Al-Iskandariyya : oeil du monde et frontière de l inconu - article ; n°1 ; vol.96, pg 425-439
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Mélanges de l'Ecole française de Rome. Moyen-Age, Temps modernes - Année 1984 - Volume 96 - Numéro 1 - Pages 425-439
François de Polignac, ~~Al-Iskandariyya : œil du monde et frontière de l'inconnu~~, p. 425-439. Malgré son déclin et le rang secondaire qu'elle occupe dans le monde médiéval, Alexandrie conserve une place prééminente et bien individualisée dans la représentation arabo-musulmane du monde et de l'histoire. Jusqu'au XIe siècle, la ville y est identifiée à ses «merveilles» : le Phare et autres vestiges de l'antiquité. Alexandrie incarne ainsi la Métropole antique par excellence, centre du monde soumis à l'omnivoyance du maître du Phare, centre du cosmos dont la rotation s'effectue autour de l'axe zénithal matérialisé par le même Phare. Mais elle est aussi la cité-frontière, son rôle historique de vigie de l'Islam face à Byzance étant transcendé par la dimension eschatologique conférée à toute l'œuvre d'Alexandre dans la pensée musulmane : sa fondation symbolise la clôture du monde et du temps.
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1984
Nombre de lectures 60
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

François de Polignac
Al-Iskandariyya : oeil du monde et frontière de l'inconu
In: Mélanges de l'Ecole française de Rome. Moyen-Age, Temps modernes T. 96, N°1. 1984. pp. 425-439.
Résumé
François de Polignac, Al-Iskandariyya : œil du monde et frontière de l'inconnu, p. 425-439.
Malgré son déclin et le rang secondaire qu'elle occupe dans le monde médiéval, Alexandrie conserve une place prééminente et
bien individualisée dans la représentation arabo-musulmane du et de l'histoire. Jusqu'au XIe siècle, la ville y est identifiée
à ses «merveilles» : le Phare et autres vestiges de l'antiquité. Alexandrie incarne ainsi la Métropole antique par excellence,
centre du monde soumis à l'omnivoyance du maître du Phare, centre du cosmos dont la rotation s'effectue autour de l'axe
zénithal matérialisé par le même Phare. Mais elle est aussi la cité-frontière, son rôle historique de vigie de l'Islam face à Byzance
étant transcendé par la dimension eschatologique conférée à toute l'œuvre d'Alexandre dans la pensée musulmane : sa
fondation symbolise la clôture du monde et du temps.
Citer ce document / Cite this document :
Polignac François de. Al-Iskandariyya : oeil du monde et frontière de l'inconu. In: Mélanges de l'Ecole française de Rome.
Moyen-Age, Temps modernes T. 96, N°1. 1984. pp. 425-439.
doi : 10.3406/mefr.1984.2758
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mefr_0223-5110_1984_num_96_1_2758FRANÇOIS DE POLIGNAC
AL-ISKANDARIYYA :
ŒIL DU MONDE ET FRONTIÈRE DE L'INCONNU *
Alexandrie : encore dans l'Occident contemporain, un reflet de songe,
un parfum de poésie et de mystère restent attachés au nom d'une ville
sans doute plus évocatrice sous certaines plumes, de Cavafi ou de L. Dur-
rel, que par les réalités quotidiennes de sa modernité difficile. Cette fasci
nation a bien des antécédents : fondée par un conquérant hors mesure tôt
divinisé, la grande cité de Rhakôtis n'avait-elle pas fait figure de métropol
e de l'Orient hellénistique et, un moment, de rivale de Rome sinon par
son empire, du moins par son prestige, ses monuments et ses trésors?
Le long déclin de la ville à travers de multiples vicissitudes qui
devaient déboucher sur l'entrée des armées arabes en 642, put l'abaisser
au rang secondaire qu'elle occupait dans la hiérarchie politique, démo
graphique et économique des villes de l'empire musulman1. Mais il ne
suffit pas à ternir son image au point de ne la laisser occuper dans la
conscience de ses nouveaux maîtres que la place médiocre à laquelle son
importance réelle aurait pu la mener. Pour s'en convaincre, il n'est que
de parcourir l'une de ces œuvres de la géographie arabe qui fleurirent à
la grande époque du califat abbasside2 : pas même une œuvre majeure,
mais le bref compendium par lequel nous est parvenu le travail d'un
auteur peu connu, Ishâq ibn al-Husayn, qui publia son Livre des collines
de corail en Espagne vers le milieu du Xe siècle3. Comme tant de ses collè-
* Les dates sont toutes exprimées par rapport à l'ère chrétienne. BGA = Biblio-
theca geographorum arabicorum, Leyde.
1 On trouvera un résumé de l'histoire de l'Alexandrie arabe dans l'Encyclopédie
de l'Islam, s.v. Iskandariyya (al-), p. 137-143.
2 Sur l'essor, les conditions et développements de la géographie arabe, voir
A. Miquel, La géographie humaine du monde musulman, tome 1, Paris, 1973.
3 Traduit par A. Codazzi, dans Rendiconti della Accademia R. dei Lincei, VI,
1929, p. 373-463.
MEFRM - 96 - 1984 - 1, p. 425-439. FRANÇOIS DE POLIGNAC 426
gues, il se livre surtout à une description des principales villes, mais
réduite ici à la notation extrêmement brève et sèche de quelques traits
essentiels : position géographique, richesse ou activité principale, particul
arité des habitants, curiosité éventuelle. Six villes seulement échappent à
ce traitement étriqué : en premier lieu les trois villes saintes de l'Islam, La
Mecque, Médine et Jérusalem, puis Alexandrie, Rome et Constantinople,
toutes objets d'un développement où interviennent des considérations pla
cées sous le signe du sacré pour les premières et du merveilleux pour les
secondes4.
Or, sur quatre de ces villes converge, pour des raisons de religion et
de politique, le double regard de l'Occident et de l'Orient. Comme Rome
et Constantinople, Alexandrie est connue pour avoir été une métropole de
la Méditerranée antique; mais seule Byzance est demeurée une grande
capitale à l'époque médiévale. La ville d'Alexandre partage en revanche
avec Jérusalem l'appartenance au monde musulman, sans avoir le carac
tère religieux qui rapproche cette dernière de Rome. Parmi les quatre
anciennes capitales placées à la croisée de la Chrétienté et de l'Islam,
Alexandrie est donc celle qui incarne l'héritage sensible, accessible par
ses vestiges encore visibles, de l'Antiquité classique dans l'univers arabe et
dévoile ainsi l'image que la culture arabo-musulmane en avait reçue et
s'en était formée.
Or cette image apparaît singulièrement cohérente dans le corpus des
sources les plus intéressantes pour cette enquête, constitué principale
ment mais non exclusivement par les ouvrages de géographie, et chrono
logiquement échelonné du IXe au XIe siècle : de l'Histoire de la conquête
de l'Egypte d'Ibn 'Abd el-Hakam et du Livre des itinéraires et des royaumes
d'Ibn Hurdadbeh jusqu'au livre du même titre d"Abd Allah al-Bakrï5.
4 Le contraste est tout aussi frappant dans une œuvre autrement considérable :
la Configuration de la terre d'Ibn Hawkal dont le système de pointage ou de « recen
sement sur fiche» des caractéristiques de chaque ville (nombre et statuts des mos
quées, des marchés et des bains, existence d'une citadelle, de fortifications. . .) est
abandonné pour ces mêmes villes, moins Rome qui ne figure pas dans son ou
vrage.
5 Ces auteurs et leurs ouvrages sont, dans l'ordre chronologique : Ibn 'Abd el-
Hakam, La conquête de l'Egypte, I : La fondation d'Alexandrie, (milieu IXe siècle?),
traduit par le Pce. Omar Toussoun dans le Bulletin de la Société royale d'archéologie
d'Alexandrie, V, 1921, p. 213 sq.; Ibn Hurdadbeh, Livre des itinéraires et des royau
mes (846 et vers 885), BGA VII, 1889; Yaqubi, Les pays (vers 890), BGA, VII, trad.
G. Wiet (Le Caire, IFAO, 1937); Ibn al-FAQÎH, Abrégé du livre des pays (vers 903),
BGA, III, trad. H. Massé (Damas, IFEA, 1974); Ibn Rusteh, Les Atours précieux (dé- AL-ISKANDARIYYA : ŒIL DU MONDE ET FRONTIÈRE DE L'INCONNU 427
Tous les auteurs concernés, qu'ils aient cherché à transmettre les données
essentielles de la connaissance des pays d'Islam et parfois des régions voi
sines sous la forme de la géographie administrative ou par le biais d'une
étude cartographique de l'image du monde, par la compilation ou en pri
vilégiant les voyages et enquêtes personnelles, donnent d'Alexandrie une
image toujours placée au même niveau de représentation, et dont une
bonne part des composantes est présente déjà dans le récit d'Ibn 'Abd el-
Hakam. Sans que les reprises en soient répétitions stériles, mais bien
variations révélatrices sur le thème par insertion et articulation nouvelles
de ses éléments, s'élève et domine partout l'image d'une Alexandrie enti
èrement identifiée aux merveilles qu'elle recèle6. Stéréotype? Plutôt tradi
tion vivante, localement enracinée, puisque les auteurs ayant visité
Alexandrie pour accorder le plus de place possible à l'acquisition directe
des connaissances, tel Muqaddassï, parlent à peine plus de la ville concrèt
e, «quotidienne», que ceux travaillant sur les données de la tradition li
ttéraire : pour tous, Alexandrie est avant tout ce qu'elle est aux yeux d'Ibn
Hawkal, lui-même l'un des plus prompts à introduire la richesse du vécu
grâce à ses voyages : « Une des villes célèbres de ce pays, dont les antiquit
és sont des merveilles, est Alexandrie. . . On y voit des antiquités bien
apparentes et des monuments authentiques de ses anciens habitants,
témoignages éloquents de royauté

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