À la rencontre d Akeji, peintre calligraphe japonais d aujourd hui - article ; n°1 ; vol.122, pg 19-29
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À la rencontre d'Akeji, peintre calligraphe japonais d'aujourd'hui - article ; n°1 ; vol.122, pg 19-29

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Description

Communication et langages - Année 1999 - Volume 122 - Numéro 1 - Pages 19-29
La calligraphie est un art majeur au Japon. Cet art est maintenu vivant aujourd'hui, dans le respect le plus strict de la tradition, par des artistes reconnus. Le respect de la tradition implique non seulement la manière d'exercer cet art, mais la manière de vivre de l'artiste qui le pratique. Dans l'article ci-dessous, Raymond Voyat, spécialiste de
la culture japonaise, propose une approche de la calligraphie japonaise à travers l'œuvre d'un grand artiste japonais contemporain, M. Akeji, auquel le musée
d'AIbi vient de consacrer une importante exposition.
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Publié le 01 janvier 1999
Nombre de lectures 53
Langue Français
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Extrait

Raymond Voyat
À la rencontre d'Akeji, peintre calligraphe japonais d'aujourd'hui
In: Communication et langages. N°122, 4ème trimestre 1999. pp. 19-29.
Résumé
La calligraphie est un art majeur au Japon. Cet art est maintenu vivant aujourd'hui, dans le respect le plus strict de la tradition,
par des artistes reconnus. Le respect de la tradition implique non seulement la manière d'exercer cet art, mais la manière de
vivrede l'artiste qui le pratique. Dans l'article ci-dessous, Raymond Voyat, spécialiste de
la culture japonaise, propose une approche de la calligraphie japonaise à travers l'œuvre d'un grand artiste japonais
contemporain, M. Akeji, auquel le musée
d'AIbi vient de consacrer une importante exposition.
Citer ce document / Cite this document :
Voyat Raymond. À la rencontre d'Akeji, peintre calligraphe japonais d'aujourd'hui. In: Communication et langages. N°122, 4ème
trimestre 1999. pp. 19-29.
doi : 10.3406/colan.1999.2963
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/colan_0336-1500_1999_num_122_1_2963À la rencontre d'Akeji, x
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La calligraphie est un art majeur au Japon. Cet art est dessous, Raymond Voyat, spécialiste de
maintenu vivant aujourd'hui, dans le res- la culture japonaise, propose une
pect le plus strict de la tradition, par des approche de la calligraphie japonaise à
artistes reconnus. Le respect de la tradi- travers l'œuvre d'un grand artiste japonais
tion implique non seulement la manière contemporain, M. Akeji, auquel le musée
d'exercer cet art, mais la manière de vivre d'AIbi vient de consacrer une importante
de l'artiste qui le pratique. Dans l'article ci- exposition.
Pour le mot calligraphie, le Nouveau Petit Robert, éd. 1993,
donne à la page 289 : « 1 . Art de bien former les caractères
d'écriture; écriture formée selon cet art ». Sens qui ne rend pas
vraiment le poids dont est investi le mot japonais shodô, « la
Voie de l'écriture ». Le simple « bien écrire » est donc beaucoup
plus léger en français.
LE GESTE ET LE VERBE
Entourés de redoutables déserts et de montagnes inaccess
ibles, et bordés par les eaux du Pacifique, la Chine, la Corée et
le Japon constituent une immensité géographique de caractère
« insulaire », dont la civilisation privilégie le visuel. L'une des
légendes racontant la naissance de l'idéogramme évoque un
fonctionnaire mythique, Cang Jie. Celui-ci - il avait quatre yeux
(déjà l'importance du regard) et vivait quelque 5 000 ans avant
notre ère - avait remarqué que les traces de pattes d'oiseaux
sur le sable ressemblaient à des signes. D'où son idée de les
copier au moyen d'un stylet sur des planchettes pour reproduire
des objets usuels à l'inventaire desquels il travaillait. Donc, au
départ, une démarche qui permettait de reconnaître des objets
concrets au moyen d'un dessin simplifié. D'autres légendes
décrivent des entrelacs de lianes, des marques dans l'écorce
des arbres, les veines de rocher, résultats des hasards de la 20 Calligraphie
nature, mais que les hommes interprétèrent comme autant de
signaux ou de messages cryptés par les dieux. Il s'agissait d'une
« écriture céleste » que s'approprièrent chamans et hermé-
neutes, seuls capables de la déchiffrer. Ici, donc, l'idéogramme
est signe divinatoire, dont l'interprétation, tout en visant les
besoins de la communauté villageoise, préparait l'évolution vers
l'abstraction.
L'Occident judéo-chrétien, lui, dit avant que de voir: « Or, Dieu
dit » (entrée de la Genèse [1 ,3]), ou « Au commencement était le
Verbe » (incipit de l'évangile de Jean [1,1]). Le Très-Haut se
manifeste par la force de son Verbe, qui crée en nommant. Mais
en Extrême-Orient, et pour paraphraser Jean, « Au commence
ment était le Trait ». Car c'est le geste du démiurge qui crée.
C'est aussi le Trait primordial du calligraphe qui évoluera vers
une complexité à l'image des phénomènes, puisque le grand
dictionnaire de référence du xvme siècle finira par accueillir
44000 idéogrammes. Sur les 10000 qui demeureront plus ou
moins en usage, 3000 resteront courants dans des combinai
sons formant 12 000 à 13000 mots. Face à cette exubérance
visuelle, la phonétique de la langue restera assez pauvre, avec
400 syllabes, pourtant enrichies, en Chine, de quatre tons.
Cette différence de poids entre le Verbe et le Geste est fonda
mentale et contraint l'esprit occidental à une discipline d'autant
plus délicate que l'art de l'Extrême-Orient n'est pas seulement
un message esthétique et ne se comprend qu'en partie avec la
raison. L'essentiel, en effet, se vit grâce à une identification qui
présuppose un éveil intérieur, satori (éveil bouddhique), qui sus
cite une prise de conscience dans la contemplation. L'art spir
itualise la nature, où l'homme s'intègre en y occupant alors une
place authentiquement médiatrice.
^ L'art de la calligraphie - tout écrit étant image, il ne différencie
^ pas le signe et la peinture - fait partie, avec la musique, des dis-
^ ciplines que tout lettré investi de pouvoir se doit de pratiquer. À la
H fois philosophie, éthique, religion, selon des critères qui se che-
g> vauchent sur « la Voie ». D'ailleurs l'ensemble procède des
5 anciennes croyances animistes, et du Tao, du confucianisme, du
ç bouddhisme (en particulier du zen), ces disciplines formant un
■â tout en s'enrichissant mutuellement.
■| Cela dit, il est tentant d'établir une parenté spirituelle entre le cal-
| ligraphe oriental et le moine copiste du Moyen Âge. Ou, jusqu'à
E aujourd'hui encore, le copieur de rouleaux de la Torah. Comme
<S le calligraphe reprenant le Trait primordial sur le support vide de À la rencontre d'Akeji, peintre calligraphie japonais 21
son papier, un moine, en traçant les mots, lettre après lettre, du
texte sacré, répétait le geste créateur qui l'identifiait à son
Créateur grâce à un acte de foi réactualisant l'histoire du salut.
Quant à la Grâce, accordée ou non par Dieu au croyant, elle
n'est pas sans rappeler l'illumination bouddhique, qui ne saurait
s'obtenir, mais ne peut que survenir.
Certes, les racines sacrées de la calligraphie furent peu à peu
sécularisées par le pouvoir qui, en s'appropriant l'écriture, insti
tua l'échange autographe entre mandarins fonctionnaires, char
gés de gérer un pays aux innombrables langues et dialectes.
D'abord messager d'une volonté magique, puis support de
textes sacrés, l'idéogramme est devenu un moyen d'unification
politique récupéré par une administration de plus en plus central
isée. Mais, en même temps, moyen de communication des let
trés, penseurs, poètes et particuliers. Et cela sans que l'un
supplante et annule l'autre. Et jusqu'à aujourd'hui, l'unicité de
l'écriture fait contraste avec l'abondance des parlers régionaux.
LA DIFFUSION DE L'IDÉOGRAMME AU JAPON
Même s'il est possible que le Japon ait connu certaines formes
de paléo-écriture antérieures à l'idéogramme (c'est une thèse
que défend Akeji), ce sont les moines venus de Chine, passant
par la Corée, qui, vers la fin du vie siècle, introduisirent, en même
temps que le bouddhisme, l'écriture. Une écriture aboutie, ache
vée, grâce aux perfectionnements techniques dont elle avait
bénéficié au cours des siècles : amélioration de la fabrication du
papier, mais surtout celle du pinceau, dont la légende affirme
qu'un certain Meng Tian, général de l'époque Qin, en serait
l'inventeur, vers la fin du ine siècle avant notre ère. Le pinceau,
remplaçant le stylet qui gravait des matériaux durs (os d'ani
maux, carapaces de tortues, pierre), allait permettre de rythmer
le trait, qu'il soit plein, délié, arrondi ou cursif, sur un support
absorbant, facile à transporter et à diffuser, même s'il était fra
gile. Sans oublier que le pinceau allait rendre possible de repré
senter l'homme dans la nature, donc la peinture.
Une tradition veut que le prince S

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