Alexandrie, ville nouvelle - article ; n°1 ; vol.46, pg 23-37
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Description

Revue de l'Occident musulman et de la Méditerranée - Année 1987 - Volume 46 - Numéro 1 - Pages 23-37
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1987
Nombre de lectures 70
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Henry Cuvigny
Alexandrie, ville nouvelle
In: Revue de l'Occident musulman et de la Méditerranée, N°46, 1987. pp. 23-37.
Citer ce document / Cite this document :
Cuvigny Henry. Alexandrie, ville nouvelle. In: Revue de l'Occident musulman et de la Méditerranée, N°46, 1987. pp. 23-37.
doi : 10.3406/remmm.1987.2185
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/remmm_0035-1474_1987_num_46_1_2185H. Cuvigny
ALEXANDRIE, VILLE NOUVELLE
C'est en Egypte qu'Alexandre eut pour la première fois l'occasion de goûter aux
fastes et à la mystique des monarchies orientales. Accueilli en libérateur par les
Égyptiens, peut-être même sacré pharaon par les prêtres de Memphis, l'élève d'Aris-
tote laissa toutefois dans le pays une cité grecque appelée à en devenir la capitale;
l'hiatus entre la mégapole ouverte à tous vents et le long couloir clos de la vallée
du Nil, où la crue conditionnait indéfiniment les travaux de la terre et les rites
des temples, ne devait jamais être résolu. Siège du pouvoir et refuge des hors la ,
loi, centre d'une culture moderne à l'heure ou le clergé indigène complique à plai
sir son écriture et ses théologies, exploiteuse et prédatrice, hérissée de douanes
et d'octrois, Alexandrie, qui tourne le dos à l'Egypte en la ponctionnant, n'en fait
politiquement paspartie : le roi, comme le préfet sous l'empire, sont roi ou préfet
d'Alexandrie et d'Egypte; celui qui se trouve à Alexandrie comme celui qui est en
service dans le désert oriental, cet autre autre monde, dit recevoir des lettres
«d'Egypte», s'y rendre ou en revenir. C'est sous les Ptolémées que le paradoxe
est le plus aigu; tandis qu'ils régnent dans la chôra1, avec la complicité plus ou
moins loyale du clergé, sous les espèces d'effigies impersonnelles, ils offrent à l'œil
critique de leurs sujets alexandrins, qui s'engouffrent bientôt dans les failles du
pouvoir, le spectacle de leurs carences, de leurs débauches et de leurs cruautés :
Alexandrie est la capitale pourvue d'organes démocratiques d'un royaume dont
elle ne fait pas partie; cette triple contradiction n'est pas étrangère aux convul
sions de son histoire.
Plutarque attribue à une intervention surnaturelle le choix de l'emplacement
d'Alexandrie : Homère serait apparu en songe au conquérant et aurait récité les
vers de l'Odyssée relatifs à Pharos. Il n'est pas impossible qu'une réminiscence
littéraire ait séduit Alexandre : grand admirateur d'Homère, n'avait-il pas à Ilion
honoré le tombeau d'Achille? Des raisons moins romantiques ont évidemment joué
ROMM 46, 1987-4 24 / H. Cuvigny
davantage dans le choix de ce point de la côte quand d'autres auraient pu
convenir2. Alexandre a pu être frappé par une ressemblance dans la configuration
des lieux avec le site de Tyr, construite sur une île qu'il avait pour les besoins du
siège réunie au continent par un môle, précurseur de l'Heptastade3; mais le fac
teur déterminant fut, croyons-nous, la proximité de Naucratis, fondation milésienne
du vn-vie siècle dont les hommes d'affaires devaient aspirer à un port maritime.
«Entraînée... dans le cercle du monde égéen, l'Egypte tendait de plus en plus
ses forces vers la mer, écrit P. Jouguet. Depuis longtemps les pharaons avaient
abandonné les vieilles capitales du sud et régnaient dans le delta. C'était là le vrai
cœur du pays... »4 C'est ce que les Grecs d'Egypte, au premier chef ceux de Nauc
ratis, durent faire comprendre au conquérant; on imagine aisément que depuis
leur comptoir sur le bras canopique du Nil, les Naucratites suivaient avec passion
la réorganisation de l'Orient et spéculaient sur les perspectives économiques qu'elle
leur ouvrait. L'un d'eux, le financier Cléomène, sut si bien se faire valoir auprès
d'Alexandre que celui-ci lui confia l'administration de sa nouvelle conquête. Gou
verneur musclé, Cléomène, qui avait sans doute eu son mot à dire dans la fonda
tion d'Alexandrie, utilisa à merveille l'instrument dont il fut le bâtisseur et d'où,
habile à diriger le blé d'Egypte sur les marchés où les cours étaient les plus élevés
en sevrant les autres, il fit sentir sa loi dans l'Egée5.
En 323, Alexandre meurt à Baby lone; le partage de son empire, un de ses
généraux, Ptomélée, obtient la Satrapie d'Egypte où il ne tarde pas à se débarras
ser de Cléomène et à faire d'Alexandrie sa résidence. Le choix d'une capitale aussi
excentrique révèle bien que l'Egypte a désormais échangé sa vocation fluviale et
continentale contre une ouverture sur la Méditerranée6. Il ne pouvait en être autr
ement à une époque où des royaumes grecs se constituaient en s'opposant et se
disputaient dans le vieux monde égéen marchés, territoires, zones d'influences,
ingénieurs, cadres pour leur administration, artistes et intellectuels pour leur prestige,
mercenaires pour leur armée. Marginale en Egypte, Alexandrie occupait néanmoins
une position centrale dans l'instable empire ptolémaïque qui inclurait aux meil
leurs jours la Cyrénaïque, la Coelè-Syrie, Chypre, certaines îles de l'Egée, cer
tains segments du littoral de l'Asie Mineure.
Les Ptolémées, trop réalistes d'abord, trop faibles ensuite, n'eurent guère l'ambi
tion de reconstituer pour leur compte l'empire d'Alexandre et de rendre à Alexand
rie le rôle de capitale de cet empire que son fondateur lui réservait peut-être.
Ce rêve fou faillit pourtant se réaliser lorsque, à la faveur de la guerre civile qui
opposait Sénat et chefs de factions à Rome, la dernière représentante de la dynast
ie parvint à mettre dans son jeu le Romain Marc Antoine; en 34 a. C, les Alexan
drins se virent convier à deux grands « shows » : un triomphe à la mode romaine
par lequel Antoine célébrait sa facile conquête de l'Arménie et qui revenait à con
tester à Rome la place qu'elle revendiquait dans l'empire en formation (le scénario
en était d'autant plus insultant que le rôle de Jupiter Capitolin était tenu par Cléo-
pâtre), triomphe bientôt suivi des «Donations d'Alexandrie» lors desquelles Antoine,
devant un grand concours de peuple, partagea pompeusement l'Orient - y comp
ris l'empire parthe qui restait à conquérir - entre Cléopâtre et ses enfants. Antoine
avait, comme on sait, vendu la peau de l'ours avant de l'avoir tué, et c'est à Octave
Auguste qu'il appartenait de révéler pleinement à Alexandrie sa vocation de lieu
de contact et de passage entre l'Orient et l'Occident. ville nouvelle I 25 Alexandrie,
II n'y avait pas plus de dix ans qu'Octave avait battu aux portes de la ville les
forces d'Antoine et Cléopâtre et l'Alexandrie de Strabon, qui visita l'Egypte entre
24 et 20 a. C, gardait les séquelles des dernières guerres : l'îlot de Pharos, dévasté
par César, ne s'était pas encore reconstruit ni repeuplé et le cœur de la ville s'était
momentanément déplacé hors les murs, dans le faubourg de Nikopolis qui tirait
son nom de la victoire romaine. Pourtant, elle offrait au géographe, qui la pré
sente comme «la plus grande place de commerce du monde» (XVII, 1, 13), le spec
tacle d'un dynamisme et d'une prospérité sans précédent. De fait, les événements
extraordinaires et dramatiques dont elle fut souvent le théâtre ne semblent guère
avoir affecté outre mesure sa vie économique; inversement, la prospérité ne cal
mait pas particulièrement les esprits. Peut-être cette relative indépendance des
rythmes de la politique et de l'économie est-elle attribuable au fait qu'Alexandrie
vivait avant tout du commerce et que celui-ci était largement entre les mains d'étran
gers : la situation intérieure dès lors importait moins que la conjoncture interna
tionale et c'est pourquoi le çléclin de la puissance lagide, la rétraction de l'empire
qui finit par se réduire à l'Egypte, Chypre et la Cyrénaïque, la prostitution des
derniers rois et même la détresse de l'arrière-pays n'empêchèrent pas les affaires
d'aller b

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