Christianisme ésotérique et Islam dans l Espagne du Moyen Age. - article ; n°1 ; vol.29, pg 137-152
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Revue de l'Occident musulman et de la Méditerranée - Année 1980 - Volume 29 - Numéro 1 - Pages 137-152
La conception ésotérique et mystique des chrétiens espagnols prend sa source, selon l'auteur, dans la connaissance de YÉvangile selon Thomas, mis à jour à Nag Hammadi. Cet apocryphe fut connu de Priscilhen, puis oublié par la tradition chrétienne, mais il continua d'être pratiqué par les musulmans et son enseignement a alors resurgi, vers les xe-xne siècles, à travers les auteurs musulmans, la mystique du chî'isme duodecimain, dans le christianisme ibérique. Judas-Thomas auquel Jésus transmet ses paroles secrètes, Judas le Jumeau, selon le sens du mot (orna en araméen ou tauma en syriaque, est bien le Judas des Canoniques. C'est Jean, XIII, 18-26, qui l'identifie en fait au jumeau du Christ, jumeau secret et nocturne qui continuera à vivre dans chaque âme croyante quand le Christ sera retourné à son Père. Ce douzième disciple qui disparaît dans la Nuit, présente donc une homologie certaine avec le Douzième Imam des chiites. Deux citations de l'Évangile selon Thomas sont ensuite retrouvées, l'une chez al-Muhâsibî, l'autre dans le Livre de la Royauté, de Jâbir. Par ailleurs, quelques documents iconographiques (Beatus de Gérone, églises de Tudele, en Navarre espagnole), relèvent l'importance du symbolisme du nombre 14, qui denote outre l'influence des chî'ites duodecimains, une conception qui fait de chaque âme chrétienne un jumeau de Christ, directement inspirée par l'Esprit, en dehors de tout magistère, conception qui finit par rencontrer, au tympan de Saint-Nicolas, à Tudele, le joachimisme.
Esotensm and mysticism of Christian people in Spain springs from the Gospel of saint Thomas, found in Nag Hammadi. This apocryphal text was known to Priscilhen and then forgotten through the Christian tradition but kept through the Islamic one, so that, transmitted by shi'ism, it revived in Spain from Xe to XIIe centuries. Judas-Thomas, who was given these secret words by Jesus, may be called Judas - the twin brother, as toma means in aramean language. John, XIII, 18-26, treats him as the twin brother of Jesus, a secret, hidden brother who will remain alive inside each of the believing people, after Christ will be back to his Father. This hidden twelfth disciple, truly, looks like the twelfth imam. The apocryphal gospel appears to be quoted by al-Muhasibi and by Jabir in the Book of the kinship. Some iconographie documents reveal the symbolism of number 1 4, which denotes the Shi'ite influence as well as a way of considering each Christian soul as a twin-brother of Christ, animated by the holy ghost, a concept which was to encounter joachimism, as it appears on tympanum of saint Nicolas church, in Tudela.
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1980
Nombre de lectures 56
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Paulette Duval
Christianisme ésotérique et Islam dans l'Espagne du Moyen
Age.
In: Revue de l'Occident musulman et de la Méditerranée, N°29, 1980. pp. 137-152.
Citer ce document / Cite this document :
Duval Paulette. Christianisme ésotérique et Islam dans l'Espagne du Moyen Age. In: Revue de l'Occident musulman et de la
Méditerranée, N°29, 1980. pp. 137-152.
doi : 10.3406/remmm.1980.1878
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/remmm_0035-1474_1980_num_29_1_1878Résumé
La conception ésotérique et mystique des chrétiens espagnols prend sa source, selon l'auteur, dans la
connaissance de YÉvangile selon Thomas, mis à jour à Nag Hammadi. Cet apocryphe fut connu de
Priscilhen, puis oublié par la tradition chrétienne, mais il continua d'être pratiqué par les musulmans et
son enseignement a alors resurgi, vers les xe-xne siècles, à travers les auteurs musulmans, la mystique
du chî'isme duodecimain, dans le christianisme ibérique. Judas-Thomas auquel Jésus transmet ses
paroles secrètes, Judas le Jumeau, selon le sens du mot (orna en araméen ou tauma en syriaque, est
bien le Judas des Canoniques. C'est Jean, XIII, 18-26, qui l'identifie en fait au jumeau du Christ, jumeau
secret et nocturne qui continuera à vivre dans chaque âme croyante quand le Christ sera retourné à
son Père. Ce douzième disciple qui disparaît dans la Nuit, présente donc une homologie certaine avec
le Douzième Imam des chiites. Deux citations de l'Évangile selon Thomas sont ensuite retrouvées, l'une
chez al-Muhâsibî, l'autre dans le Livre de la Royauté, de Jâbir. Par ailleurs, quelques documents
iconographiques (Beatus de Gérone, églises de Tudele, en Navarre espagnole), relèvent l'importance
du symbolisme du nombre 14, qui denote outre l'influence des chî'ites duodecimains, une conception
qui fait de chaque âme chrétienne un jumeau de Christ, directement inspirée par l'Esprit, en dehors de
tout magistère, conception qui finit par rencontrer, au tympan de Saint-Nicolas, à Tudele, le
joachimisme.
Abstract
Esotensm and mysticism of Christian people in Spain springs from the Gospel of saint Thomas, found in
Nag Hammadi. This apocryphal text was known to Priscilhen and then forgotten through the Christian
tradition but kept through the Islamic one, so that, transmitted by shi'ism, it revived in Spain from Xe to
XIIe centuries. Judas-Thomas, who was given these secret words by Jesus, may be called Judas - the
twin brother, as toma means in aramean language. John, XIII, 18-26, treats him as the twin brother of
Jesus, a secret, hidden brother who will remain alive inside each of the believing people, after Christ will
be back to his Father. This hidden twelfth disciple, truly, looks like the twelfth imam. The apocryphal
gospel appears to be quoted by al-Muhasibi and by Jabir in the Book of the kinship. Some iconographie
documents reveal the symbolism of number 1 4, which denotes the Shi'ite influence as well as a way of
considering each Christian soul as a twin-brother of Christ, animated by the holy ghost, a concept which
was to encounter joachimism, as it appears on tympanum of saint Nicolas church, in Tudela.CHRISTIANISME ÉSOTÉRIQUE ET ISLAM
DANS L'ESPAGNE DU MOYEN ÂGE
par Paulette DUVAL
Dans une précédente étude, parue ici même (1), nous avions cru pouvoir attirer
l'attention sur l'influence de l'islam et de sa mystique, principalement de l'islam chî'ite,
sur les chrétiens vivant en Espagne et sur la littérature hispano-française du XIIe siècle.
Dans le présent travail nous voudrions présenter quelques aspects du christianisme de
la Péninsule et montrer que le Moyen Âge espagnol a connu une sorte de symbiose
entre christianisme et islam, peut-être à partir de la connaissance - commune -
d'un Évangile apocryphe, l'Évangile selon Thomas, que les découvertes des codices de
Nag Hammadi, en 1945, ont mis à jour.
Déjà Asin Palacios - sans doute dans un souci plus apologétique que
scientifique - avait découvert nombre de ressemblances entre le Coran et les Évangil
es (2). Notre propos est le suivant : en premier lieu, il nous est apparu que le
christianisme du IV* siècle, en Espagne, donc bien avant l'avènement de l'islam, était
déjà un christianisme ésotérique et mystique, s'appuyant, avec Priscillien, vraisembla
blement sur la connaissance de YÉvangile selon Thomas. L'islam, ensuite, a connu et
pratiqué cet Évangile, et de nouveau en a transmis esprit et doctrine, vers le IXe et
Xe siècle de notre ère, aux chrétiens ibériques qui en avaient sans doute perdu la
tradition. Au XIe siècle, à Tudèle, en Navarre espagnole, le tympan de l'église de la
Madeleine, en Catalogne, au XIIe siècle, les fresques des églises, représentant cette
« Marie » porteuse de coupe, que nous avons suggéré être Madeleine (3), au XIIIe siècle
encore à Tudèle, sous l'influence probable du joachimisme champenois, mais aupara
vant sous celle des Normands de Sicile, le portail de Saint-Nicolas, sont les témoins de
la persévérance du christianisme ibérique à se définir comme ésotérique et mystique.
Et la littérature française dont les auteurs furent en rapport avec l'Espagne, comme
Turold de la Chanson de Roland, ou Chrétien de Troyes, dans le Conte du Graal (4),
porte les traces d'un christianisme aux aspects bien surprenants pour un homme du
nord.
L'Évangile selon Thomas aux premières heures
du christianisme espagnol.
Manuel Diaz y Diaz a mis en lumière, à partir du traité de Valerio del Bierzo de
genero monachorum, et de la Vida de San Fructuoso, rédigée vers 675 (5), que la P. DUVAL 138
Péninsule avait été évangélisée tardivement et lentement par de petits groupes de
moines de la Thébaide. Il est évident que le rôle du monachisme égyptien dans la
transmission de la nouvelle religion n'a pu qu'accentuer son caractère mystique.
Cependant dès le IVe siècle, le priscillanisme, originaire de Galice mais qui se diffusa
jusqu'en Bétique, et au sud de la France, avait dû déjà profondément marquer le
christianisme ibérique (6). On connaît le retentissement qu'a eu cette « hérésie » sur la
pensée chrétienne ou islamique puisque Asin Palacios a pu retrouver dans l'école
d'Almeria d'Ibn Masarra les traits de la gnose de Priscillien ; le savant espagnol avait
d'ailleurs reconstitué la doctrine d'Ibn Masarra à travers les citations qu'en fait Ibn
Arabi au XIIe siècle... (7).
Or l'un des traits de ce christianisme est son caractère affirmé d'ésotérisme.
Menendez Pelayo (8) notait que les priscillanistes avaient des hymnes révélés en grand
secret à ses disciples par le Christ ; l'un d'eux nous est connu : c'est un hymne des
Actes de Jean que relate saint Augustin dans sa lettre à Ceretius, en précisant qu'il est
apocryphe et se trouve chez d'autres hérétiques que les priscillanistes : « Cet hymne
n'est pas mis dans le Canon, écrit saint Augustin, à cause de ceux qui pensent selon
eux-mêmes, et non selon l'Esprit et la Vérité de Dieu, et il est écrit : * il est bon de
cacher le sacrement du roi ; mais il est honorable de révéler les œuvres de Dieu '». (9)
Voici donc précisés les reproches que l'on fait aux usagers de ces hymnes
révélés en secret : les hérétiques pensent par eux-mêmes, et donc hors de l'Église
(sous-entendu), qui, elle, a l'Esprit et la Vérité de Dieu. Le deuxième reproche - dont
le premier découle - c'est que si l'Écriture dit bien que « il est bon de cacher le
sacrement du roi », elle dit aussi qu'il est honorable de révéler les œuvres de Dieu. Il
n'est pas juste de penser, selon saint Augustin, que certaines vérités sont révélées aux
uns et non aux autres...; et l'Église seule est dépositaire des révélations.
La référence biblique est du Livre de Tobie (XII,7) et non du Livre de Job,
comme l'écrit Menendez Pelayo ; c'est le passage où l'Ange Raphael, après que Tobit
fut guéri de sa cécité, et Tobie marié à Sarra, révèle qui il est : « Alors Raphael les prit
tous deux à l'écart et leur dit : Faites connaître à tous les hommes les actions de Dieu
comme elles le méritent, et ne vous lassez pas de le remercier. Il convient de garder le
secret du roi, tandis qu'il

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