Analyse du Roman de Godefroi de Bouillon. - article ; n°1 ; vol.2, pg 437-460
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Description

Bibliothèque de l'école des chartes - Année 1841 - Volume 2 - Numéro 1 - Pages 437-460
24 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1841
Nombre de lectures 46
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Antoine Le Roux De Lincy
Analyse du Roman de Godefroi de Bouillon.
In: Bibliothèque de l'école des chartes. 1841, tome 2. pp. 437-460.
Citer ce document / Cite this document :
Le Roux De Lincy Antoine. Analyse du Roman de Godefroi de Bouillon. In: Bibliothèque de l'école des chartes. 1841, tome 2.
pp. 437-460.
doi : 10.3406/bec.1841.451595
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bec_0373-6237_1841_num_2_1_451595ANALYSE
ROMAN DE GODEFROI DE BOUILLON
Le roman en vers, connu sous le nom de Godefroy de Bouillon,
se divise en deux parties bien distinctes : la première comprend
les aventures fabuleuses auxquelles on a rattaché l'origine de Go-
defroi de Bouillon et de sa famille; la seconde contient le récit
des événements qui signalèrent la première croisade et la prise
de Jérusalem.
Au moyen âge, une tradition populaire prétendait que Godefroi
de ^Bouillon avait pour bisaïeule une fée, laquelle était devenue
femme du roi Lothaire, et avait enfanté de sa première grossesse
six garçons et une fille. Ces enfants, ajoute la légende, étaient
venus au monde chacun avec un collier d'or, qui leur donnait le
pouvoir de se métamorphoser en cygnes, puis de reprendre la f
igure humaine. Toutefois ce don magique ne sut les préserver de
la haine de leurgrand'mère. Dès leur naissance ils furent persé
cutés : d'abord on les exposa aux bêtes. Recueillis par un ermite
qui se chargea du soin de les nourrir, ils furent découverts plus
lard dans la retraite où les cachait leur père adoptif. Leur ennemie
le fit guetter : un jour qu'ils se baignaient, ayant imprudemment
déposéleurs colliers sur le rivage, desémissaires apostés enlevèrent
ces précieux joyaux, et réduisirent les pauvres jumeaux à garder
la forme de cygnes sous laquelle ils s'étaient enfuis. Heureuse
ment l'un d'eux, appelé Elias, était absent; il garda son collier
d'or pour le salut de ses frères. Devenu un chevalier hardi, il re
conquit les talismans dérobés, à l'exception d'un seul qu'on avait 438
déjà fondu el. transformé en coupe. Far suite de ce méfait, l'un
des sept enfants dal rester oiseau toute sa vie; mais conservant
une tendre amitié pour son frère Elias, il s'attacha étroitement à
sa personne et se fit le compagnon inséparable de ses exploits.
Ainsi commence l'histoire (IuChevalier au cygne, qui, variée à
l'infini dans ses détails, compose la première branche du roman de
Godefroi de Bouillon. Celte légende est de toute ancienneté. L'Or
ient lui a donné naissance, et de la bouche des conteurs juifs et
arabes, elle a passé dans !e Dolopathos, dont j'ai donné des extraits
il y a quelques années '. Sans doute c'est dans ce livre que l'ont
prise les romanciers. Comme mon intention est d'examiner le r
oman de Godefroi sous le point de vue historique, je n'insiste pas sur
ces récils fabuleux ; ju passe les aventures à la suite desquelles
Elias, conduit par son frère le cygne dans une barque enchanlée,
aborde enfin dans le duché de Bouillon et se marie avec l'héritière
de la contrée. J'indiquerai seulement le sujet de la dernière bran
che du Chevalier au cygne, qui sert de transition pour amener le
récit des guerres saintes.
Corbaran, Tun des rois de l'Orient, apprend par la reine Ca-
labre, habile magicienne, que les trois fils du puissant duc de Bouil
lon doivent un jour venir en Orient pour s'emparer de Jérusalem.
Il se déguise en pèlerin, et passe en Europe, dans le but de tuer
ces jeunes chevaliers ; mais Godefroi de Bouillon, instruit du pro
jet de l'infidèle, réunit autour de sa personne les princes chrétiens
qui plus tard prendront la croix avec lui. A la vue de ces guerr
iers, Corbaran s'empresse de retourner dans ses États et de se
préparer à la résistance contre une armée si formidable.
Toutes ces fables avaient reçu l'autorité de l'histoire, à force
d'être mises en œuvre par les poètes de la France et de l'Allemagne2.
Les frères Grimm ont recueilli jusqu'à neuf versions différentes des
aventures du Chevalier au cygne, et on les trouve chantées encore
dans un vieux poëme allemand intitulé le Lohengrin 3. Il est
1 Voy. Essai sur les Fables indiennes, par A. Loiselleur Bes-Longehamps, suivi du
roman des Sept Sages, etc., par Le Roux de Lincy ; Paris, 4 858.
2 Guillaume de Ty t, rapportant l'origine de Godefroi de Bouillon, s'excuse de ce
qu'il omet ces traditions : « Prœterimus denique studiose, licet id verum fuisse pluri-
morum adstruat narratio, cigni fabulant unde vulgo dicitur sementivam eis fuisse ori
gin em. » (Histor. Hier os., 1. IX, c. fi. )
3 Voyez Traditions allemandes recueillies et publiées par les frères Grimm, tra
duites parTheil; Paris, -1858, ln-8", t, II, p. 548. 439
difficile de dire comment ces traditions furent rattachées a la f
amille du roi de Jérusalem; ce qu'il y a de certain, c'est que les
seigneurs de Bouillon portaient un cygne dans leurs armes.
La partie du roman français qui comprend les aventures du
Chevalier au cygne est l'œuvre d'un trouvère qui vivait à !a fin
du douzième siècle : son nom est Renax ou Renault. Il a éîé mis,
par l'abbé de La Rue, au nombre des poêles anglo-normands, mais
sans aucune raison l. Tout ce qu'on sait de lui, c'est qu'il est l'au
teur de plusieurs lais qui ont été publiés récemment 2. Voici les
vers de notre poëme dans lesquels il se fait connaître :
Seignor, vous qui avés la cancliou escotée
Renax vous mande à tos qui ceste ovre a finée,
Que vos proies le roi q:ii fist ciel et rosée,
Et le sainte pucele la roïnc honerée,
Que de tos les mesfai.s <iont s'arme est encopée.
Li face vrai pardon quant sa vie iert fînée.
Amen chescuns en die, îi estoirc est finée 3.
J'arrive à la seconde partie du roman de Godefroy de Bouillon,
véritable chanson de gesle, inspirée par les premières expéditions
des chrétiens en Orient. C'est la Jérusalem délivrée, telle qu'elle
a été conçue selon les règles de notre ancienne épopée. Les récits
n'ont plus de rapport avec ceux qui forment le fond du Chevalier
au cygne. L'histoire, empruntée aux chroniqueurs, se poursuit
d'un bout à l'autre du roman ; et, si elle est entremêlée de détails
qu'on chercherait en vain dans les annales écrites, ces détails ne
peuvent plus être rejetés parmi les fables de pure invention ; ils
appartiennent incontestablement aux traditions que la mémoire
des peuples avait conservées, ou ils ont été tirés de ces chansons
primitives qui, d'après des témoignages irrécusables, furent com
posées par les chrétiens sous l'impression même des événements.
La chronique du prieur de Yigeois, après avoir relaté les prin-
1 Essai historique sur les Bardes, les Jongleurs et les Trouvères anglo-normands,
1 . III, p. 24 5. Voyez aussi Roquefort, État de (a poésie française pendant les douzième
et treizième siècles, p. -t 62.
2 Lai d'Ignaurès, en vers, du douzième siècle, par Kenaut, publié par MM. Mon-
merqué et Fr. Michel; Paris, \ 852, in-8°. — Lais inédits des douzième et treizième
siècles, publiés pour la première fois, etc., par F. Michel: Paris, -1856, in- 8°
3 Ms, n»702S, f 69, R" col. 2. 440
•ci pal es circonstances du. siège de Jérusalem, s'exprime en ces
fermes : « Grégoire Bechada, du château de Lestour, chevalier,
« homme d'imagination et quelque peu versé dans les lettres,
« s'est consacré à la composition d'un volumineux ouvrage, où il
« a écrit dans sa langue maternelle, et en rimes vulgaires, le
« récit de ces combats, afin d'en rendre l'intelligence plus facile
« au peuple. Et pour que ce travail fût plus authentique et plus
« correct, il a mis douze années à le faire. Mais craignant que
« l'idiome dont il se servait n'ôtât du prix à son ouvrage, il l'a
« composé sous les auspices de l'évêque Euslorge, et d'après les
« conseils du Normand Gaubert1.» Ainsi, dès les premières années
du douzième siècle, voilà un chevalier limousin, témoin et acteur
des événements de la première croisade, qui

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