reconstruire l’image : distribution de perruques, de turbans, d’écharpes et de prothèses mammaires, ainsi que le programme « Belle et bien dans sa peau ». Notre centre de bienêtre L’espoir c’est la vie, inauguré en 2007, est ouvert à tous les patients atteints du cancer de la grande région de Montréal ainsi qu’à leurs familles, sans égard à l’hôpital qui les traite. Quarante pour cent de nos usagers viennent d’hôpitaux affiliés au Centre hospitalier de l’Université de Montréal, le CHUM. L’objectif du centre est d’aider les gens à gérer cette transition cruciale et de les faire passer de patients à survivants. En plus de les informer, nous les encourageons à s’inscrire à des activités qui amélioreront leur bienêtre physique, psychologique et spirituel. Voici quelques programmes qui sont offerts : £ Des ateliers appelés « Penser autrement pour bien vivre» enseignent des techniques d’adaptation et de gestion du stress par le reconditionnement cognitif. £ Un programme spécialement destiné aux jeunes adultes atteints de cancer (de 18 à 40 ans), « Venez comme vous êtes », prend en considération la spécificité des besoins, des préoccupations et de l’évo lution de la maladie chez cette popula tion particulièrement vulnérable. Chaque année, le cancer est diagnostiqué chez 538 jeunes Québécois. £ Dixsept groupes de soutien sont animés par des bénévoles qui ont vécu l’expé rience du cancer et qui agissent à tous les stades de l’évolution de la maladie. £ Des conférences éducatives. £ Des activités physiques telles que yoga, tai chi, Qi Gong, marche, relaxation et entraînement varié.
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£ Des thérapies créatives telles que art thérapie, expression par l’écriture, chorale. £ Un programme de nutrition est donné par une diététiste spécialisée en oncolo gie et comprend classes théoriques et démonstrations en cuisine. Toute notre action, nous avons réussi à la mener sans aucune subvention de l’hôpital auquel nous sommes rattachés ou du gouver nement du Québec. Nous comptons unique ment sur le soutien et la compréhension d’une communauté particulièrement géné reuse. Actuellement, L’espoir c’est la vie aide 1 500 personnes par an, ce qui représente 15 000 interventions avec un ratio d’environ 10 membres du personnel pour 400 béné voles. Notre modèle s’est avéré particuliè rement rentable et facile à reproduire. Nous pourrons et nous voulons être un modèle pour le Québec. Nous soutenons que tous les centres de cancer et tous les hôpitaux au Québec peuvent offrir un tel soutien psychosocial à la population. Nous serions honorés et heureux de faire profiter l’ensemble de la province de notre expérience, de la partager avec des profes sionnels de la santé de chaque ville et village du Québec. Nous pourrions leur fournir des boîtes à outils qu’ils choisiraient de manière à les adapter à leurs besoins propres en tenant compte de leurs ressources finan cières et humaines. C’est pourquoi nous sollicitons l’appui du gouvernement afin d’élaborer un programme de formation qui en fera une réalité. Nous espérons ardemment pouvoir créer des partenariats durables avec différents organismes et ainsi apporter notre contribution à l’ensemble de la société québécoise et à toutes les communautés qui vivent au Québec afin que notre succès devienne le leur.
Je termine en rendant hommage aux orga nisateurs de ce forum, qui ont su inclure tous les volets d’un sujet si important.
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Dominique MaraninchiFRANCE Président de l’Institut national du cancer
Une remarque préliminaire, je ne suis ni ministre ni représentant politique, même si j’ai été nommé par les plus hautes autorités politiques françaises pour assumer la res ponsabilité de la coordination de la lutte contre le cancer.
Ce que j’ai entendu depuis hier m’en convainc : si le regard nouveau que l’on porte sur la maladie a quelque chose de réconfortant, il nous pose en même temps un nouveau défi. Si rien n’est complète ment acquis, on parle maintenant du cancer sans hypocrisie, ni mensonge. Ce regard s’accompagne d’opinions et d’avis parfois différents, mais le changement est profond. La réalité, sans doute, interdit l’aveugle ment. Dans cette salle, un homme sur trois et une femme sur quatre a eu ou aura un cancer. Ce qui fait beaucoup de monde, on en conviendra.
Cette réalité est trop brutale pour qu’on lui tourne le dos. Son ampleur impose la fran chise et de nouvelles façons de faire. Parmi les changements souhaités, on demande l’entrée en scène de nouveaux acteurs, de nouvelles parties prenantes, de nouvelles personnes pour mieux faire, faire avec et faire pour. Aux premières loges des nouvelles parties prenantes, les malades, les usagers ou leurs représentants de la société civile demandent à être entendus : c’est la moindre des choses. Quelques réactions à ce propos.
La première me mène à reconnaître que s’il faut soigner, il faut aussi servir. On ne peut pas dissocier l’un de l’autre, faire l’un sans l’autre. Le service de soins doit inté grer l’ensemble des dimensions. Cela dit, il faudra probablement donner un peu de temps au temps, faire preuve d’une certaine sagesse pour que les pratiques se décloi sonnent et intègrent mieux la contribution au premier chef des premiers concernés.
Ma deuxième observation est que le chan gement souhaité passera nécessairement par la formation. Des activités de formation autres que magistrales, qui intégreront les usagers ou leurs représentants afin que l’on puisse comprendre la complexité et les attentes de chacun pour pouvoir mieux y
répondre. La formation donc, inscrite parmi nos priorités, mais que nous prendrons le temps de mener à bien, parce qu’il faut prendre du temps pour apprendre à faire autrement. L’impatience ne fera pas mieux que de nous faire perdre du temps.
Un troisième élément est que parler de services et de services aux personnes, oblige à reconnaître qu’il y a une évolution des besoins tout au long de la maladie. Puisque notre ambition, au Québec et en France, est de permettre à 60 % des personnes qui auront un cancer d’en guérir, il faut bien reconnaitre que les besoins pendant la mal adie, pendant tout ce parcours, évoluent, et avec eux les services qui doivent être offerts. Je reprends le terme de Monsieur Saout : tâchons de permettre pendant tout ce temps aux personnes atteintes de cancer d’avoir une « vie bonne » ; faisons en sorte que la prise en charge du cancer soit à cet égard un modèle.
Un mot enfin sur la question de l’acces sibilité aux services et aux soins. Il faut permettre, bien entendu, une plus grande égalité des chances et que les accès, les pas sages soient connus, transparents et adaptés à la diversité des territoires. Mais cette éga lité, pour faire écho à nouveau aux remarques de Christian Saout, nous devrons aussi viser à l’établir bien en amont, en pré vention. On trouvera là peutêtre les véritables moteurs du changement. Prévenir, c’est éviter qu’on ait une maladie ; et lorsqu’on l’a, faire en sorte qu’elle ne soit pas trop grave, éviter d’en garder des séquelles et enrayer les rechutes. De pareils efforts supposent une mobilisation collec tive. Reconnaissons qu’en France nous sommes encore loin du compte. Lorsque tous, des patients jusqu’aux soignants, seront parties prenantes de ces efforts de préven tion, nous serons sans doute plus près du moment où l’on assurera une véritable éga lité d’accès aux soins et aux services.
Je conclus en insistant sur l’indispensable souci de cohérence qui s’impose dans l’action publique au travers les plans santé qui sont mis en œuvre. On y a fait allusion. J’assure Monsieur Saout qu’un effort particulier est fait pour que les Plans nutrition santé, santé
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Dominique Maraninchi
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Nous nous en tenions jusqu’à présent aux questions relatives à l’organisation des soins, à l’ouverture de centres de radiothérapie ou de laboratoires d’études biologiques sur le cancer ; il nous faut maintenant apprendre à
Je suis ici pour entendre, écouter, com prendre cette nouvelle réalité afin d’appuyer par la suite les nouvelles orientations que le directeur national du cancer au Québec, le r D Loutfi, proposera pour en tenir compte.
Cela dit, je suis heureux de penser que je pourrai transmettre au ministre de la Santé et des Services sociaux du Québec beaucoup d’observations et de propositions formulées depuis hier qui orienteront ulti mement nos politiques futures.
Michel Bureau
Ce que nous venons d’entendre a de quoi nous enthousiasmer et, en même temps, nous inquiéter devant ce que l’avenir nous réserve. Nous sommes invités à changer d’échelle, a ton dit, à appliquer un nouveau paradigme. Le traitement du cancer dans la décennie qui se termine a surtout été l’affaire du milieu hospitalier ; l’accent étant mis sur les soins aigus, la chimiothérapie et la radiothérapie. Victimes de notre succès, dironsnous, 60 % des personnes atteintes vivent bien audelà de cinq ans, retournent au travail et réintègrent leurs milieux de vie, quels qu’ils soient. Parce que le cancer se transforme de maladie aiguë en maladie chronique, le changement considé rable que cela entraîne touchera tous les acteurs de la société. Et, M. Maraninchi vient de le souligner, ce changement de culture et d’habitudes de la part des intervenants du milieu hospitalier et de toute la communauté prendra le temps qu’il faudra pour se réaliser.
Les changements sont réclamés avec une telle unanimité, font l’objet d’un tel consen sus qu’ils seront inévitables. La nouvelle réalité appelle un changement de culture du milieu médical et hospitalier autant que du milieu communautaire. Issue des groupes communautaires, Mme Dubois apportait tout à l’heure son appui. Nous devons apprendre, disaitelle, à travailler ensemble, à situer nous aussi nos actions sur une autre échelle. Les multiples groupes communau taires très qualifiés qui interviennent au Québec et qui font notre fierté devront effectivement mieux se coordonner ; mais cela ne pourra pas leur être imposé. J’habite Québec, mais j’ai toujours une résidence dans un village de 1 500 habitants où il y a deux clubs de l’âge d’or, deux groupescom munautaires qui soutiennent les personnes âgées. Il est pourtant impensable que, dans un aussi petit milieu, deux regroupements soient mieux équipés qu’un seul pour faire le travail.
environnement et cancer soient mis en cohé rence. Voilà sans doute unprérequis pour faire évoluer l’opinion généralemoins sensi ble à la nécessité de prévenir la maladie, plus pressée qu’on investisse dansles soins plutôt que de faire en sorte de se placerà l’abri de certains facteurs de risque. Mais de se placer nous ne ferons pas l’un sans l’autre, nous devrons changer de façon globale.
Michel BureauQUÉBEC Sousministre adjoint Direction générale des services de santé et médecine universitaire Ministère de la Santé et des Services sociaux
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Pour procéder à ce changement d’échelle, l’hôpital, et bien d’autres avec lui, devront revoir leurs façons de faire. Le milieu hos pitalier devra établir de nouveaux rapports avec la médecine de première ligne et le milieu communautaire, notamment. Mais, audelà, toute la société est concernée par la muta tion de cette maladie aiguë, souvent létale, qui devient chronique ou dont on guérit.
travailler avec la communauté, persuader les médecins de famille d’occuper un rôle plus important, les convaincre que, même en phase aiguë, les malades atteints de cancer demeurentleurspatients, des patients qu’ils devront accompagner durant les périodes de rémission, tout au long de leur vie et des maladies intercurrentes qu’ils pourront développer.
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