Coït interrompu, contrainte morale et héritage préférentiel - article ; n°1 ; vol.44, pg 47-70
25 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Coït interrompu, contrainte morale et héritage préférentiel - article ; n°1 ; vol.44, pg 47-70

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
25 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Communications - Année 1986 - Volume 44 - Numéro 1 - Pages 47-70
24 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1986
Nombre de lectures 37
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Hervé Le Bras
Coït interrompu, contrainte morale et héritage préférentiel
In: Communications, 44, 1986. pp. 47-70.
Citer ce document / Cite this document :
Le Bras Hervé. Coït interrompu, contrainte morale et héritage préférentiel. In: Communications, 44, 1986. pp. 47-70.
doi : 10.3406/comm.1986.1654
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_1986_num_44_1_1654.

Hervé Le Bras
Coït interrompu, contrainte morale
et héritage préférentiel
La notion et le calcul d'une « fécondité française » aident l'admi
nistration à prévoir l'évolution de la population à court terme et à
prendre certaines décisions, mais ils ne présentent guère d'intérêt
quand on veut comprendre l'histoire et les particularités de la repro
duction de la population française depuis deux siècles.
L'échelle de la France est trop vaste et les évolutions sont trop
diverses pour fournir des indications pertinentes : la fécondité est un
résultat, non un point de départ pour l'analyse.
Pour parvenir à une histoire intelligible de la fécondité en France,
l'autre voie est tout aussi bouchée; suivre pendant plusieurs géné
rations une fécondité individuelle représente une contradiction dans
les termes : la notion de fécondité ne prend un sens qu'à l'échelle de
groupes humains. .
Un niveau intermédiaire permet de naviguer entre ces deux écueils,
celui de sous-populations plus homogènes que la population totale.
Les départements en sont l'un des meilleurs exemples. La richesse
des observations qui ont été collectées dans leur cadre permet en
outre de suivre et de comparer la fécondité à un certain nombre
d'autres phénomènes importants, tant économiques que sociaux et
politiques. - »
Sur deux premières cartes (la et 16), on aperçoit immédiatement
l'ampleur du problème posé par la fécondité. A un siècle de distance
(de 1861 à 1982), aucune continuité ne se dégage de la distribution
du nombre moyen d'enfants par femme dans chaque département.
Chacune à sa manière, ces deux cartes portent cependant la marque
d'influences précises et stables dont nous allons ici progressivement
dégager la nature. . , ;
Notre méthode s'éloignera des travaux récents sur deux points
importants. Tout d'abord, nous éviterons l'usage massif des régres
sions linéaires et des corrélations qui fondamentalement supposent
l'homogénéité des évolutions départementales toutes soumises au même
. 47 Cartes 1
Nombre moyen d'enfants par femme
a) 1861
Nombre moyen d'enfants
par femme
[■|<2.6
ISSSSSI 2,6-2,8
K"xVxxxl ^ 0 ^ ^
1 1 > 3,3
b)1982
Nombre moyen d'enfants
par femme
imi < us - ' '
j 1 1,75-1,90
1 1 1,90-2,10
| 1 > 2,10
avec Le relief le nombre des départements moyen d'enfants varie linéairement Coït interrompu, contrainte morale et héritage préférentiel
schéma *. Au contraire, trois schémas ou, si l'on veut, trois logiques
différentes vont être distingués dès le départ.
Seconde différence importante, nous prêterons plus d'attention à
la technologie du contrôle de la fécondité. Avec les moyens modernes
de contraception et d'avortement, on perd parfois de vue le problème
que posait la prévention des naissances il y a un ou deux siècles. Si
la a progressé lentement durant le xviir siècle, c'est en
grande partie à cause des difficultés de son apprentissage physique
(et dans une moindre mesure psychique) 2. Au XIXe siècle, cela reste
encore vrai. Progressivement, les méthodes de contrôle se perfec
tionnent dans certains départements, ou sont abandonnées pour de
plus efficaces dans d'autres. Une partie du désaccord des évolutions
locales tient donc à des différences dans les options initiales, part
iculièrement à l'alternative contraception/mariage tardif.
L'inertie des comportements éclipse des causes qui sont habituel
lement mises en avant - urbanisation, industrialisation, changements
politiques, sécularisation — au profit de causes plus classiques, telles
que le régime de la propriété et de l'exploitation du sol, la densité
rurale, ou la mortalité. Dans ces derniers cas, les principes d'action
sont relativement clairs, au point d'avoir été identifiés par les contem
porains : dès 1853, la Statistique générale de la France (SGF) 3 analyse
ces causes de diversité de la fécondité sans pourtant percevoir les
trois régimes différents de contrôle en raison du brouillage qu'opère
leur efficacité inégale. •
Cent vingt ans plus tard, avec l'utilisation de la pilule et du stérilet,
à quelques exceptions près dues à la maladresse ou à la stérilité, les
couples engendrent la descendance qu'ils souhaitent, ce qui élimine
la source du brouillage. La carte de la fécondité en 1982 révèle alors
les désirs qui ont sous-tendu le comportement des générations pré
cédentes. Elle offre un excellent guide pour entrer dans le passé et
remonter jusqu'aux plus anciennes statistiques départementales.
Les trois régimes démographiques.
En 1982, dernière année pour laquelle la fécondité des départe
ments est connue, on peut schématiquement opposer le Sud au Nord
plus fécond, ce « croissant fertile » comme on l'avait surnommé dans
les années 60. Plusieurs exceptions notables apparaissent à cette sépa
ration majeure : on a plus d'enfants au sud du Massif central que
dans le reste du Sud-Ouest, on en a moins au sud du Bassin parisien
qu'en Lorraine, dans le Nord ou en Normandie.
Cette répartition, qui ne rappelle ni celle de l'industrie ni celle
49 Le Bras . -•■■ , , Hervé
d'une profession particulière, correspond à deux géographies très
classiques, celle de la religion catholique 4 et celle de l'héritage iné-
galitaire 5 (cartes 2a et 26).
Là où elle est encore puissante, la religion catholique entraîne une
hausse relative de la fécondité pour des raisons qui vont bientôt
apparaître. Inversement, l'héritage préférentiel, ou inégalitaire,
décourage la natalité. Faire plusieurs enfants, c'est à la fois gêner
l'héritier qui devra leur concéder des droits « réparatoires », et créer
au sein de la famille un climat d'inégalité qui est vite ressenti comme
une injustice, tant par celui qui reprend l'exploitation et que la charge
de ses vieux parents bloque sur place que pour ceux qui n'héritent
pas ou peu des biens familiaux et doivent se débrouiller autrement.
L'idéal en régime de « famille souche », comme on désigne ce sy
stème de reprise par un seul héritier, est donc l'enfant unique qui
évite ces complications. ,
Les mêmes raisons pourraient être évoquées dans le cas des héri
tages égalitaires, mais la division des propriétés qui a été souvent
poussée à ses limites y a en général réduit la part de la petite propriété.
La combinaison de ces deux phénomènes, religion et type d'héri
tage, dessine trois régimes de fécondité (et non quatre comme l'ex
igerait l'énumération de toutes les combinaisons possibles) : dans les
régions catholiques, la fécondité est la plus forte, au nord comme au
sud où elle est cependant atténuée par l'influence de l'héritage iné
galitaire. Le premier régime est donc uniquement caractérisé par la
religion. . \ :
Au sud : les pays laïcs — Limousin, Pyrénées centrales, Aquitaine,
Périgord, Languedoc, etc. —, où l'influence de l'héritage inégalitaire
domine, confinant la fécondité à des niveaux très faibles; c'est le
second régime.
Le troisième régime de fécondité regroupe les départements co
rrespondant à des pays laïcs et d'héritage égalitaire — Bassin parisien,
Touraine, Berry, Bourgogne. La fécondité y est intermédiaire entre
celle des deux autres régimes.
Cette typologie suit bien la géographie de la fécondité; les raison

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents