Aspects du songe chez les derniers rhétoriqueurs : Analyse du «Labirynth de Fortune» et du «Séjour d Honneur» - article ; n°1 ; vol.25, pg 17-37
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Aspects du songe chez les derniers rhétoriqueurs : Analyse du «Labirynth de Fortune» et du «Séjour d'Honneur» - article ; n°1 ; vol.25, pg 17-37

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Description

Bulletin de l'Association d'étude sur l'humanisme, la réforme et la renaissance - Année 1987 - Volume 25 - Numéro 1 - Pages 17-37
21 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1987
Nombre de lectures 28
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

François Cornilliat
Aspects du songe chez les derniers rhétoriqueurs : Analyse du
«Labirynth de Fortune» et du «Séjour d'Honneur»
In: Bulletin de l'Association d'étude sur l'humanisme, la réforme et la renaissance. N°25, 1987. pp. 17-37.
Citer ce document / Cite this document :
Cornilliat François. Aspects du songe chez les derniers rhétoriqueurs : Analyse du «Labirynth de Fortune» et du «Séjour
d'Honneur». In: Bulletin de l'Association d'étude sur l'humanisme, la réforme et la renaissance. N°25, 1987. pp. 17-37.
doi : 10.3406/rhren.1987.1590
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhren_0181-6799_1987_num_25_1_1590DU SONGE CHEZ LES DERNIERS RHÉTORIQUEURS ASPECTS
Analyse du Labirynth de Fortune et du Séjour d'Honneur
En jetant un regard (oblique) sur le travail de deux «rhéto liqueurs» de
la dernière génération (Octavien de Saint-Gelais, né en 1468 ; Jean Bouchet,
né en 1476), je voudrais esquisser l'analyse des derniers états du songe comme
«type-cadre» (1) poétique. Il s'agirait, à plus long terme, de comprendre la
perte de rentabilité, jusqu'à sa disparition finale, de cette structure narrative
dans l'écriture de la poésie. Sans méconnaître l'importance et la nécessité, sur
un tel sujet, de l'approche historique ou épistémologique, il m'a paru intéres
sant de voir, dans le détail concret des œuvres, ce qu'il advient structurale-
ment du songe dans l'élaboration du texte. D'où l'examen, à travers deux
exemples, des altérations de ce qui est à la fois une forme-cadre justiciable
d'une analyse narratologique, et une riche topique exploitée par les poètes à
des fins plus diverses qu'il n'y paraît, et à des degrés très variables de cohéren
ce et de précision. Le rapport même de ces deux éléments (le cadre formel,
la topique) est à interroger. Il va de soi, au demeurant, que l'analyse de deux
textes gagnant, l'un et l'autre, à être lus de près, ne saurait se prêter telle quelle
à une généralisation.
I - Le Songe et le Pèlerinage : concordia discors
Je voudrais cependant commencer par un bref examen de la relation,
chez les derniers rhétoriqueurs, des deux structures narratives que sont le
songe et le pèlerinage. On sait qu'au XlVème siècle des œuvres comme celles
de Guillaume de Digulleville (2), le Pèlerinage de vie humaine ou le Pèlerinage
de l'âme transposent la structure du Roman de la Rose dans le registre sacré
(la Rose est remplacée par Jérusalem, et le pèlerin retrouve, en son bourdon,
un attribut de «senefîance» moins scabreuse que chez Jean de Meun). Le pè
lerinage rêvé redouble le dispositif de l'écriture allégorique, en retenant à la
fois le principe d'un décalage signifiant, d'un écart symbolique des représen
tations par rapport au cours ordinaire de la vie humaine, et la métaphore fon
damentale du voyage, de l'itinéraire, pour qualifier cette même vie humaine.
Le songe, en quelque sorte, signale et autorise la métaphore, en accentuant le
contraste entre l'immobilité du dormeur et l'incessante/essentielle mobilité du
pèlerin. Ce double cadre du songe et du pèlerinage fonctionne encore dans le 18
Songe du vieil Pèlerin, de Philippe de Mézières (3). Mais dans cette œuvre où
se mêlent les rhétoriques particulières des «voies de Paradis», des «Etats du
monde», de la prédication, de la satire et du traité, le pèlerinage se complique
au point de menacer la structure allégorique elle-même. En effet on voyage de
la terre au Ciel et du Ciel à la terre, et c'est le monde «réel» que visite un «je»
où tendent à se confondre les différents plans d'énonciation : la représenta
tion du monde risque de faire éclater l'allégorie. On se retrouve avec un pèle
rinage qui ne respecte plus la distance métaphorique, à l'intérieur d'un songe
qui la signale encore. La vérité du discours tenu à l'intérieur du songe échap
pe à la véridiction que le songe lui-même est censé gérer ; dès lors il est soup-
çonnable à nouveau de mensonge. Ce problème du rapport de l'écriture hi
storique et satirique à l'écriture allégorique se pose à tout moment aux XlVème-
XVème siècles, de Christine de Pizan à Alain Chartier. A bien des égards, il
concerne toujours, dans les années 1490, le Séjour d'Honneur d'Octavien de
Saint-Gelais (4), ou plus tard encore la production de Jean Bouchet.
On peut tirer un contre-exemple d'une œuvre comme le Livre du Cuer
d'Amours espris de René d'Anjou (5), qui parvient, dans le registre amoureux,
à régler le problème de renonciation, et à conférer une nouvelle validité au
rapport structural songe/itinéraire. Le songe de l'acteur permet l'autonomie
de la quête en créant un personnage inattendu, le Cœur même du rêveur.
Cette dissociation par métonymie, nécessairement onirique, du narrateur et
du personnage, institue un espace-temps autonome, reconnu comme l'analo
gue de celui, romanesque, de la quête du Graal. Le Cœur détaché n'est pas
équipé comme un pèlerin, mais comme un chevalier arthurien. Moyennant
quoi ses aventures se terminent par un échec qui rappelle celui de l'amant
dans la partie «Guillaume de Lorris» du Roman de la Rose. Le Cœur, grav
ement blessé, est transporté à l'Hôpital d'Amour, et l'acteur se réveille plein
d'angoisse : le chambellan doit s'assurer que le cœur de son prince est toujours
à sa place. Suit la décision d'écrire le songe «au plus près». Ainsi se trouve
résolue, d'une façon radicale, l'énigme en suspens depuis Guillaume de Lorris,
touchant le lien difficile de «je «-auteur, «je «-rêvant et «je»-rêvé. A l'intérieur
du «type-cadre» du songe, le Cœur va son chemin ; au plan de renonciation,
le récit est pris en charge par une instance purement fonctionnelle, et dédoub
lée pour plus de sûreté : «l'acteur» + «le conte». Aux seules marges du songe,
se négocie le rapport «réel» de l'acteur et du cœur. L'effet humoristique final
atteste encore la puissance séparatrice du songe, son efficacité romanesque.
Mais l'écriture morale ne peut se satisfaire de telles solutions, qui cher
chent, sinon aboutissent, à restaurer l'erotique mystérieuse de Guillaume de
Lorris. Le pèlerinage du «je» à travers un monde total, à la fois réel et all
égorique, où l'on rencontre Vaine Espérance, mais aussi Priam, mais aussi
Louis XI (6), tend à refuser l'onirisme dont Guillaume de Lorris avait pu 19
capter le charme, non sans détourner Macro be en alléguant une «vérité» qui,
de fait, se dispensera de vérification (7). Pour comprendre ce refus, il n'est
que d'imaginer, toutes proportions gardées, Dante rêvant (explicitement)
l'Enfer : ce n'est plus le même voyage, ce n'est plus la même œuvre. Comme
le dit Saint-Gelais dans le Séjour d'Honneur (qui a subi l'influence dantesque),
lorsque l'acteur loue le Florentin, rencontré juste après Jean de Meun (8) dans
la Forêt d'Aventures :
«II declaira de la vie présente
Soubz fainct langage et poethiques vers,
Les accidens et tourbillons divers,
Et fist descript de l'infernal repaire,
Le Cas piteux et la grande misère ». (w. 6 3 1 3-6 3 1 7)
«Vie présente» et «infernal repaire» ne sont pas sans rapport, et la
question est de savoir si le songe peut encore, dans une telle perspective, faire
partie des feintes poétiques efficaces. Quel est le voile qui convient pour «de-
clairer la vie présente» ? On doit rappeler, au passage, que dans la Forêt des
Aventures (où l'on rencontre tout le monde), l'acteur du Séjour d'Honneur
avait auparavant croisé «en ung jardin délicieux et vert» (v.6089), un roi-
poète «tout dyapré d'inventifve science» (v.6O92). L'enchantement est tel
que l'acteur, «de merveilles surpris», pense «ailleurs qu'en ce siècle estre»
(v.6121). Car la Forêt des Aventures est ce siècle : ce lieu mélancolique n'est
pas se

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